Jean-Gabriel Perboyre, Lettre 078. A Jean-Baptiste Torrette, C.M., à Macao

Francisco Javier Fernández ChentoÉcrits de Jean-Gabriel PerboyreLeave a Comment

CRÉDITS
Auteur: Jean-Gabriel Perboyre .
Estimated Reading Time:

Honan, le 17 août 1836.

Monsieur et très cher confrère,

La grâce de N. S. soit toujours avec nous.

C’est du Honan que je vous écris ma troisième lettre de la Chine. Je vous en ai écrit une longue du Fokien et une autre petite du Kiang-si. Je pense que vous les avez déjà reçues ; je ne reviendrai pas sur ce que je vous y disais.

Dans celle-ci, je ne vous parlerai même guère des voyages que j’ai faits depuis. Si vous avez le courage de lire celle que j’émis à mon oncle, elle pourra vous dédommager ainsi que M. Danicourt. La vôtre du 25 mars et celle de M. Etienne, je les ai reçues ici, 8 jours après mon arrivée. Leur contenu m’a causé plus de joie que de surprise, comme vous aurez pu le conclure de tout ce que je vous ai dit à Macao. J’ai remercié N. S. de tout mon cœur des grandes grâces qu’il vient d’accorder à la Congrégation. Puisqu’il les a répandues avec tant d’abondance à la source, il faut espérer qu’il les fera découler jusqu’à nous quelqu’éloignés et misérables que nous soyons.

Je fis bien de ne pas attendre au Kiang-si les courriers du Houpé, qui ne devaient pas venir me prendre. Mais M. Baldus avait donné la commission à une barque chrétienne qui allait au Kiang-si. Il vaut mieux à l’avenir laisser le soin de faire passer les confrères à M. Laribe qui a des courriers à sa disposition. Je me séparai de [ce] cher confrère à Kientchang-fou le 8 avril, le 25 j’arrivai à Hankeou, le 7 mai auprès de M. Baldus et le 9 auprès de M. Rameaux, faisant mission tous les deux dans le district de Kin-men-tchéou. Je passai là trois semaines avec eux, puis à peu près le même temps à Gan-lo-fou et enfin quinze jours à notre résidence des montagnes, d’où je partis le 12 juin pour me rendre au Honan.

[Je m’étais empressé d’y aller afin d’empêcher M. Pé1 de descendre : il était trop tard ; nous (nous) croisâmes en chemin sans nous voir ; mais M. Rameaux me le renvoya aussitôt, et le voilà depuis sur mes bras ou entre mes mains. Je tâcherai d’en tirer le parti que je pourrai. Jusqu’ici j’ai été fort content de lui ; il est bien disposé. D’après tous les théologiens, il est exempt de censure et d’irrégularité. Il n’y aura donc pas d’obstacle pour lui laisser dire la messe quand il aura la conscience en règle. D’après ce qu’il m’a dit, il n’aurait ni bien ni mal édifié dans sa famille. Mais l’affaire des montagnes est trop publique pour qu’il puisse jamais exercer dans la mission du Houpé. Il ne faut pas croire cependant qu’elle soit connue du plus grand nombre des chrétiens. M. Laribe m’a dit qu’il était prêt à le recevoir. M. Mouly en dirait probablement autant. Quelque part qu’il aille, on ne peut pas le perdre de vue à cause de son peu de solidité. M. Song m’a dit qu’il aurait besoin d’être toujours en compagnie d’un autre prêtre en faisant mission ; lui-même m’a dit qu’il ne demanderait pas mieux. Si je fais un peu mission cette année comme je l’espère, je me propose de le faire servir de catéchiste c.-à-d. qu’il prêcherait, interrogerait sur le catéchisme, dirait la messe sans entendre les confessions, si ce n’est qu’entre des enfants. Si vous l’envoyez l’année prochaine à M. Laribe, il pourrait le soumettre au moins pendant un an à ce régime sous prétexte qu’il ne serait pas encore bien au courant de la langue. Si vous l’envoyez à M. Mouly, il lui ferait exercer le ministère dans son petit séminaire de Tartarie sans le laisser aller bien loin. Si vous ne l’envoyez ni à M. Laribe, ni à M. Mouly, et que vous vouliez l’appeler à Macao, voici ce qui me semblerait le mieux, dans l’intérêt de sa réputation et de la nôtre : c’est que vous l’appelassiez non comme pénitent mais comme destiné à enseigner le chinois aux nouveaux confrères européens. Après quelques années, vous verriez si vous deviez le retenir ou le renvoyer en mission. Dans cette position vous l’admettriez à votre table et le traiteriez extérieurement avec les égards ordinaires, ce qui n’empêcherait pas qu’en particulier vous ne le traitassiez selon ce qu’il est réellement non ad vindictam sed ad sanationem ; ce qui n’empêcherait pas qu’il n’assistât aux classes de théologie et même à celles de latinité2.]

Si vous n’avez pas encore envoyé à M. Julien3 une collection des livres chrétiens chinois, ce serait un cadeau à lui faire. Si vous avez fait imprimer l’explication des évangiles, j’en recevrai avec plaisir un exemplaire. Vous savez que les Propagandistes viennent de le faire imprimer. Soit au Kiang-si, soit au Houpé nous désirerions avoir dans la mission un exemplaire complet des Annales de la Propagation de la Foi, ainsi qu’un exemplaire des Lettres Edifiantes de la rue du Bac, que vous avez demandées cette année pour vous. Puis des relations des miracles de la médaille. Puis une grande quantité de ces médailles miraculeuses. Puis beaucoup d’images de N.S. et de la Sainte Vierge, des mystères, des petites des Apôtres. Assez inutile d’envoyer d’autres espèces. Pour celles de saint Vincent on ne les reçoit pour ainsi dire que par force.

Nous désirerions avoir les cartes du Houkouang et du Honan. Voudriez-vous nous les faire calquer par M. Danicourt ou M. Matta ? Où en est-il le bon M. Matta ?

D’après ce que dit l’évêque de Nankin4, on peut faire l’office votif du saint Sacrement dans toute la Chine. Je pense qu’il doit en être de même de celui de l’Immaculée Conception. Mais celui-ci, faut-il le faire double ou semi-double ? J’ai entendu dire que M. Le Grégois avait une bulle là-dessus. Nous, missionnaires européens sommes-nous tenus à faire tous les jeûnes des vigiles des Apôtres et les autres qui sont marqués sur l’ordo avec le mot alicubi ?

J’ai entendu dire que saint Bernard avait été depuis peu déclaré docteur, quoique l’ordo n’en parle pas. Est-ce vrai ? Vous voyez qu’il y a certaines nouvelles ecclésiastiques qu’il nous serait utile de savoir.

Ne pourriez-vous pas prier un confrère de Rome de faire déclarer par la Propagande quels sont expressément ceux des privilèges de notre Congrégation abrogés en Chine.

M. Gabet n’arrive pas vite ; je commence à craindre qu’il n’ait eu quelque accident en route, ou à penser que vous l’aurez expédié par une autre voie que celle de Canton ou que peut-être vous aurez changé sa destination. S’il passe ici, comme je l’espère encore, j’aurai moyen de le faire conduire soit à Pékin soit au Chensi.

Il me semble qu’il serait assez à propos que M. Danicourt étudiât le chinois. Qu’il reste à Macao, la connaissance du chinois serait fort utile. Il faut aussi prévoir le cas où il serait nécessaire qu’il entrât en Chine, où un et plusieurs supérieurs peuvent venir à manquer, etc. Je m’étais proposé de lui écrire ainsi qu’à M. Leite, mais cette fois-ci je ne le puis.

Veuillez les assurer de ma bonne volonté ainsi que de mes respects, amitiés. Ceci aussi entendu pour les autres MM. de Saint-Joseph, M. Tchiou etc.

Quant à vous, Monsieur et très cher Confrère, vous savez combien je suis à vous pour toujours en N. S.

J.G. Perboyre i. p. d. l. m.

P. S. : Veuillez envoyer à Paris sous l’enveloppe du très honoré Père et sans les cacheter ma lettre à M. Candèze et celle à m[on] Oncle.

Suscription : Monsieur Torrette, Prêtre et Procureur de la Congrégation de la Mission. A Macao.

Lettre 78. — Maison-Mère, original 62.

  1. Pé Jean, cf. Lettre 84, note 2, p. 226.
  2. Passage non transcrit dans l’édition de Pékin, 1940.
  3. Stanislas Julien, orientaliste français, né à Orléans en 1799, mort à Paris en 1873. En 1859, il traduisit en français, pour la Congrégation des Rites, les documents chinois du procès de béatification de saint J.G. Perboyre.
  4. L’évêque de Nankin, Mgr Pirès, voir Lettre 74, note 1, p. 170.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *