Vincent de Paul, Lettre 0001. A Monsieur de Comet

Francisco Javier Fernández ChentoÉcrits de Vincent de PaulLeave a Comment

CRÉDITS
Auteur: Vincent de Paul .
Estimated Reading Time:

Monsieur

L’on aurait jugé, il y a deux ans, à voir l’apparence des favorables progrès de mes affaires, que la fortune ne s’étudiait, contre mon mérite, qu’à me rendre plus envié qu’imité 1; mais, hélas ! ce n’était que pour représenter en moi sa vicissitude et inconstance, convertissant sa grâce en disgrâce et son heur en malheur.

Vous avez pu savoir, Monsieur, comme trop averti de mes affaires, comme je trouvai, à mon retour de Bordeaux2 un testament fait à ma faveur par une bonne femme vieille de Toulouse, le bien de laquelle consistait en quelques meubles et quelques terres, que la chambre mi-partie de Castres3 lui avait adjugés pour trois ou quatre cents écus qu’un méchant mauvais garnement lui devait ; pour retirer partie duquel je m’acheminai sur le lieu pour vendre le bien, comme conseillé de mes meilleurs amis et de la nécessité que j’avais d’argent pour satisfaire aux dettes que j’avais faites, et grande dépense que j’apercevais qu’il me convenait faire à la poursuite de l’affaire que ma témérité ne me permet de nommer4.

Étant sur le lieu, je trouvai que le galant avait quitté son pays, pour une prise de corps que la bonne femme avait contre lui pour la même dette, et fus averti comme il faisait bien ses affaires à Marseille et qu’il y avait de beaux moyens. Sur quoi mon procureur conclut (comme aussi, à La vérité, la nature des affaires le requérait) qu’il me fallait acheminer à Marseille, estimant que l’ayant prisonnier, j’en pourrais avoir deux ou trois cents écus. N’ayant point d’argent pour expédier cela, je vendis le cheval que j’avais pris de louage à Toulouse, estimant le payer au retour, que l’infortune fit être aussi retardé que mon déshonneur est grand pour avoir laissé mes affaires si * embrouillés ; ce que je n’aurais fait si Dieu m’eût donné aussi heureux succès en mon entreprise que l’apparence me le promettait.

Je partis donc sur cet avis, attrapai mon homme à Marseille, le fis emprisonner et m’accordai à trois cents écus, qu’il me bailla comptant5 Étant sur le point de partir par terre, je fus persuadé par un gentilhomme, avec qui j’avais logé, de m’embarquer avec lui jusques à Narbonne, vu la faveur du temps qui était ; ce que je fis pour plus tôt y être et pour épargner, ou, pour mieux dire, pour n’y jamais être et tout perdre.

Le vent nous fut aussi favorable qu’il fallait pour nous rendre, ce jour, à Narbonne, qu’était faire cinquante lieues, si Dieu n’eût permis que trois brigantins6 turcs, qui côtoyaient le golfe du Lion pour attraper les barques qui venaient de Beaucaire, où il y avait foire que l’on estime être des plus belles de la chrétienté7 ne nous eussent donné la charge et attaqués si vivement que, deux ou trois des nôtres étant tués et tout le reste blessé, et même moi, qui eus un coup de flèche, qui me servira d’horloge tout le reste de ma vie8 n’eussions été contraints de nous rendre à ces félons et pires que tigres, les premiers éclats de la rage desquels furent de hacher notre pilote en cent mille pièces, pour avoir perdu un des principaux des leurs, outre quatre ou cinq forçats que les nôtres leur tuèrent. Ce fait, nous enchaînèrent, après nous avoir grossièrement pansés, poursuivirent leur pointe, faisant mille voleries, donnant néanmoins liberté à ceux qui se rendaient sans combattre, après les avoir volés. Et enfin, chargés de marchandise, au bout de sept ou huit jours, prirent la route de Barbarie, tanière et spélonque9 de voleurs, sans aveu du Grand Turc, où étant arrivés, ils nous exposèrent en vente, avec procès-verbal de notre capture, qu’ils disaient avoir été faite dans un navire espagnol, parce que, sans ce mensonge, nous aurions été délivrés par le consul que le roi tient de delà pour rendre libre le commerce aux Français10.

Leur procédure à notre vérité fut qu’après qu’ils nous eurent dépouillés tout nus, ils nous baillèrent à chacun une paire de braies11, un hoqueton12 de lin avec une bonnette, nous promenèrent par la ville de Tunis, où ils étaient venus expressément pour nous vendre. Nous ayant fait faire cinq ou six tours par la ville, la chaîne au col, ils nous ramenèrent au bateau, afin que les marchands vinssent voir qui pouvait bien manger et qui non, pour montrer comme nos plaies n’étaient point mortelles ; ce fait, nous ramenèrent à la place, où les marchands nous vinrent visiter, tout de même que l’on fait à l’achat d’un cheval ou d’un boeuf, nous faisant ouvrir la bouche pour visiter nos dents, palpant nos côtes, sondant nos plaies et nous faisant cheminer le pas, trotter et courir, puis tenir des fardeaux et puis lutter pour voir la force d’un chacun, et mille autres sortes de brutalités13.

Je fus vendu à un pêcheur, qui fut contraint de se défaire bientôt de moi, pour n’avoir rien de si contraire que la mer, et depuis par le pêcheur à un vieillard, médecin spagirique14, souverain tireur de quintessences, homme fort humain et traitable, lequel, à ce qu’il me disait, avait travaillé cinquante ans à la recherche de la pierre philosophale, et en vain quant à la pierre, mais fort heureusement à une sorte de transmutation des métaux. En foi de quoi, je lui ai vu souvent fondre autant d’or que d’argent ensemble, les mettre en petites lamines, et puis mettre un lit de quelques poudres, puis un autre de lamines, et puis un autre de poudres dans un creuset ou vase à fondre des orfèvres, le tenir au feu vingt-quatre heures, puis l’ouvrir et trouver l’argent être devenu or ; et plus souvent encore congeler ou fixer de l’argent vif en fin argent, qu’il vendait pour donner aux pauvres. Mon occupation était à tenir le feu à dix ou douze fourneaux ; en quoi, Dieu merci, je n’avais plus15 de peine que de plaisir. Il m’aimait fort et se plaisait fort de me discourir de l’alchimie et plus de sa loi, à laquelle il faisait tous ses efforts de m’attirer, me promettant force richesses et tout son savoir.

Dieu opéra toujours en moi une croyance de délivrance par les assidues prières que je lui faisais et à la sainte Vierge Marie, par la seule intercession de laquelle je crois fermement avoir été délivré. L’espérance et ferme croyance donc que j’avais de vous revoir, Monsieur, me fit être assidu à le prier de m’enseigner le moyen de guérir de la gravelle, en quoi je lui voyais journellement faire miracle ; ce qu’il fit ; voire me fit préparer et administrer les ingrédients. Oh ! combien de fois ai-je désiré16 depuis d’avoir été esclave auparavant la mort de feu Monsieur votre frère et commaecenas17 à me bien faire18, et avoir eu le secret que je vous envoie19, vous priant le recevoir d’aussi bon cœur que ma croyance est ferme que, si j’eusse su ce que je vous envoie, que la mort n’en aurait jà20 triomphé (au moins par ce moyen), ores que l’on die que les jours de l’homme sont comptés devant Dieu. Il est vrai ; mais ce n’est point parce que Dieu avait compté ses jours être en tel nombre, mais le nombre a été compté devant Dieu, parce qu’il est advenu ainsi ; ou, pour plus clairement dire, il n’est point mort lorsqu’il est mort pource que Dieu l’avait ainsi prévu ou compté le nombre de ses jours être tel, mais il l’avait prévu ainsi et le nombre de ses jours a été connu être tel qu’il a été, parce qu’il est mort lorsqu’il est mort.

Je fus donc avec ce vieillard depuis le mois de septembre 160521 jusques au mois d’août prochain22, qu’il fut pris et mené au grand sultan23 pour travailler pour lui mais en vain, car il mourut de regret par les chemins. Il me laissa à un sien neveu, vrai anthropomorphite24 qui me revendit tôt après la mort de son oncle, parce qu’il ouit dire comme M. de Brèves25, ambassadeur pour le roi en Turquie, venait, avec bonnes et expresses patentes du Grand Turc, pour recouvrer les esclaves chrétiens.

Un renégat26 de Nice, en Savoie, ennemi de nature, m’acheta et m’en emmena en son temat27 ; ainsi s’appelle le bien que l’on tient comme métayer du Grand Seigneur, car le peuple n’a rien ; tout est au sultan. Le temat de celui-ci était dans La montagne, où le pays est extrêmement chaud et désert. L’une des trois femmes qu’il avait (comme grecque-chrétienne, mais schismatique) avait un bel esprit et m’affectionnait fort ; et plus à la fin, une naturellement turque, qui servit d’instrument à l’immense miséricorde de Dieu pour retirer son mari de l’apostasie et le remettre au giron de l’Église, fit me délivrer de mon esclavage. Curieuse qu’elle était de savoir notre façon de vivre, elle me venait voir tous les jours aux champs où je fossoyais, et après tout me commanda de chanter louanges à mon Dieu. Le ressouvenir du Quomodo cantabimus in terra aliena des enfants d’Israël captifs en Babylone me fit commencer, avec la larme à l’oeil, le psaume Super flumina Babylonis et puis le Salve, Regina, et plusieurs autres choses ; en quoi elle prit autant de plaisir que la merveille en fut grande. Elle ne manqua point de dire à son mari, le soir, qu’il avait eu tort de quitter sa religion, qu’elle estimait extrêmement bonne, pour un récit que je lui avais fait de notre Dieu et quelques louanges que je lui avais chantées en sa présence ; en quoi, disait-elle, elle avait un si divin plaisir qu’elle ne croyait point que le paradis de ses pères et celui qu’elle espérait fut si glorieux, ni accompagné de tant de joie que le plaisir qu’elle avait pendant que je louais mon Dieu, concluant qu’il y avait quelque merveille.

Cet autre Caïphe ou ânesse de Balaam fit, par ses discours, que son mari me dit dès le lendemain qu’il ne tenait qu’à commodité que nous ne nous sauvassions en France28, mais qu’il y donnerait tel remède, dans peu de temps, que Dieu y serait loué. Ce peu de jours furent dix mois qu’il m’entretint en ces vaines, mais à la fin exécutées espérances, au bout desquels nous nous sauvâmes avec un petit esquif et nous rendîmes, le vingt-huitième de juin, à Aigues-Mortes29 et tôt après en Avignon, où Monseigneur le vice-légat30 reçut publiquement le renégat, avec la larme à l’oeil et le sanglot au gosier, dans l’église de Saint-Pierre, à l’honneur de Dieu et édification des spectateurs. Mondit seigneur nous a retenus tous deux pour nous mener à Rome, où il s’en va tout aussitôt que son successeur à la trienne31 qu’il acheva le jour de la saint Jean, sera venu32. Il a promis au pénitent de le faire entrer à l’austère couvent des Fate ben fratelli33 où il s’est voué34, et à moi de me faire pourvoir de quelque bon bénéfice. Il me fait cet honneur de me fort aimer et caresser, pour quelques secrets d’alchimie que je lui ai appris, desquels il fait plus d’état, dit-il, que si io li avesse datto un monte di oro35,  parce qu’il y a travaillé tout le temps de sa vie et qu’il ne respire autre contentement. Mondit seigneur, sachant comme je suis homme d’église, m’a commandé d’envoyer quérir les lettres de mes ordres, m’assurant de me faire du bien et très bien pourvoir de bénéfice. J’étais en peine pour trouver homme affidé pour ce faire, quand un mien ami, de la maison de mondit seigneur, m’adressa Monsieur Canterelle, présent porteur, qui s’en allait à Toulouse, lequel j’ai prié de prendre la peine de donner un coup d’éperon jusques à Dax pour vous aller rendre la présente et recevoir mesdites lettres avec celles que j’obtins à Toulouse de bachelier en théologie36 que je vous supplie lui délivrer. je vous en envoie, à ces fins, un reçu. Ledit sieur Canterelle est de la maison et a exprès commandement de Monseigneur de s’acquitter fidèlement de sa charge et de m’envoyer les papiers à Rome, si tant est que nous soyons partis.

J’ai porté deux pierres de Turquie que nature a taillées en pointe de diamant, l’une desquelles je vous envoie, vous suppliant la recevoir d’aussi bon coeur que humblement je la vous présente.

Il ne peut point être, Monsieur, que vous et mes parents n’ayez été scandalisés en moi par mes créanciers, que j’aurais déjà en partie satisfaits de cent ou six-vingts écus, que notre pénitent m’a donnés, si je n’avais été conseillé par mes meilleurs amis de les garder jusques à mon retour de Rome, pour éviter les accidents qu’à faute d’argent me pourraient advenir (ores que j’aie la table et le bon oeil de Monseigneur) ; mais j’estime que tout ce scandale se tournera en bien.

J’écris à Monsieur d’Arnaudin37 et à ma mère. Je vous supplie leur faire tenir mes lettres par homme que Monsieur Canterelle paiera. Si, par cas fortuit, ma mère avait retiré les lettres, à tout événement, elles sont insinuées chez Monsieur Rabel38. Autre chose39 sinon que, vous priant me continuer votre sainte affection, je demeure, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur

En Avignon, ce 24 juillet 1607.

DEPAUL40

Suscription : A Monsieur Monsieur de Comet, avocat à la Cour présidiale de Dax, à Dax.

  1. Saint Vincent dirigeait alors avec succès à Toulouse un pensionnat très fréquenté.
  2. On a conjecturé que le duc d’Epernon avait appelé le saint près de lui pour lui proposer un siège épiscopal. (Cf. La vie de Saint Vincent de Paul [par Pierre Collet], Nancy, 1748, 2 vol- in-4°, t. 1, p. 15.)
  3. Chambres établies par l’édit de pacification de 1576 dans le parlement de Paris et dans celui de Toulouse, avec résidence à Castres, pour. juger des causes dans lesquelles étaient intéressés des réformés ; les catholiques et les protestants y étaient en nombre égal.
  4. Serait-ce le siège épiscopal proposé, a-t-on dit par le duc d’Epernon ?
  5. Le saint a écrit content ; mais l’orthographe importe peu ; nous pensons que le mot comptant répond mieux à sa pensée.
  6. Les brigantins étaient alors de petits navires pontés, de la famille des galères, ne gréant qu’une seule voile, ayant de huit à seize bancs à un seul rameur et aux rames larges et minces.
  7. Beaucaire était le marché central des produits venus du Levant. La foire s’ouvrait chaque année le 22 juillet et amenait dans cette ville, de Marseille, Cette, Aigues-Mortes et d’ailleurs, un nombre incalculable de barques. Au départ, les barques qui prenaient la direction de la mer s’escortaient entre elles ou se faisaient accompagner par les galères pour se protéger en cas d’attaque. Les pirates levantins ou barbaresques guettaient leur passage, placés à l’affût le long des côtes, non loin des embouchures du Rhône. (Cf. Théodore Fassin, essai historique et juridique sur la foire de Beaucaire, Aix, 1900, in-8°; Abel Boutin, Les traités de paix et de commerce de la France avec la Barbarie, 1515-1830 in-8°, Paris, 1902.)
  8. Le saint souffrait de sa blessure aux changements de temps.
  9. Du mot latin spelunca, caverne.
  10. Les Capitulations de 1535 1569, 1581 et 1604 stipulaient que les corsaires barbaresques respecteraient la liberté du commerce français.
  11. Braies, culottes.
  12. Hoqueton, casaque.
  13. Cette description correspond presque trait pour trait à celles que nous ont laissées d’autres esclaves libérés. Abel Boutin résume ainsi leurs témoignages (op. cit., p. 162) : «Durant toute la matinée, il y avait exposition des captifs. Au dire des témoins oculaires, c’était l’heure la plus pénible de la captivité. Entièrement nus, sous les rayons ardents d’un soleil tropical, ils devaient se prêter à toutes sortes d’attouchements de la part des acheteurs. Ceux-ci les palpaient comme sur nos marchés modernes on palpe boeufs ou chevaux. Ils examinaient leur conformation, la valeur de leurs muscles.

    Ils essayaient leur force. Ils les faisaient marcher, courir ou sauter. Ils regardaient leurs dents, les paumes de leurs mains..»

    A Alger, la vente se faisait par l’intermédiaire de courtiers. Ceux-ci faisaient successivement le tour du marché, passant devant les arcades, et énuméraient les qualités, vraies ou fausses, des captifsoe Ils terminaient leur harangue par le prix demandé : à tant de piastres. Les acheteurs présents enchérissaient, et l’esclave était adjugé au plus offrant et dernier enchérisseur. Mais il y avait aussi des esclaves défectueux, infirmes, malingres ou vieux, qui n’auraient pu trouver acquéreur si on les avait mis individuellement en vente alors on faisait un lot d’esclaves, mi-robustes, mi-malingres, et le tout était adjugé selon la règle ordinaire. (A. Boutin, op. cit., p. 166.)

    Pierre Dan Histoire de Barbarie et de ses corsaires, Paris, 2è éd. 1649, in-8°, p. 285) évalue à sept mille le nombre des chrétiens en captivité dans la seule régence de Tunis, aux premières années du XVII siècle. Le maître avait sur son esclave droit de vie et de mort. Il pouvait le garder, le mettre en liberté ou le revendre. L’esclave était sa chose.

  14. Les médecins spagiristes expliquaient les changements organiques du corps humain en santé et en maladie comme les chimistes de leur temps expliquaient ceux du règne inorganique. Paracelse fut, au XVI° siècle, le fondateur et le chef de cette école.
  15. Je n’avais plus, je n’avais pas plus.
  16. Ce mot est répété dans l’original.
  17. Mécène, favori d’Auguste, fut, de son temps, le protecteur des gens de lettres et en particulier de Virgile et d’Horace.
  18. M. de Comet l’aîné, avocat du présidial de Dax et juge de Pouy, avait eu, ainsi que son frère, le mérite de deviner le jeune Vincent. Jusqu’au jour de son départ pour l’université de Toulouse, celui-ci se laissa conduire par les Comet, qui, pour accroître ses faibles ressources, lui confièrent un préceptorat dans leur propre famille. Il ne faudrait pas dire toutefois, avec le janséniste Martin de Barcos (Défense de feu Monsieur Vincent de Pauloe contre les faux discours du livre de sa vie publiée par M. Abelly, ancien évêque de Rodez, et contre les impostures de quelques autres écrits sur ce sujet, 1666, in-8°, p. 87), que saint Vincent de Paul est entré dans les ordres sans vocation, pour ne pas contrarier ses deux bienfaiteurs.
  19. Nous lisons dans un ancien cahier manuscrit sans date conservé à l’hospice de Marans (Charente-Inférieure) : «Remède de saint Vincent. de Paul pour la gravelle. Prenez thérébentine de Venise, deux onces ; turbith blanc, deux onces ; mastic, galanga, girofle, cannelle cubes, de chacun demi-once ; bois d’aloès battu, une once. Empâtez le tout ensemble avec demi-livre de miel blanc et une pinte d’eau-de-vie la plus forte. Laissez le tout en digestion quelque temps, puis le distillez. Il faut prendre, le matin, à jeun, la quatrième partie d’une cuillère et observer de l’emplir d’eau de bourrache ou de buglosse, en prendre autant de fois que l’on voudra, parce qu’elle ne peut être nuisible ; au contraire, elle est très bonne pour la santé ; et la principale opération est pour les urines. C’est pourquoi on n’y est point obligé de garder d’autre régime de vivre, sinon qu’il ne faut manger qu’une heure après, et on peut aller à ses affaires ordinaires. On en verra l’expérience. Ce grand serviteur de Dieu l’a appris en Barbarie, lorsqu’il était captif.»
  20. Jà, déjà.
  21. Il n’était donc resté que de un à deux mois avec son premier maître.
  22. Prochain, suivant.
  23. Achmet 1er, fils et successeur de Mohammed III.
  24. Nom donné à ceux qui attribuent à Dieu une figure humaine. Il a paru étrange à Martin de Barcos (Réplique à l’écrit que M. Abelly, ancien évêque de Rodez a publié pour défendre son livre de la vie de M. Vincent, 1669, in-4°, p. 13) que saint Vincent ait fait ici mention des opinions théologiques de son maître, et il a supposé qu’Abelly avait mal lu l’original. Il est possible qu’après coup Abelly ait eu des doutes, car, dans sa seconde édition, le mot anthropomorphite est omis.
  25. François Savary, seigneur de Brèves, ambassadeur à Constantinople de l589 à 1607 et à Rome de 1607 à 1615, gouverneur de Gaston, frère de Louis XIII, premier écuyer de la reine et membre du conseil des dépêches, un des négociateurs les plus habiles du règne d’Henri IV, mort en 1628, à l’âge de soixante-huit ans.

    Savary de Brèves débarqua à Tunis le 17 juin 1606. Il avait ordre de demander l’élargissement de tous les esclaves français, la restitution des marchandises et des navires pris par les pirates, enfin l’abolition du droit de visite. Au mois d’août, après de longs pourparlers, les Tunisiens s’engagèrent à ne plus troubler le trafic des négociants français et à restituer au consul tout ce que les corsaires enlèveraient à la France. L’ambassadeur repartit le 24 août, accompagné de soixante-douze esclaves. Il n’avait obtenu que des promesses restées vaines et la libération de quelques captifs. (Relation des voyages de Monsieur de Brèves tant en Grèce, Terre Sainte et Égypte qu’aux royaumes de Tunis et d’Alger, ensemble un traité fait l’an 1604 par Jacques de Castel, son secrétaire, Paris, 1628, in-4°.)

  26. Les renégats étaient nombreux. Ils se recrutaient soit parmi les esclaves, soit parmi les étrangers venus d’eux-mêmes en Barbarie pour se soustraire à leurs créanciers. Ceux qui embrassaient l’Islam étaient, de par la loi musulmane, quittes de toutes dettes. Les esclaves convertis à la religion de Mahomet avaient plus de liberté que les autres et étaient soumis à des traitements moins rigoureux. Les capitaines les plus redoutés dont parle l’histoire de la piraterie barbaresque, étaient presque tous des renégats. Une fois leur fortune faite, ils en jouissaient paisiblement dans de somptueux palais.
  27. Mot turc.
  28. Il était impossible de fuir par terre, la régence de Tunis étant entourée de déserts infestés de bêtes fauves. Par mer, la fuite était périlleuse, vu la surveillance continuelle que l’on exerçait sur les côtes. Les renégats en fuite, quand ils étaient repris, payaient de leur vie leur tentative audacieuse.
  29. Petite ville du Gard placée sur les bords d’un grand étang, à près de deux lieues de la mer, à laquelle elle est reliée par un canal construit sous Louis XV.
  30. Pierre-François Montorio, né en mars 1558 à Narni, évêque de Nicastro en 1593, vice-légat d’Avignon en 1604, nonce à Cologne en 1621 mort à Rome en juin 1643.
  31. Les vice-légats d’Avignon étaient nommés pour trois ans.
  32. Le successeur de Pierre-François Montorio fut Joseph Ferreri, archevêque d’Urbino.
  33. Faites bien, frères, nom vulgaire d’un hôpital tenu par les frères de Saint-Jean-de-Dieu.
  34. Abelly ne donne pas la suite de la lettre.
  35. Si io li avesse datto un monte di auro, si je lui avais donné une montagne d’or.
  36. On retrouva dans la chambre du saint, après sa mort, ses lettres de bachelier en théologie, recues à l’université de Toulouse, et celles de licencié en droit canon, que lui avait conférées l’université de Paris. (Déposition du frère Chollier au procès de béatification ; cf. Summarium ex processu ne pereant probationes auctoritate apostolica fabricato, in-4, p. 5.) Vincent de Paul ne se donne jamais d’autres titres. Ceux qui lui attribuent la licence en théologie (Abelly op cit., t. III, chap. XIII, p.199), ou le doctorat en la même matière (Gallia Christiana, t. II, col. 1413), font certainement erreur.
  37. Vraisemblablement Pierre Darnaudin, notaire.
  38. Pierre Rabel ou Ravel était, croyons-nous, secrétaire épiscopal. Nous le voyons figurer dans une pièce de 1603 comme procureur constitué de l’évêque de Dax devant le notaire Bayle. (Archiv. non classées du senéchal civil de Dax)
  39. Autre chose, rien autre chose.
  40. Les trois premières lettres de saint Vincent sont signées Depaul, les suivantes Vincent Depaul, ou, par abréviation, V. D., parfois V. D. P. jamais sous la plume du saint on ne trouve de Paul en deux mots, bien que ses contemporains eux-mêmes aient ainsi séparé les deux syllabes de son nom. Dans les registres paroissiaux de son village natal et des lieux environnants et au bas des actes notariés de la famille, nous trouvons l’une et l’autre orthographes. Au reste, la question est sans importance. La particule n’est regardée, et avec raison, par aucun généalogiste comme un signe de noblesse. Il suffit de parcourir les plus anciens registres de catholicité de Pouy pour s’en convaincre ; presque tous les paysan ont un de devant leur nom. La raison en est dans ce fait que, au moins dans cette partie des Landes beaucoup de noms de personnes étaient à l’origine des noms de lieux. Nous trouvons à Pouy deux endroits qui s’appelaient anciennement et s’appellent encore aujourd’hui Paul : une maison sise dans le quartier de Buglose, et un ruisseau qui traverse presque à mi-chemin la route reliant Buglose au Berceau. Il est assez probable que les parents éloignés du saint avaient habité ou cette maison ou les bords de ce ruisseau. Ils étaient de Paul ; le nom leur est resté.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *