Monsieur et très cher confrère1,
La grâce de N. S. soit toujours avec nous.
Un jour que nous aimions, M. Martin2 et moi, à nous rappeler que nous avions été ordonnés prêtres avec vous, nous convînmes que nous vous enverrions un petit souvenir. J’ai pensé que vous liriez avec plaisir les deux ouvrages de M. Boudon, dont M. Baldus3 veut bien se charger, pour vous les remettre. Depuis que vous êtes parti de France, je me suis souvent souvenu, j’ai souvent parlé de vous. Je me flattais que je pourrais aller vous rejoindre plus tard ; mais le peu de solidité de ma santé et surtout mon indignité semblent m’interdire à jamais cette belle destinée. Ma position de Directeur des Novices me met à même de vous dédommager amplement de vous avoir fait faute moi-même : je seconderai de mon mieux les vocations qui se manifesteront pour la Chine. J’espère que par là j’aurai quelque peu de part au bien qui s’y fera, sans avoir l’honneur de partager vos travaux.
Je ne cesserai d’offrir à Dieu mes chétives prières pour vous et pour vos missions. Veuillez de votre côté me recommander à Lui ainsi que nos bons Séminaristes, l’espoir de la Congrégation. Ce sont des anges ; on n’a jamais vu le noviciat dans un état aussi prospère, Il paraît que Dieu a des vues sur la petite Compagnie pour sa gloire.
Saint Vincent attire sur sa famille bien des bénédictions. Elles s’étendent jusqu’à la Chine, puisque de temps en temps vous voyez arriver de dignes missionnaires. Vous avez eu tout le temps d’apprécier le mérite de ceux qui ont précédé M. Baldus. Celui-ci est excellent aussi. Il joint à une forte santé beaucoup de vertus et de talents.
Il est inutile de vous donner aucune nouvelle par écrit ; M. Baldus vous apprendra toutes celles qui peuvent vous intéresser. Il se charge aussi des compliments de nos séminaristes pour les vôtres.
Je vous embrasse de tout cœur dans ceux de J. et de M. et suis pour la vie,
Monsieur et très cher confrère, votre respectueux et tout dévoué serviteur,
J.G. Perboyre ind. p. de la cong. d. l. m.
Paris, le 10 mars 1834.
Suscription : A Monsieur Torrette, Missionnaire Aposto-lique à Macao.
[Ajout ancien :] M. Gabriel Perboyre du 10 mars 1834, reçue le 27 septembre id., à M. Torrette.- Lettre 45. — Maison-Mère, original 36.
- Martin (Pierre-Jean), C.M., prêtre, né à Sainte-Marie, diocèse de Saint-Flour, le 26 juillet 1802 ; reçu au séminaire à Paris le 9 décembre 1825 ; compagnon d’ordination de saint J.G. Perboyre le 23 septembre 1826 ; fit les vœux à Carcassonne le 16 avril 1827 ; successeur du Saint comme sous-directeur du séminaire interne de Paris, décédé à Dax le 7 août 1853.
- Baldus (Jean-Henri), C.M., évêque, né à Ally près de Mauriac, Cantal, le 26 janvier 1811 ; reçu au séminaire à Paris le 11 juin 1829 ; fit les vœux le 12 juin 1831 ; fut ordonné prêtre en mars 1834 ; arrivé à Macao le 25 septembre de la même année. Missionnaire au Hou-pé. Elu évêque de Zoara et premier vic. ap. du Honan le 2 mars 1844 ; sacré par Mgr Laribe le 19 octobre 1845 ; transféré au Kiang-si en 1865. Décédé à Kiou-kiang le 29 septembre 1869.