V – La Mission au Hou-Kouang
La vie de la Mission
Transfert au Houkouang
Au bout d’un an de travail apostolique au Kiang-si, M. Raux, le supérieur des Lazaristes en Chine, demande à M. Clet d’aller dans la province voisine, le Hou-kouang, où se trouvent M.M. Aubin et Pesné dont la santé est bien éprouvée. Cette province du Hou-kouang est immense, elle a la réputation d’être le grenier de l’empire. Elle sera partagée en deux en 1818 avec au nord le Houpé, et au sud le Hounan.
La résidence centrale des missionnaires se trouve non loin de Kou-tcheng, ainsi que François-Régis l’écrit à son frère : « Je me suis rendu dans la partie septentrionale du Hou-kouang, pays montagneux où j’ai autour de moi à une petite distance plus de 2000 chrétiens. Ici les conversions des païens sont rares, témoins du scandale de quelques mauvais chrétiens, ils refusent de s’instruire d’une religion si mal pratiquée. » (Lettre n° 12)
Cette résidence sera aussi, 40 ans plus tard, celle de Jean-Gabriel Perboyre.
Les jeunes confrères français de M. Clet
Ces deux missionnaires vont finir prématurément. L’un, M. Aubin, parti en voyage, appelé par l’évêque du Chensi dont il dépendait, sera arrêté et mourra en prison à la suite, croit-on, d’un empoisonnement. L’autre jeune confrère, M. Pesné, va mourir d’épuisement à 29 ans, si bien que le P. Clet va rapidement se retrouver seul pour un territoire immense.
Dans la même lettre n° 12 à son frère, il décrit son champ d’action : « A présent ma demeure la plus habituelle est entre des montagnes qui, dans un arrondissement de 7 à 8 lieues, renferment plus de deux mille chrétiens, divisés en plus de vingt districts qu’on administre successivement. Mais en outre, il y a un grand nombre de chrétientés éloignées de 20, 40, ou 50 lieues qu’il faut aussi visiter. En me supposant seul comme je le suis en effet depuis 3 ans, j’ai à parcourir un espace de 200 lieues qui ne renferme toutefois que dix mille chrétiens à peu près. Deux confrères européens morts presque en même temps, l’un en prison, l’autre sous mes yeux, m’ont laissé à défricher ou cultiver un si vaste champ. »
La secte du Nénuphar blanc
Mais l’activité et les déplacements de notre missionnaire sont très gênés par les déprédations d’une secte en révolte contre le pouvoir impérial tartare. C’est la secte du Nénuphar blanc, lointaine héritière de la secte multiséculaire des Bonnets jaunes. Ses adeptes sont en révolte continuelle contre l’empire. Leurs bandes pillent incendient et massacrent sur leur passage ceux qui prétendent leur résister. Leurs allées et venues gênent beaucoup notre missionnaire dans son action : « Depuis deux ans et demi, je ne puis faire des excursions au loin, à cause d’une guerre civile dont ma province a été et est encore un des principaux théâtres. Les révoltés forment une secte infiniment nombreuse … Ces rebelles brûlent tous les lieux par où ils passent et massacrent tous ceux qui ne veulent pas prendre parti avec eux. Ils se sont assez approchés de nos montagnes pour nous jeter dans les plus vives alarmes. Ils n’ont jamais été plus proches de nous que de 5 à 6 lieues, mais certes c’est bien assez… » (Lettre n° 12)
Il arriva une fois que les rebelles pillèrent la résidence du P. Clet, et s’attardèrent à boire son vin, si bien qu’ils ne trouvèrent pas le missionnaire qui s’était caché. Les rebelles, appelés du nom chinois de Pei-lin-kiao, marchent en troupes de huit à dix mille, mais les chinois ont fortifié des camps pour se défendre de ces pillards. Ils s’y réfugient en cas de danger et ils en descendent quand l’orage est passé. Les révoltés ont même pénétré dans la ville de Pékin mais à cause de leur indiscipline ils furent battus, leurs chefs pris et décapités.
Mais on a parfois lancé le faux bruit que les chrétiens avaient partie liée avec les rebelles, le P. Clet dans une lettre au P. Letondal à Macao décrit cet incident : « Dans mon canton, nous venons d’être menacés d’une persécution. Quelques infidèles ont malignement répandu le bruit que les chrétiens, à telle époque fixe, lèveraient l’étendard de la révolte. Cette calomnie, de la plus grande absurdité, eu égard au petit nombre des chrétiens relativement à celui des païens, prend toutefois créance et excite de grandes rumeurs. Le mandarin du lieu appelle des chrétiens qui répondent qu’étant en si petit nombre, il y aurait pour eux de la folie à se révolter. Trois calomniateurs démontrés tels, sont saisis et punis de mort comme perturbateurs du repos public. L’affaire a été ainsi terminée sans même emprisonnement des chrétiens. » (Lettre n° 15)
Le surmenage du missionnaire
M. Clet est en temps ordinaire suroccupé. Il dit lui même : « Comme je ne suis pas revêtu de l’esprit d’oraison, je n’attire pas les bénédictions du ciel sur mon ministère. Ma grande occupation est de confesser, ordinairement neuf à dix heures par jour, à moins que je ne sois obligé d’aller administrer les sacrements ce qui est fréquent. » (Lettre n° 12)
Son supérieur de Pékin, M. Raux, l’invite à tempérer son zèle, il dit de lui : » Ses chrétiens ne lui donnent aucun repos, il arrive très souvent qu’après avoir été bien fatigué dans la journée, on vient le soir l’inviter à aller à deux ou trois lieues et au delà pour assister des malades. Son zèle aussi infatigable que timide craint toujours de ne pas arriver à temps… Je lui disais dans une lettre que le bien général de la mission demandait qu’il mit des bornes à son zèle… »
Le P. Clet n’est d’ailleurs pas d’une santé très solide, il écrit à M. Letondal à Macao : « Je sors d’une maladie qui m’a conduit assez près de la mort. Une fièvre parodique de deux jours l’un et l’hydropisie compliquées concouraient à me tracer la route du tombeau. A présent grâce à Dieu, je suis convalescent. Mais je suis bien faible et je ne puis faire que quelques pas, après lesquels je suis tout harassé… » (Lettre n° 10)
Les collaborateurs chinois de M. Clet
Les jeunes missionnaires M.M. Aubin et Pesné étaient morts en 1795, le P. Clet se retrouva seul. Il demanda du secours à M. Raux à Pékin, mais celui-ci sachant les troubles provoqués par la rébellion au Hou-kouang, n’osa envoyer personne pour le moment. Au cours de l’année 1798, le P. Clet lui adresse deux courriers pour lui dire la détresse dans laquelle se trouve la mission. (Lettre n° 13) Les confrères chinois envoyés en renfort au Hou-kouang ont été formés à Pékin par le P. Ghislain, compagnon du supérieur des missionnaires, M. Raux.
En 1795, M. Raux avait envoyé en renfort au P. Clet un confrère de 40 ans, M. Joseph Ly, un converti d’origine musulmane. Il vient décharger le P. Clet du souci de la mission au Kiang-si où il alla s’établir. Il mourut en 1827.
En 1799, arriva M. Jean Tchang qui avait 30 ans. Il était né à Pékin de parents chrétiens. A partir de 1807, il alla au Kiang-si et au Kiangnan et il visitait de temps en temps les chrétientés du Tchékiang.
En 1800, ce fut Juventin Tchang qui malheureusement mourut prématurément en 1803, assisté par M. Clet.
En 1804, après la mort du P. Juventin Tchang, arriva au Hou-kouang Paul Song qui avait 30 ans. Il collabora avec M. Clet pendant seize années, c’est-à-dire jusqu’en 1820. Il fut arrêté en 1852 et mourut en 1854. Ce confrère exerça parfois la patience de M. Clet.
En 1808, M. Clet eut le renfort d’un jeune prêtre de 27 ans natif de Pékin le P. Ignace Ho . Il était très pieux et fut la consolation du P. Clet. Après la mort de M. Clet, il jugea prudent de changer son nom et s’appela Tong. Arrêté en 1830, il fut exilé au Turkestan avec son catéchiste, avec lequel il ouvrit, pour vivre, une pharmacie. Il s’occupa des chrétiens en exil et mourut en 1844.
En même temps que le P. Ho, arriva en 1808 François Tchen. Il fut le compagnon de prison du P. Clet et fut exilé lui aussi au Turkestan et mourut en 1825 massacré par les rebelles musulmans avec les habitants de la ville de son exil.
M. Antoine Tcheng, arrivé en 1809 au Hou-kouang y missionna quelque temps puis fut envoyé au Kiang-si où il mourut en 1835.
M. Stanislas Ngang, natif du Houpé, et envoyé dans sa province d’origine, il y travailla dès 1817, il mourut en 1849. Il admirait les vertus de M. Clet et il lui succéda dans l’administration de la mission. M. Rameaux, arrivé dans cette mission en 1832, dira de lui qu’il avait tous les dons du Saint Esprit.
Le P. Clet a donc reçu de 1795 à 1820 le renfort de huit lazaristes chinois. Mais il aura recours aussi aux services d’une Frère, qui était procureur de la mission de Pékin, le frère Paul Wang qui s’occupait aussi des intérêts de la mission du Hou-kouang, ne plaignant jamais sa peine en de longs et fatigants voyages.
Le P. Clet, dans ses lettres, a l’occasion de parler des uns et des autres et l’on voit qu’il estime leur collaboration très précieuse.