30 octobre 1823.
Mon très cher père,
Non, vous ne vous trompez pas, votre souvenir est toujours présent à mon esprit, je pense à vous tous les jours, ainsi qu’à tous mes parents, et il n’y avait pas même une demi-heure que j’y avais pensé quand on m’a remis votre lettre : elle m’a comblé de joie. Il y a longtemps que je pensais à vous écrire : j’avoue que j’ai été un peu négligent . J’ai vu aujourd’hui mon cousin Caviole. Le professeur dont vous me parlez avait eu la bonté de me donner de vos nouvelles ; je viens de lui écrire ; allez le voir toutes les fois que vous irez à Cahors, il vous recevra bien. J’ai confiance que ma soeur Mariette ne se découragera pas, que l’incommodité qu’elle éprouve servira à assurer sa vocation de plus en plus, et que je la verrai bientôt à Paris. J’ai parlé à mon oncle de mon petit frère Antoine ; je crois que vous ne ferez pas mal de l’envoyer quelque temps auprès de lui, pour y apprendre les premiers éléments des connaissances divines et humaines : mais je vous en supplie, mon très cher père, gardez-vous bien de le porter, par quelque parole, ou de toute autre manière, à entrer dans l’état ecclésiastique ; car s’il embrassait cet état sans y être appelé, et surtout par des motifs d’intérêts humains, il commettrait un sacrilège abominable, et ce serait pour lui, comme pour vous, le plus grand des malheurs. Tout ce que je désire, c’est qu’il apprenne à vivre en bon chrétien, et qu’il ne devienne pas idolâtre des biens de la terre, comme je l’ai été pendant quinze ans, Quoique je n’ignore pas vos soins et votre vigilance pour conserver dans tous vos enfants la pureté des mœurs, je tremble continuellement pour son innocence, sachant que vous êtes obligé de le perdre souvent de vue, et qu’il se trouve la plupart du temps avec des domestiques et des ouvriers dont la bouche est pleine de médisances, de propos indécents ; et vous savez mieux que moi, mon très cher père, que ces gens ne sont pas si retenus en votre absence qu’en votre présence. Aussi je ne doute pas que vous ne leur recommandiez de temps en temps la crainte de Dieu, et que vous ne les réprimandiez fortement lorsque vous apprenez qu’ils offensent le Seigneur.
Vous voudrez bien présenter mes hommages à M. Girard, à mes oncles, et à mes tantes et à mes autres parents qu’il me serait facile de reconnaître, car je n’en ai oublié aucun.
Je vous embrasse ainsi que ma chère mère, et je suis pour la vie,
Mon très cher Père,
votre très humble et très respectueux fils,
Perboyre
Collationné : (signé) Etienne Sup. Gén.
Vu pour légalisation de la signature de M. L’abbé Etienne, apposée ci-contre,
Paris, le 8 mars 1858
(signé) A. Surat. Vic. gén.