Histoire générale de la Congrégation de la Mission (61)

Francisco Javier Fernández ChentoHistoire de la Congrégation de la MissionLeave a Comment

CRÉDITS
Auteur: Claude-Joseph Lacour cm · Année de la première publication : 1897.
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LXI. Nouveaux établissements en France et ailleurs

logocmLa Compagnie s’accrut en nombre de maisons sous le gouvernement de M. Watel tant en France que dans les pays étrangers. Un des établissements qui lui donna le plus de consolation fut celui de Notre-Dame de Buglose, au village de Pouy qui était la patrie de M. Vincent. C’était un lieu de dévotion, où un grand concours de peuple venait honorer la ste. Vierge. Depuis que la Congrégation y a été établie et on y a vu venir la Sérénissime reine d’Espagne, veuve de S[a] M[ajesté] Charles II, qui, dans les guerres survenues pour maintenir sur le trône Philippe V, de la maisonde France, ayant été soupçonnée d’être trop attachée à l’Empereur dont elle était la tante fut priée de se retirer à Bayonne pour y faire son séjour ordinaire ; et, depuis la paix, Sa Majesté n’a pas voulu sortir de cette ville. Elle vint un jour faire ses dévotions à Notre-Dame de Buglose, où M. Vincent, dans sa jeunesse, s’était mis pareillement sous la protection de la sainte Vierge. Ce fut un abbé de distinction de ce pays qui ménagea cet établissement du consentement de messire Bernard d’Abadie1, évêque de Dax, dans le diocèse duquel est cette chapelle. Ce prélat y envoie les séminaristes ; et il y a trois prêtres dans cette nouvelle maison qui commença en 1704.

Messire Cyprien Bernard de Rezay2, évêque d’Angoulême, ayant été satisfait des travaux des Missionnaires de Saintonge, qui allaient, de six en six ans, acquitter une fondation de mission dans les terresde M. de La Marguerie, ci-devant président à mortier au parlement de Paris, pendant 4 mois de l’année, à la charge de la maison de St.-Lazare, résolut de donner à la Compagnie la direction de son séminaire déjà bâti et renté, ayant été quelque temps dirigé par quelques ecclésiastiques externes. Ce prélat envoyait plusieurs séminaristes au séminaire de Périgueux, gouverné par une communauté ecclésiastique qui y sert avec bénédiction. Il joignit à son séminaire la chapelle de Notre-Dame d’Obesine, hors les portes d’Angoulême, où le monde va en dévotion, et un des prêtres de la Mission, y doit faire comme les fonctions du Pénitencier du diocèse, pour les personnes qui auraient besoin de faire des confessions générales, ou se trouveraient embarrassées de quelques difficultés de conscience. On envoya là quatre prêtres et deux frères, et M. Desortiaulx3 fut le premier supérieur.

On avait souhaité depuis longtemps un établissement de la Compagnie dans Toulouse, ville capitale du Languedoc. M. Rabi, vicaire général de messire Édouard Colbert de Villacerf4, archevêque de cette ville, intime ami de la Congrégation, agit si bien auprès du prélat qui d’ailleurs l’honorait de son estime ; et il le détermina à l’établir dans le séminaire de Carman, autrefois dirigé par M. Bonnal, qui avait assemblé des ecclésiastiques vivant en communauté ; mais, le R. P. de la Chaise, confesseur de Sa Majesté, à l’instance de ses confrères, qui ont le soin du principal séminaire du diocèse de Toulouse, suscita des obstacles au parlement de Paris, qui rendirent cette bonne volonté sans effet. La même influence avait pareillement empêché ci-devant que les Missionnaires ne fussent introduits dans le prieuré de Saint-Irénée-hors-les-murs de Lyon, où les anciens chanoines réguliers de Saint-Augustin, qui y étaient, avaient voulu les substituer en leur place ;on représenta à S[a] M[ajesté] qu’il valait mieux donner cette mense prieurale à des religieux du même ordre, et les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève y ont aujourd’hui une bonne maison.

M. Rabi ne perdit pas la résolution d’établir la Mission à Toulouse ; il donna ses biens pour cela. Mgr l’Archevêque5 y contribua d’une somme d’argent et fit un légat [sic] considérable à sa mort. Cet établissement se conclut en 1704. M. Thibaud y fut envoyé comme premier supérieur. On fit des missions, dans le diocèse, qui réussirent très bien dans le commencement, selon les relations que le nouveau supérieur en envoya. Messieurs de ville firent grand accueil aux nouveaux Missionnaires ; dans la suite, les Capitouls qui sont les échevins de la ville, ennoblirent leur maison et leurs biens. On a commencé à y faire faire des retraites aux séculiers, et Messieurs du Parlement y sont venusavec satisfaction, en quittant mesure la maison des R. P. Jésuites où ils allaient auparavant.

La même année 1704, les cardinaux directeurs de la Congrégation de Propaganda Fide qu’est soumis le collège fondé à Avignon par le cardinal de Brogny6, savoyard, en faveur des jeunes gens de cette nation d’étudier surtout aux lois, et en particulier en faveur de la jeunesse de la ville d’Annecy, des environs de laquelle était sorti le cardinal, puissant en cour de Rome sous le pontificat de Clément VII, de la famille des comtes de Genève, du temps du grand schisme. Ces cardinaux, dis-je ayant appris, que, faute de bons directeurs qui usent de l’autorité pour contenir les jeunes gens dans le devoir, il y avait beaucoup de désordre parmi les écoliers, voulurent y remédier. Et pour cela, ils crurent pouvoir obliger ceux qui seraient entretenus dans ce collège, de prendre l’habit ecclésiastique, et de penser à aller travaillerun jour dans les missions étrangères. Ils jugèrent encore qu’il fallait donner la direction du collège à quelque communauté ecclésiastique. On l’avait ci-devant confié à Messieurs de la congrégation du Saint-Sacrement, fondée par M. Authier ; on avait aussi eu envie de la donner à Mrs de St.-Sulpice. Cela ne réussit pas. Le Pape pensa à la Congrégation de la Mission et donna ordre à M. Viganego, qui était 4e assistant du général, d’aller prendre soin de ce collège. M. Watel n’autorisa pas cet établissement, sachant que S[on] A[ltesse] R[oyale] de Savoie, s’intéresserait pour ses sujets, qui ont là des places, et ceux de la ville d’Annecy, n’y ont point voulu envoyer des leurs pour ne pas contrevenir à la fondation du cardinal de Brogny, qui avait prétendu y faire élever la jeunesse, non pour se disposer à l’état ecclésiastique, cela se devant faire à Annecy, même dans le séminaire, selon les ordonnances de l’évêque de Genève, mais pour s’y former aux lois, et rendre ensuite service à leur patrie dans la jurisprudence. M. Viganego ne laissa pas d’y aller, et on lui joignit quelques prêtres italiens avec quelques frères de la province de Lyon, le Pape ayant voulu que la maison dépendît de la province romaine. Jusqu’à présent le supérieur général ne l’a point autorisé. Seulement M. Bonnet, successeur de M. Watel, nomma M. Viganego pour supérieur des prêtres qui y sont quand il passa là en faisant ses visites. Ce supérieur a fort bien fait réparer et raccommoder tous les bâtiments, étant appuyé du vice-légat. Il s’y est fait respecter pour maintenir le bon ordre.

Messire Jean-Claude de la Poipe, évêque de Poitiers, donna, en 1705, un nouveau séminaire de jeunes clercs dans la ville de Poitiers à diriger aux missionnaires. Le séminaire était déjà fondé en cette ville, et ce fut une nouvelle maison distinguée du séminaire ordinaire, où se disposent les ecclésiastiques pour recevoir les Ordres sous la conduite des Missionnaires. Cette nouvelle maison commença en 1706.

Les deux chapelles dédiées à la ste. Vierge et servies par les Missionnaires, l’une à Valfleury, diocèse de Lyon, l’autre à Montuzet, diocèse de Bordeaux, furent érigées en nouvelles maisons, où le général nomma des supérieurs, pour avoir la conduite immédiate des sujets de la Compagnie qui résident en ces lieux-là. La première est une dépendance du prieuré de Savigneux-lès-Montbrizon, que M. Manis, dernier prieur, chanoine de St.-Paul de Lyon, avait commencé à faire desservir par des prêtres pour satisfaire au grand nombre de pèlerins qui y viennent, obtenant pour cela une permission du Vicaire général de Lyon, de mettre la rétribution des messes à 20 sols, afin de fournir à la subsistance des prêtres qui confesseraient là, mais, ayant vu la difficulté de trouver des prêtres propres pour cet effet, il remit cette chapelle à desservir aux Missionnaires qui y sont depuis 1688.

M. Jolly eut quelque peine à consentird’envoyer là des Missionnaires et il donna ordre au visiteur de bien s’informer si ce poste là convenait à l’Institut. On a parlé ensuite de l’unir à la Congrégation en séparant même le prieuré de Savigneux, où ledit prieur avait déjà appelé des religieux Bénédictins de St.-Maur ; on n’a pu encore en venir à bout. L’autre chapelle était déjà unie au séminaire de Bordeaux, quand celui-ci fut donné à la Compagnie.

En Italie, S[on] A[ltesse] R[oyale] Côme III, grand-duc de Toscane, ayant pris la Compagnie en affection, en voulut avoir un établissement dans la ville de Florence. Il y appela les Missionnaires en 1703 et leur donna un emplacement, y faisant commencer un bâtiment magnifique, qu’on n’a pas voulu ensuite continuer sur le même dessin qui était trop superbe. M. Scaramelli7, qui avait succédé à M. Terrarossas, décédé à St.-Lazare, dans son office d’assistant du général, sous M. Pierron, et qui, après la mort de cegénéral, s’en retourna à Rome, d’où il était, fut choisi pour être le premier supérieur de cet établissement, lequel est considérable, y ayant douze prêtres. M. Watel mandait par sa lettre du 1er janvier 1705 : La nouvelle maison de Florence a augmenté par l’érection, qu’on y a fait, d’un séminaire externe, d’abord on ne se chargea que des missions ; il commence bien, y ayant eu dès l’année dernière jusqu’à 16 séminaristes, et on espérait que le nombre en devait croître beaucoup.

De plus, ajoute M. Watel, N[otre] S[aint] P[ère] le Pape a voulu que trois de nos prêtres eussent la direction d’une nouvelle maison à Rome, appelée l’Académie des nobles ecclésiastiques, qui est comme une espèce de séminaire externe de gentilshommes, destinés à occuper ensuite des places de distinction et même des prélatures ; c’est une troisième maison à Rome, dans un nouveau quartier, mais cet établissement n’a pas eu encore jusqu’à présent sa dernière perfection ; le pape Clément XI étant venu à mourir après un assez long pontificat, sans y donner la dernière main, on ne sait ce que feront ses successeurs.

Dans l’État ecclésiastique, Mgr le cardinal Balthazard Cenci8, évêque de Fermo, en la Marche d’Ancône, demanda des Missionnaires pour faire des missions dans son diocèse et y diriger un séminaire à la manière de France, en y recevant pour un certain temps les ecclésiastiques qui aspirent aux ordres, et non, comme cela se faisait dans quelques autres villes d’Italie, surtout à Rome, où on se contente des exercices de l’ordination. Cet illustre cardinal en fit la fondation, et on lui envoya des ouvriers en 1703.

L’année suivante, on en envoya pareillement à Barcelone, en Catalogne, et c’est le premier établissement fait en Espagne, où il est encore unique. Voici ce qu’en écrivit M. Watel. Mgr l’évêque de Barcelone, son nom était Salaz9, ci-devant religieux bénédictin et puis cardinal, nommé par l’empereur Charles VI, ayant embrassé son parti avec chaleur, dans le temps qu’il disputait la couronne d’Espagne, à l’instance de deux des plus illustres de son clergé, l’un était M. de Pages, chanoine de la cathédrale, qui mourut quelque temps après, ayant demandé à Sa Sainteté des prêtres de notre Congrégation. Elle leur en envoya trois avec deux frères ; nous avons fait supérieur de cette nouvelle maison M. Orsese10, qui est génois. Ils ont déjà un petit séminaire interne composé de deux ou trois ecclésiastiques de bonne espérance et de deux laïcs ; M. Balcone11, milanais, en est le directeur, et le procureur est M. Navarese12, espagnol, qui était entré depuis environ dix ans dans la Compagnie, au séminaire de Rome. Ils s’exercent déjà aux fonctions pourles retraites, le séminaire et les ordinations. Ils logeaient dans une maison assez près du palais où Charles III tenait sa cour ; ce prince allait assez souvent dans leur petite église, et il a eu là occasion de connaître la Mission, tandis qu’il a fait son séjour à Barcelone.

  1. Bernard d’Abbadie d’Arbocave, † 1732.
  2. Cyprien-Gabriel Bernard de Rezay, † 1737.
  3. François Desortiaulx, né 1654.
  4. Peut-être Jean-Baptiste Michel Colbert, † 1710.
  5. René-François de Beauvau, archevêque de Toulouse, 1713-1722, la date de son transfert à Narbonne.
  6. Probablement Johannes de Brugniaco, † 1426.
  7. Giuseppe Bernardo Scaramelli, 1669-1738.
  8. Baldassare Cenci, † 1709.
  9. Benito Sala, † 1715.
  10. Gian Domenico Orsese, 1663-1735.
  11. Giovanni Battista Balcone, né 1664.
  12. Luis Narvaez, né 1661.

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