Paris, le 14 décembre 1833.
Mon très cher oncle,
J’ai parlé de votre affaire à la supérieure générale des Sœurs, en présence de M. Richenet1, Directeur général des Filles de la Charité. On ne refuse pas la Miséricorde de Montauban, mais on ne peut pas s’en charger avant un an : plusieurs établissements qu’on vient de prendre absorberont jusque là tous les sujets disponibles ; une nombreuse colonie a été envoyée dernièrement en Sardaigne. On espère que dans un an environ, on sera à même de fournir l’établissement que Montauban désire leur confier. Ainsi la ville peut agir en conséquence, c’est-à-dire tout préparer pour cette époque. Voici les principales choses nécessaires : chaque sœur doit avoir une pension annuelle de 500 Fr. ; il faut qu’il y ait des fonds fixes pour les pauvres. Enfin il faut aux Sœurs une maison convenable où elles puissent avoir une pharmacie, une petite chapelle, un dortoir, une salle de travail, une salle ou cour pour recevoir les pauvres, s’il y a distribution de soupes économiques. La maison doit être meublée et placée vers le centre de la ville et le plus près possible d’une église, par ex. de la Cathédrale ou de Saint-Jacques. Pour tout cela et le reste il n’y a qu’à s’entendre avec la sœur Pujols qui serait autorisée à agir au nom de la Communauté.
En attendant que vous receviez la circulaire du premier de l’an, qui est sous presse, je vous en fais passer une adressée seulement aux confrères français.
M. le Général, qui se porte assez bien, vous offre mille honnêtetés. Tous les autres Messieurs m’ont également chargé de vous présenter leurs souvenirs et leurs respects.
M. Boullangier2 a été aux portes la mort. On lui a administré les derniers sacrements ; je lui ai récité la prière des agonisants ; le chirurgien avait prononcé qu’il n’y avait plus de ressource ; il l’avait abandonné après l’avoir embrassé en signe de derniers adieux. Mais voilà qu’au milieu des crises les plus affreuses, lorsqu’on ne s’attendait plus qu’à le voir expirer d’un moment à l’autre, M. Aladel lui donna la médaille miraculeuse3de l’Immaculée Conception, qu’il reçut avec la plus grande dévotion en la mettant sur son cœur. Dès lors, ses cruelles douleurs disparurent presque entièrement ; la hernie monstrueuse que l’art et les longs efforts du chirurgien n’avaient pu réduire, se ramollit et rentra comme d’elle-même. Notre docteur a vu comme un vrai miracle dans cette guérison ; tous les médecins de Paris y ont vu un phénomène inouï et naturellement inexplicable. Le récit de cette guérison a opéré une conversion bien marquante d’un vieux pécheur.
La médaille dont je vous ai parlé est celle qui en 1830, fut révélée par la Sainte Vierge à une séminariste des Sœurs de la Charité. Il s’est déjà répandu par milliers de ces médailles dans toutes les parties de la France et en Belgique ; elles opèrent de nombreux miracles, guérisons, conversions. Je vous en enverrai quelques-unes à la première occasion.
Nous, avons ici, en ce moment, un de nos missionnaires d’Amérique, M. Odin4. Il fait un voyage à Rome. Il demande à grands cris des ouvriers pour recueillir une abondante moisson parmi les protestants et les sauvages.
Je n’ai pas vu M. Deljougla depuis plus de huit jours. La dernière fois que je l’ai vu, il se proposait de repartir incessamment, ne recevant rien de ce qu’il lui fallait pour entrer à Saint-Sulpice. Nous venons d’admettre au séminaire un de mes anciens élèves de Saint-Flour. Mon frère se porte bien ; ma sœur a eu une légère indisposition. Tous les deux vous prient d’agréer leurs respects.
Ma Sœur Pellet qui vient de recevoir l’habit a été placée à Jouarre. Les mères du séminaire sont bien contentes des deux autres Montalbanaises, surtout de la Sœur Mas5. Veuillez présenter mes respects à MM. Gratacap et Capmeils, aux MM. du Séminaire et aux autres ecclésiastiques de ma connaissance, à nos sœurs, à mes cousines et à M. Ligougne.
Je suis avec le plus inviolable attachement, mon très cher oncle, votre très respectueux neveu.
J.G. Perboyre ind. p. d. l. m.
- Richenet ( Jean-François), C.M., Prêtre, né au Petit-Noir, alors au diocèse de Besançon, le 4 septembre 1759 ; reçu au séminaire à Paris le 22 mai 1781 ; il y fit les vœux le 23 mai 1783. Arrivé à Macao le 16 février 1801 ; destiné à Pékin, il attendit vainement cinq ans pour pouvoir s’y rendre ; fut ensuite chargé de la procure de la mission de Pékin à Canton. En 1815 il rentra en France ; dans la suite il devint assistant du Supérieur Général. Décédé à Paris le 19 juillet 1836.
- Boullangier, voir Lettre 9, note 1, p. 15.
- C’est la Médaille miraculeuse, révélée le 27 novembre 1830 à sainte Catherine Labouré, Fille de la Charité.
- Odin (Jean-Marie), C.M., évêque, né à Hauteville, paroisse d’Ambierle, diocèse de Lyon, le 25 février 1800 ; missionnaire aux Etats-Unis ; reçu au séminaire le 8 novembre 1822 ; ordonné prêtre le 4 mai 1823 ; sacré évêque de Claudiopolis et vic. ap. du Texas le 6 mars 1842 ; évêque de Galveston en 1847 ; le 15 février 1862 archevêque de la Nouvelle-Orléans ; décédé le 25 mai 1870.
- Sœur Jeanne Mas, Fille de la Charité, décédée le 15 mars 1875, à l’âge de 66 ans et 41 de vocation.