L’expansion de la Congregation de la Mission pendant la vie de St. Vincent

Francisco Javier Fernández ChentoAu temps de Vincent de PaulLeave a Comment

CRÉDITS
Auteur: Gerard van Winsen · Année de la première publication : 1984 · La source : Vincentiana.
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Pierre Collet (« La Vie de St. Vincent de Paul », Nancy 1748, II, 325) a constaté que les biographies des grands fondateurs d’ordres sont concentrées sur la personne elle-même du fondateur. On n’y trouve pas le récit des travaux de leurs premiers disciples.En suivant cet exemple Collet voulut supprimer dans sa vie de St. Vincent les relations des missions — publiées par Abelly —, aux­quelles St. Vincent n’avait pas pris part. On gagne l’impression que Collet fut contraint par ses supérieurs de faire imprimer de nouveau ces relations.Par nécessité je suis obligé de suivre l’opinion personnelle de Collet. Il est impossible dans un article restreint de raconter tous les faits et gestes des premiers Lazaristes qui ont quitté leur patrie pour aller en Italie, Barbarie, Hibernie, Ecosse, Pologne et même à Mada­gascar.Pour conserver l’unité de vue dans cet exposé je concentrerai mon ‘attention sur la personne de St. Vincent et son rôle dans l’ex­pansion de la Mission en dehors de la France.

I. Les séjours de St. Vincent à Rome

Quand on a ses doutes du séjour de St. Vincent à Saragosse et mémé à Tunis, on doit dire qu’il a connu seulement l’Italie, et plus précisément la ville éternelle, par une expérience personnelle.

Nous connaissons deux séjours de Mr. Vincent à Rome. Le premier était entre 1600 et 1604. C ‘est alors qu’il avait vu de ses propres yeux le pape Clement VIII, pour lequel il eut toute sa vie une grande admiration. Comme nous verrons ce sont les idées de ce Pape,
qui ont joué une rôle dans la motivation missionnaire personnelle de Vincent. Nous retrouvons Mr. Vincent à Rome en 1607-1608.

De ces séjours Vincent a conservé un grand amour pour la ville éternelle: où est le chef visible de l’Eglise militante, où sont les corps de St. Pierre et de St. Paul et de tant d’autres martyrs et saints per­sonnages qui ont autrefois donné leur sang et employé toute leur vie pour Jésus Christ (1, 114).

Toute sa vie Mr. Vincent a eu le désir d’y retourner comme il écrit à Innocent X en 1650: j’ai souvent cherché les voies et les moyens de réaliser ce projet (IV, 98). Par ses lettres au fougueux Bernard Codoing nous connaissons le jugement du saint sur les Italiens: L’esprit de ce pays-là est réservé, temporisant et considérant, aime et estime les personnes qui vont piano piano (20-6-1642, II, 263); et pource qu’ils savent que nous autres Français allons trop vite, ils nous laissent longtemps sur le paré, sans lier avec nous (17-3-1642, II, 235).

II. Un établissement à Rome par l’initiative de St. Vincent lui-même; 1634

En opposition des autres établissements de la Congrégation en dehors de la France, la maison des Lazaristes à Rome fut fondée par St. Vincent de sa propre initiative. C’est à comprendre, parce qu’il lui faillait un point de contact avec la curie romaine.

En 1627 Mr. Vincent demanda par l’intermédiaire de Blaise Féron à la Propaganda Fide la bénédiction du Pape pour sa « mis­sion », qu’il reçut (Cf. A. Coppo: La prima approvazione pontificia della Missione nel 1627, Annali della Missione 1972, 222-255).

La Propaganda Fide fut érigée par Gregoire XV en 1622. Le but en était de briser le droit de patronnât sur les missions de l’Es­pagne et du Portugal et de placer l’activité missionnaire sous la res­ponsabilité directe du Saint Siege. La juridiction de la Congréga­tion s’étendait aussi sur les hérétiques de l’Europe. Ma patrie p.c. était sous l’autorité de cette Congrégation jusqu’en 1908. Parce qu’il s’agissait de l’approbation d’une mission, il est à comprendre que St. Vincent le demanda à la Propagande. Nous savons que les efforts renouvelés de Mr. Vincent en 1628, d’obtenir l’approbation de sa communauté n’eurent pas d’effets (A. Coppo: le due suppliche del 1628 per l’erezione dell’Istituto in Congregazione di diritto pontificio non accolto dalla Congregazione, Annali della Missione, 1973, 37-73). Nous rencontrons ici pour la première fois le nom de Francesco Ingoli, de 1622-1649 secrétaire de la Propagande. Nous pouvons mentionner dès mainte­nant qu’Ingoli était un adversaire des anciens ordres à cause de leur résistance aux directives de la Propagande. Parce qu’il voulut les mis­sions indépendantes de l’Espagne et du Portugal il cherchait des mis­sionnaires de la France. Dans ce pays l’idée missionnaire était premièrement vivante parmi les ordres religieux. Samuel Chaplain commença la colonisation du Canada en 1608, qui donnera plus tard un grand élan à l’effort missionnaire des Français. C’est autour des années 1640 que l’idée missionnaire gagne peu à peu le clergé sécu­lier et les chrétiens (G. de Vaumas, « L’éveil missionnaire de la France », Lyon 1942, 235). Sous le régime de Richelieu les capucins français s’établirent dans le Moyen-Orient. Le promoteur en était François Le Clerc du Tremblay, Baron de Maffliers (1577-1638) mieux connu sous le nom de Père Joseph de Paris ou de son surnom: éminence grise. C’était le commencement du protectorat français sur les mis­sions, qui est jugé très sévèrement par les historiens modernes (Cf. J. Glazik msc, qui parle de son róle « fatal » dans l’histoire mission­naire, dans: H. Jedin: Handbuch der Kirchengeschichte Band IV, 620). Il faut le savoir pour lire avec prudence et discernement les lettres des missionnaires lazaristes dans les Annales. Mame si nous louons et imi­tons leur zélé missionnaire nous ne pouvons plus soutenir les opi­nions et les jugements de nos anciens missionnaires.

C’est en mai 1631 que Mr. Vincent envoie pour la première fois un confrère en dehors de la France. C’est Mr. François Cou­dray qui doit obtenir de la Congrégation des Evêques et des Reli­gieux l’approbation de La Congrégation de la Mission.

St. Vincent est, dans ce temps-là tout occupé du salut des pay­sans français: « vous devez faire entendre que le pauvre peuple se damne faute de savoir les choses nécessaires à salut et faute de se confesser », (1631, à F. du Coudray, I, 115). « J’ai peur d’are damné moi-m’éme pour n’être incessamment occupé à l’instruction du pau­vre peuple » (4-9-1631 à F. du Coudray I, 121). La mission de Du Cou­dray eut succès: la Bulle Salvatoris nostri apparut le 12 janvier 1633 (XIII, 257-267; Annales 1926, 140-144; 1941, 27-30, 31-32; M. Pérez Flores: La Bolla « Salvatoris nostri » e la Congr. della Missione, Annali della missione 1983, 261).

Il y a une grande différence entre la conduite de Mr. Du Cou­dray à Rome et de celle de son successeur Mr. Louis Lebreton. Le premier voulut rester à Rome pour travailler à la traduction de la bible syriaque en latin. Mr. Vincent le conjure d’une manière dra­matique de retourner en France: « Représentez-vous donc, Monsieur, qu’il y a des millions d’âmes qui vous tendent la main » (25-7-1634, I, 251). On sent l’obsession et l’inquiétude de Mr. Vincent: il me semble que plus tard son zélé est plus calme, plus confiant, c’est au moins l’im­pression que j’ai gagnée de la lecture de ses lettres et de ses conférences.

Mr. Lebreton fut envoyé à Rome au commencement de l’an­née 1639 particulièrement pour la question des veux. Ce qui nous frappe c’est zon zélé pour les oeuvres de sa vocation. Il est tout imbu de l’esprit de la Mission: il travaille parmi les plus pauvres: les pri­sonniers et parmi les bergers des environs de Rome. Et c’est préci­sément cela, qui frappe les prélats romains, e.a. de Mgr. Ingoli. Celui-ci veut lier la Congrégation de la Mission à la Propagande, mais Mr. Vincent ne veut pas casser ses liens avec les évêques de la France (XIII, 338). Mgr. Ingoli est membre de la commission qui donne un avis favorable de permettre aux Lazaristes de s’installer à Rome (XIII, 282). La motivation est jugement le fruit des missions que Mr. Lebreton avait donné dans les villages et parmi les bergers. Ce qui nous étonne chaque fois dans l’histoire de l’expan­sion de la Congrégation c’est que le projet vincentien peut être adapté aux circonstances des divers pays. Et encore: il se propage lui-même parce que c’est précisément une réponse aux besoins actuels de l’Eglise post-tridentine. En outre: les confrères vivent leur idéal plei­nement. Voilà à mon avis les causes de l’expansion de la Mission, comme je veux vous le montrer.

Dans la correspondance de Rome nous pouvons suivre toutes les tentatives d’acquérir une maison convenable. La duchesse d’Ai­guillon (comme on le voit dans la plaquette en marbre dans l’entrée de la maison à la Via Pompeo Magno), le Cardinal Durazzo et Mr. Alméras y ont contribué par leurs dons. Mr. Vincent y joue un rôle actif par ses directives: on nommera la maison « Casa della Mis­sione » , le titre de la chapelle doit être: La Sainte Trinité (1-6-1640 à Lebreton II, 49).

Il est typique que Mr. Vincent dans les années 1658-1659 revient jusqu’á quatre fois — dans ses lettres à Mr. Jolly — sur la pensée que les missionnaires doivent aimer leur abjection quand — à l’imi­tation de Notre Seigneur — ils sont logés pauvrement (25-10, 1-11, 6-12-1658, 9-5-1659, VII 312, 328, 391, 543). En 1659 on achéte le palais du Cardinal Bagni à Montecitorio.

A Rome les oeuvres se développent: missions dans la campa­gne, couvre d’ordinands, le soin spirituel pour le Collège de la Pro­pagande. Nous remarquons le bon sens de Mr. Vincent quand il écrit à Mr. Jolly (6-9-1658, VII 254), que la maison de Rome n’est pas en état de recevoir les ordinands gratuitement: l’ordinand doit lui-même payer son logis. Il approuve cordialement l’érection d’un sémi­naire interne à Rome: car nous avons grand besoin d’hommes qui parlent italien, car les français ont peu de disposition pour l’appren­dre. Et quand les premiers séminaristes sont reçus il dit: qu’il puisse fournir grand nombre de bons ouvriers à l’Eglise de Dieu, particulièrement à toute l’Italie (1 Jolly, 4-1-1658, VII 41).

Coste donne les noms de 35 confrères qui ont travaillé à Rome. Y figurent les noms de Mr. Dehorgny, successeur de Mr. Portail comme directeur des oeurs, Mr. Alméras et Jolly, successeurs de St. Vincent, Mr. Berthe, qui fut désigné en second par le fondateur pour son successeur. C’est aussi Mr. Berthe qui doit quitter Rome sur l’ordre de Mazarin pendant les démêlés avec le Cardinal de Retz.

III. Le Saint Siége demande des missionnaires. Réaction de St. Vincent

La maison de Rome est aussi le point de contact de St. Vincent avec le Saint-Siège. Il écrivit le 14-10-1644 à Dehorgny (II 482). Nos affaires consistent en l’approbation de nos règles… et en quantité d’autres petites expéditions. Quand on parcourt un peu les lettres de Mr. Vincent on peut constater la vérité de cette phrase. C’est dans la correspondance de Rome que nous pouvons suivre le développe­ment du concept de la Mission chez St. Vincent. On y trouve aussi les pourparlers sur des missions qui en fin de compte ne furent pas confiées à la Congrégation.

Nous résumons ici ce que nous avons déjà publié ailleurs (G. van Winsen: « St. Vincent et les missions étrangères », Vincentiana 1978, 150 et suiv.: traduction en anglais: Vincentian Heritage, 1982, 3 et suiv.).

Nous comprenons la lettre de Mr. Vincent à Lebreton du 10 mai 1639 (I, 548) dans le sens suivant: Mgr. Ingoli fait ses premières propositions pour lier la Congrégation à la Propagande. St. Vin­cent n’y voit pas encore une vocation pour sa Congrégation. Il veut bien prier pour les missions étrangères, mais sa première occupa­tion sont les missions en France. Peut-être est-il opportun de faire le récit des missions en France, pour obtenir à Rome une maison pour cette œuvre.

En 1640 Mgr. Ingoli demande positivement deux Lazaristes pour les missions étrangères. Dans sa lettre du 1-6-1640 nous trou­vons la réaction de St. Vincent. (II, 50).

Pendant la messe il lui devint clair que le Pape à le pouvoir d’en­voyer ad gentes et que tout prêtre est alors obligé de lui obéir. Main­tenant St. Vincent reconnait une vocation pour sa Congrégation. C’est sa grande vénération pour le Pape, qui cause chez St. Vincent une attitude d’obéissance. Et cela devient pour lui un principe, une maxime comme il dit lui-mérne. Ici nous constatons le commence­ment d’une nouvelle perspective. Le concept de la Mission est élargi jusqu’aux extrémités de la terre.

Nous retrouvons ce principe chez St. Vincent depuis 1640 jusqu’á la fin de sa vie, formulé presque toujours dans les mérnes paroles. Il est appliqué en diverses circonstances nommément quand il faut résoudre la question si la mission de Madagascar doit être con­tinuée. Dans la question de la mission de Perse (Babylon) St. Vin­cent défendit son point de vue que la Congrégation y est appelée con­tre les difficultés que fait Mr. Dehorgny. Mr. Vincent le fait en insis­tant sur sa maxime. (II, 256; III, 158, 153-154; 182; répétition d’oraison, 30-8-1657, XII 421-422).

Le principe connaissait cependant ses restrictions. En 1642 St. Vincent ne peut pas répondre à la protection offerte par Mgr. Ingoli par manque del personnel (II, 256). Et il entend le principe de telle manière que les pouvoirs du supérieur général envers ses confrères sont maintenus. (II, 50).

IV. Le motif personnel de St. Vincent pour envoyer ses missionnaires à l’étranger

Nous trouvons un autre motif plus personnel chez St. Vincent pour travailler à l’extension de l’Eglise en dehors de l’Europe. En voyant ce continent déchiré dans son unité religieuse par la Réforme (la prétendue Réforme, dit St. Vincent), l’Eglise de France déchirée par les nouvelles opinions, il eut l’angoisse que Dieu voulut anéan­tir l’Eglise de l’Europe pour la transférer chez les non-chrétiens. fallut défendre l’Eglise dans le vieux continent mais en même temps l’étendre aux pays d’outre-mer.

Nous pouvons conjecturer que St. Vincent a puisé ce motif dans la vie de Clément VIII pour lequel il avait une si grande vénération. Quand le Pape disait la messe en présence de quelques princes d’Orient, convertis à la religion catholique, son contentement du progrès des missions étrangères s’était tout à coup changé en tristesse à la vue des pertes de l’Eglise en Europe en sorte qu’il y avait sujet de craindre que Dieu ne la voulait transporter ailleurs.

(Références: 31-8-1646, III, 35; mars 1646 III, 153; on peut affir­mer d’après Collet I, 421, que cette lettre est du 8 mars; 2-5-1647, III, 182-183; entretien septembre 1655 XI 309; 3-9-1655 V, 417-418).

Le motif d’obéissance au Saint Siégé et le motif personnel de St. Vincent sont déjà mentionnés par Collet (I, 420-421).

Nous trouvons l’approfondissement personnel de son motif mis­sionnaire dans ces paroles de St. Vincent: « Ah, misérable que je suis! je me suis rendu indigne, par mes péchés, d’aller rendre service à Dieu parmi les peuples qui ne le connaissent pas ». Nous retrouvons ce même appro­fondissement au sujet de la vocation du missionnaire: Qu ‘heureuse, Oh! qu’heureuse est la condition d’un missionnaire qui n’a point d’autres bornes de ses missions et de ses travaux pour Jésus-Christ que toute la terre habitable. Pourquoi donc nous restreindre à un point et nous prescrire des limites, puisque Dieu nous a donné une telle étendue pour exercer notre zèle? (Abelly, 1891, II, 119). Ou d’après une autre version: Pourquoi donc nous restreindre à un point et nous donner des limites par le moyen d’une cure, puisque nous avons toute la circonférence du cercle? (A. Dodin: « S.V.d.P.: entretiens spiri­tuels aux missionnaires », Paris, 1960, p. 1030, n. 47).

La vie de ses missionnaires dans les divers pays renforce chez lui aussi la conviction que les vieux sont nécessaires pour la Compa­gnie: La légèreté de l’esprit humain demande des vœux.

Surtout quand il s’agit de s’appliquer à des choses rudes et difficiles… « Ceux que nous avons envoyés aux ‘des Hébrides sont contraints de vivre de pain d’avoine, en Barbarie l’on est sujet des avanies et aux Indes (= Madagascar) l’on a beaucoup à souffrir en d’autres manières. (19-2-1655 à Blatiron, V, 317).

V. La formation des missionnaires appelés à l’étranger

Convaincu de la vocation de sa Congrégation pour les missions étrangères, St Vicent assuma à sa cinquante-neuvième année la tâche d’éduquer ses confrères aux nouvelles dimensions de leur vocation. Collet l’a bien vu: quel homme que ce Vincent de Paul, quel courage, quelle grandeur d’âme, quelle zélé pour Dieu, quel dota-f cément de tout intérêt temporel, quel talent pour former en peu d’années, quelquefois en assez peu de mois, des ministres prêts à tout faire et à tout souffrir sous ses ordres.

Collet le dit avec éloquence dramatique, toutefois je le cite pour exprimer aussi ma conviction et admiration personnelle.

Il nous échappe comment St. Vincent a formé les premiers missionnaires envoyés à l’étranger. Toutefois il y avait des confrères qui avaient le désir d’aller aux missions étrangères. Collet raconte de Julien Guérin, le premier Lazariste qui partait en Tunisie, qu’il avait toujours souhaité de mourir parmi les captifs; il avait le grand désir d’être martyr (I, 409, d’après les vies manuscrites dans les archives de St. Lazare). Dès que la nouvelle était répandue qu’on demandait des missionnaires pour Madagascar, Mr. Nacquart et un autre confrère de Richelieu demandèrentt la permission d’y partir (III, 278). Mr. Mous­nier avait fait voeu de dire tous les jours le chapelet pour obtenir la grâce de partir dans les pays étrangers (Bourdaise à Mr. Vincent, 10-1-1656 V, 508).

Mr. Vincent avait ses principes pour juger une vocation à l’étranger. Dans une lettre du 3-7-1648 à Blatiron (III, 337) il souligne que ceux qui ren­dent service auprès des malades et des affligés en Europe le feront aussi aux pays étrangers. Mais il était d’opinion que le mouvement d’aller dans les pays étrangers devait ré prouvé par le supérieur général. Mais après l’épreuve il fallait envoyer ce confrère en mis­sion. Nous connaissons le cas concret de Mr. Valois (= Walsh), un irlandais. Mr. Vincent écrivit sur lui à Blatiron 19-1-1652 (IV 305): « L’esprit qui pousse M. Valois au désir d’aller assister son pays parait trop ferme pour lui oser résister; si ce mouvement lui dure avec la même force, laissez-le venir ».

Nous voyons avec quelle sollicitude Mr. Vincent éprouve les esprits. Dans ce cas concret le résultat était négatif: Mr. Valois ne partit pas pour l’Irlande. Trois ans plus tard le fondateur écrivit sur ce confrère: « un temps a été que Mr. Valois avait les mêmes désirs que vous me marquez, mais par la grâce de Dieu il est revenu de cet état ». (14-5-1655, V, 378). Et Mr. Vincent donne l’ordre de lui envoyer la correspondance de Mr. Valois avec un pi-are irlandais. On peut supposer que Mr. Vincent a maintenant la conviction que son confrère n’a pas la vocation d’aller en Irlande et il prend des’ mesures concrètes.

Un cas plus clair d’éducation missionnaire chez St. Vincent est celui de Mr. Dufour. En 1647-1648 celui-ci voulut se faire chartreux, mais le saint l’en détourna. En 1649 Dufour demanda d’être envoyé en Barbarie. Voici la réponse de St. Vincent: « Or le service de ces pauvres gens étant d’une vocation extraordinaire il la faut bien exa­miner et prier Dieu qu’il nous fasse connaitre si vous y attes appelé.

C ‘est ce que je vous prie de faire de votre côté et ce que je pro- pose de faire du mien, non que je doute aucunement de votre réso­lution mais pour plus d’assurance de la volonté de Dieu ». (III, 489). Dès 1650 Dufour est destiné à Madagascar (IV, 86). Dans un temps où la pensée d’entrer chez les chartreux lui est revenue depuis peu, il reçoit sa nomination définitive pour Madagascar et Mr. Vin­cent lui écrit: « je vous al offert à Notre Seigneur pour cela ». (5-11-1650, V, 103).

Plus tard le saint décrit sa conception d’une vocation aux mis­sions étrangères: « c’est son Saint Esprit que j’invoque tendrement sur vous à ce qu’en étant animé vous en puissiez répandre les lumières et les fruits sur les amés destituées de secours que les prêtres leur doivent et sans lequel le sang précieux de Jésus-Christ leur serait inu­tile: Nourrissez-donc bien, Monsieur, la charité qu’il vous donne pour elles: embrasez-vous du zélé de leur salut et chérissez la disposition où vous étés d’aller chercher la brebis égarée dans les Indes » (26-11-1650, V, 112).

Mr. Dufour ne partit à Madagascar que le 29 novembre 1655. Pendant cinq années St. Vincent l’a aidé à nourrir sa vocation mis­sionnaire, p.e. comme dans la lettre du 24-4-1652 (V, 368): « Offrez-vous à lui de nouveau, comme un ouvrier qu’il appelle à un emploi le plus relevé, le plus utile et le plus sanctifiant qui soit sur la terre tel qu’est celui d’attirer les .mes à la connaissance de Jésus-Christ et d’aller étendre son empire aux lieux où le démon régné depuis si longtemps. Les apôtres et plusieurs grands saints se sont estimés bienheureux de se consumer pour cela ».

Mr. Vincent était bien convaincu de la vocation de Mr. Dufour comme il le dit lui-même après la mort de Messieurs de Bellevile, Dufour et de Prévost: « N’étaient-ils pas appelés de Dieu en ce peu­ple? Et qui en doute? Tous trois m’ont demandé plusieurs fois d’y aller. Mr. Dufour en avait ce désir dès le temps que l’on commença à parler de Madagascar, cela avec les circonstances et particularités qui sont arrivées à son égard, nous faisait penser que Dieu l’appelait, de delà » (répétition d’oraison, 30-8-1657, XI, 417).

Après cette exposition nous pouvons conclure avec Abelly (1891, II, 461): « Il ne voulait pas assigner par lui-même leur destination aux Missionnaires qu’il envoyait aux pays étrangers: il ne prenait que ceux qui avaient eu auparavant mouvement de Dieu et disposi­tion intérieure pour ces missions extraordinaires, et qui avaient demandé plusieurs fois d’y aller, jugeant prudemment qu’un homme appelé de Dieu fait plus de fruit que beaucoup d’autres qui n’ont pas une pure vocation ».

VI. Avis et direction de St. Vincent aux missionnaires à l’étranger

A. Conseils avant le départ

Les avis que St. Vincent donna aux missionnaires en départ ont été cause que les œuvres à l’étranger se sont développées dans la ligne vincentienne. Abelly nous raconte (édition 1891, II, 187) que les mis­sionnaires d’Irlande attribuaient les fruits de leurs travaux après Dieu aux sages conseils de Mr. Vincent. Nous possédons encore les avis du fondateur aux missionnaires partant à Alger (mai 1646, XIII 306), un règlement de vie pour ceux de Tunis (1653, XIII 363, un texte plus élaborée que celui de XIII, 306), les avis à Philippe Le Vacher (1651-52, IV 120, 364), les conseils aux missionnaires partant à Madagascar (octobre 1655, V 434), les avis au frère Patte, destiné à Madagascar (novembre-décembre 1659, VIII, 182), les conseils donnés aux mission­naires d’Irlande aussi avant leur départ (Abelly, 1891, II, 187).

Un spécimen dans le genre est la lettre à Mr. Nacquart, nommé pour Madagascar (22-3-1648, III, 278). Nous y rencontrons quel­ques informations géographiques, des avis pour le voyage, pour la pastorale parmi les colons français, des avis pour la prédication parmi les malgaches (il faut par des image et par des raisonnements pris de la nature leur faire connaitre que vous ne faites que développer en eux les marques que Dieu leur a laissées de soi-même), précau­tions à prendre pour conserver la pureté parmi ce peuple (la grâce infaillible de votre vocation vous garantira de tous ces dangers), pré­vision de choses nécessaires à emmener avec lui à Madagascar). On nous a toujours dit que la vie était la grande école de St. Vincent. Toutefois il faut signaler qu’en plusieurs cas le fondateur a donné des avis et des règlements qui n’étaient pas encore éprouvés par l’ex­périence. Ce qui nous étonne alors c’est que ces conseils et avis étaient parfaitement adaptés aux circonstances réelles du pays. Cela sup­pose qu’avant l’envoi des missionnaires St. Vincent a pris des infor­mations sérieuses sur le pays, que son imagination créatrice lui a représenté d’une maniéré concrète les possibilités du travail, les dan-, Gers à écarter, les précautions à prendre.

B. La question de l’adaptation

Les établissements à l’étranger demandaient aux missionnaires plusieurs adaptations aux circonstances nouvelles. Mr. Codoing lui demande de Rome, s’il faut s’habiller à l’italienne. Dans sa première réaction Mr. Vincent voit beaucoup contre cela (11-7-1642, II, 273). Il veut que les confrères en Italie portent le chapelet à la ceinture « comme nous faisons ici à St. Lazare » (25-5-1656 à Jolly, V, 621).

Les missionnaires de Madagascar lui demandent s’ils peuvent aller les pieds nus. Et on outre: les chapeaux sont trop lourds. 11 leur prescrit de suivre le rituel romain. A Mr. Ozenne à Varsovie il défend d’être présent à des banquets, comme il était là la coutume et lui prescrit de suivre pour le jeûne la coutume romaine.

Pour adapter les charités aux circonstances locales de Génes, Mr. Blatiron veut constituer des conseillers et des protecteurs pour les dames.

St. Vincent l’avertit que l’expérience avait fait voir que cela était nuisible en France, mais il veut accepter ce qui est nécessaire en Ita­lie. Il ne veut pas donner comme réglé pour l’Italie ce qui se prati­que bien en France. (IV, 71, 2-9-1650).

C. Une correspondance régulière

St. Vincent a voulu une correspondance régulière avec toutes les maisons.

Les lettres écrites à Mr. Blatiron (pour lequel Mr. Vincent avait une prédilection spéciale: 23-11-1646, III, 111: vous étés une personne très chère à la compagnie particulièrement à mon cacheur qui Barde des tendresses d’affection pour vous qui ne sont pas ordinaires; cf. 6-1-1651, IV, 136; répé­tition d’oraison 23-9-1657, XII 431) nous donnent un spécimen de la correspondance de St. Vincent avec ses confrères à l’étranger. Avant tout il désire une correspondance régulière: « je vous prie, Monsieur, de m’écrire par tous les ordinaires » (26-10-1646, III, 90). Quand il ne reçoit pas des lettres, Mr. Vincent dit: « j’en suis en peine » (2-1-1654, V, 61). De son côté le fondateur donne fidèlement les nou­velles de toute la Compagnie (ibídem: l’ordinaire de la semaine dernière m’échappa sans vous pouvoir donner de nos nouvelles).

Les relations des missions sont régulièrement envoyées au saint (elles sont publiées en Abelly) qui en reçoit une grande joie (24-8-1646, III, 21; cf. II, 574). Il donne des conseils personnels: Ménagez-vous, prenez du repos entre deux missions, dans vos travaux j’appréhende le trop (19-11-1655, V, 467); et encore: se consumer dans le service du bon Maitre est bon pour soi-même, mais il ne s’ajuste pas aux besoins du prochain, (31-12-1655, V, 393). Dans son gouvernement M. Blatiron doit tenir bon en toutes choses qui ne sont pas dans la façon de faire de la Compagnie (2-10-1650, IV, 71).

C’est pourquoi Mr. Vincent désapprouve le projet de la fonda­tion (2-8-1646, III, 3).

Il ne faut pas rendre compte des revenus de la maison à l’évêque parce que c’est une sujétion fâcheuse (2-9-1650, IV, 71).

Il y avait les faiblesses humaines dans la maison de Génes, Mr. Vincent écrivit: j’y vois de la paille et du bon grain (16-8-1652, IV 448) et il inculque à M. Blatiron la patience (17-9-1649, III, 488). Le Supé­rieur doit exercer les jeunes prêtres dans l’exercice des œuvres; dans le passé on ne l’avait pas fait suffisamment et c’était une faute (2-12-1650, IV, 114). Dans la réception de nouveaux candidats faut faire plus d’attention à leur vertu qu’á leur science (24-12-1655, V, 491).

De cette façon St. Vincent dirigea de loin ses confrères et les œuvres de la Congrégation. C’était un gouvernement centraliste, mais qui a été accepté par les confrères, aussi je pense à cause de leur révérence pour la personne de leur supérieur général.

D. Un moyen efficace de gouverner les maisons: l’envoi d’un visiteur

Dans l’histoire des maisons à l’étranger nous pouvons constater que la visite des maisons était pour St. Vincent un moyen effi­cace de conserver l’esprit missionnaire de ses confrères. C’était facile pour un visiteur d’aller en Italie, mais aussi pour les autres pays St. Vincent a taché d’envoyer un visiteur, mais sans résultats réels. Le 29-5-1654 (V, 143) il écrivit à Jean Barreau à Alger: « J’espéré de vous envoyer bientôt quelqu’un pour vous visiter et pareillement ceux de Tunis ». Nous pensons que la visite n’eut pas lieu. Mr. Berthe fut envoyé en Pologne pour étudier l’avenir de la Compagnie dans ce pays, mais il fut rappelé de Rouen où il devait s’embarquer à cause de la situation mauvaise en Pologne. (V 406, 412, 417). En 1656 Mr. Vincent envoya Mr. Gerald Bryan en Angleterre « pour visiter ceux que nous avons en Escosse et aux iles Hébrides » (17-3-1656 à Ozenne, V, 572). Mais nous voyons par la lettre du 3 juin 1656 à Blatiron (V 622) qu’étant arrivé à Londres l’ambassadeur de France, à qui il (Bryan) avait été recommandé, l’a obligé de s’en revenir, ne voyant pas de sûreté pour lui dans ce voyage, quelque précaution qu’on y pût apporter. Constatons par les faits, que Mr. Vincent voulut con­server un lien vivant avec ces confrères travaillant à l’étranger, non seulement par la correspondance, mais par un contact personnel par la visite d’un confrère.

E. Il faut apprendre la langue du pays

Il y avait la question d’apprendre la langue. C’est toujours la grande tentation des missionnaires à l’étranger de parler entre eux leur langue maternelle et de ne pas s’appliquer suffisamment à l’étude de la langue des autochtones. Le point de vue de St. Vincent est clair: il faut apprendre la langue du pays.

Mr. Vincent y revient souvent. Mr. Portail prescrivit aux confrères de Rome pendant la visite de ne s’exprimer qu’en italien. (Coste, « M. Vincent », II, 168, d’apris Stella: « La Congregazione della Missione in Italia », Paris 1884, p. 12). On rencontre la même difficulté à Turin. Mr. Vincent écrivit à Mr. J. Martin: le peu d’affection que vos gens témoi­gnent pour l’italien m’afflige fort. Nous vous enverrons en bref un visiteur qui les détournera, Dieu aidant, de parler français (28-4-1657, VI, 287). Et à Mr. Ozenne à Varsovie il écrivit: Pourraient-ils pas s’imposer une loi avec quelque peine contre ceux qui manqueraient à parler polonais? (9-4-1655, V 359).

Mr. Vincent parle de la question des langues dans la répétition d’oraison de novembre 1658: Il est nécessaire que la Compagnie s’affec­tionne à demander à Dieu le don des langues, (XII, 66). Dieu avait donné aux ap6tres le don des langues, il faut demander à Dieu qu’il donne aux Lazaristes le désir d’apprendre les langues. Mr. Vincent donne comme exemples à imiter les Pères Jésuites et le bienheureux Mr. Nacquart, qui comment à apprendre les noms, puis les pronoms, les verbes, après à conjuguer et ainsi du reste. En sorte qu’au bout de quatre mois il l’entendait et se rendit capable de commencer à faire le catéchisme. Demandons à Dieu qu’il nous donne cette faci­lité d’apprendre les langues, puisqu’il a agréable de nous appeler aux mêmes fonctions que les apôtres.

Quelques mois plus t6t, le 9 juin 1658 Mr. Vincent attend un appel de la Pologne pour y envoyer des missionnaires. Toute la répé­tition d’oraison est dédiée au don des langues, (XII 26). Quand on est appelé à un pays étranger, Dieu donnera aussi la capacité d’en apprendre la langue: « Confiez-vous en lui; il ne veut pas la fin sans les moyens et s’il demande l’un, il en vous donnera l’autre. Il ne faut pas se décourager, il faut prier et se confier en Dieu pour faire progrès dans la connaissance de la langue. Quand on perd l’affec­tion de continuer on se persuade qu’on n’est propre que pour son propre pays, et alors dit St. Vincent: voilà la tentation du retour ».

Je pense que ce point de vue de Mr. Vincent garde sa valeur pour les missionnaires d’aujourd’hui.

F. Un grand fléau général: la peste. Conseils de Mr. Vincent à ses confrères

Une question qu’on rencontre régulièrement dans la correspon­dance de St. Vincent avec ses confrères à l’étranger c’est la conduite à suivre quand la peste éclate.

C’était le cas à Alger, Cracovie, Varsovie, Rome, Génes, Tunis. St. Vincent est consolé quand ses confrères d’Italie sont dans la dis­position de s’exposer à la contagion (11-8-1656 à E. Jolly, VI, 58).

C’est une marque de la grâce de Dieu pour faire voir comme lui, à la face de l’Eglise triomphante et militante, que l’amour est fort comme la mort. Quand les confrères de Ganes veulent s’expo­ser pour soigner les pestiférés, St. Vincent, dans un premier temps y voit surtout des raisons contre cela, mais alors il n’ose ni consentir ni s’opposer à cette résolution (de Mr. Blatiron) (VI, 47, 28-7-1656).

Mais dans un second temps la grande ligne de conduite que Mr. Vincent trace dans un tel cas est: ni l’évêque, ni le supérieur ne doit s’exposer le premier à la contagion, parce qu’ils sont responsables pour tout un diocèse ou pour toute une communauté.

Si St. Charles Borromée l’a fait à Milan, c’était par une inspi­ration particulière de Dieu. En louant les actes héroïques des autres, il donne à ses confrères comme réglé: « Nous devons nous contenter d’offrir à Dieu notre bonne volonté, nous estimant indignes d’en venir aux effets jusqu’á ce qu’il nous soit ordonné de nous exposer actuel­lement, car alors il faut nous sacrifier par obéissance et mourir comme Notre Seigneur, qui pour le salut des hommes a été obéissant jusqu’á la mort de la croix ».

(Au Bienheureux Alain de Solminihac 11-1652 IV, 520; à E. Jolly 27-10-1656 VI, 116; cf. la circulaire de Mr. Bonnet de 1735 aux surs sur le soin des pestiférés, Circulaires des Supérieurs-Généraux… etc. Tome II, Paris 1845, tome II, 39).

La peste tua les confrères. Les trois premiers confrères d’Alger (Nouéli, Le Sage et Dieppe) moururent par la contagion en 1647 et 1648 (Abelly, 1891, 11, 126). Il faut souligner la simultanéité des douleurs de St. Vincent en août-septembre 1657. A Ganes la peste enléve sept des huit confrères qui étaient là, à Varsovie les missionnaires sont en grand danger et de Madagascar le saint reçoit la nou­velle de la mort de Dufour, Prévost et de Belleville. Et St. Vincent écrit le 24 juillet 1657 à Blatiron (qui était déjà mort depuis le 24 juillet): Dieu soit loué de toutes ces pertes qui sont très grandes pour la compa­gnie selon notre manière de parler, (VI, 432).

Et son sens réaliste fait l’appréciation suivante de ses confrères: Voilà l’or de la minière qui se découvre au feu et qui hors des occasions demeure caché sous des actions communes et quelques fois sous des imperfections et des défauts.

VII. Les projets et les réalisations dans l’expansion de la Congrégation

St. Vincent ce n’est pas seulement occupé de Madagascar. Le schéma suivant nous fait voir que St. Vincent a eu attention aussi pour d’autres missions. Bien qu’il soit vrai que seulement dans la période 1643-1647 la Congrégation était impliquée dans la mission de Babylone, Mr. Vincent lui-même s’en est occupé jusqu’en 1659 (VIII, 167). Les noms soulignés sont ceux des missions que St. Vin­cent a accepté, de fait, pour la Compagnie.

Nous voyons que, de fait, l’expansion de la Congrégation à l’étranger fut réalisée en six années de 1645 à 1651, entre le 64e et le 70′ année de la vie de St. Vincent, l’âge où l’on va aujourd’hui en Europe en retraite et pension. Le concept de la Mission: choisir pour les pauvres, se dévouer au clergé est venu à sa pleine maturité, adaptée aux circonstances les plus diverses.

1634 Constantinople

1639 Rome

1640 Pernambouc (Brésil)

1643 Babylone (Perse)

1644 Indes orientales, Barcelona

1645 Génes, Tunis

1646 Alger, Salé (Maroc), Mande

1647 Arabie

1648 Madagascar

1651 Pologne, Ecosse

1652 La Guyane

1654 La Suéde

1655 Turin

1656 Liban

1657 Toledo

1660 Placencia (Espagne), La Chine

Dès maintenant nous voulons dire que tous les établissements sont réalisés à l’invitation du Saint Siege ou d’une personne. Nous pourrons vérifier ce que Mr. Vincent a écrit à Mr. Codoing: Et ne nous empressons pas pour l’extension de la Compagnie ni pour les apparences extérieures. La consolation que Notre Seigneur me donne c’est de penser que par la grâce de Dieu nous avons toujours tâché de suivre et non pas de prévenir la Providence qui sait si sagement conduire toutes choses à la fin que Notre Sei­gneur les destine. Certes, Monsieur, je n’ai jamais mieux vu la vanté du con­traire ni le sens de ces paroles que Dieu arrache la vigne qu’il n’a pas plantée (14-4-1644, II, 456).

VIII. 1645: fondation de Génes

Quand le Cardinal Durazzo avait vu les ouvres de la Compa­gnie à Rome, il voulut aussi une fondation des missionnaires à Génes. Mr. Vincent y envoya quelques ouvriers avec Mr. Etienne Blatiron comme supérieur. Parmi les missions données par les confrères de cette maison, celles de la Corse sont restées célèbres dans les annales de la Compagnie. Le Cardinal Durazzo devint un vrai ami de St. Vincent et de la Congrégation. 40 confrères ont travaillé pendant la vie de St. Vincent à Ganes. Nous avons déjà parcouru la corres­pondance de St. Vincent avec le supérieur et déjà mentionnée la con­duite héroïque des confrères pendant la peste.

Il faut noter encore deux choses. C’est à Génes qu’on commença de demander des vocations pour la Congrégation par l’intercession de St. Joseph (12-11-1655, V, 462). La maison de Génes d’au­jourd’hui est encore celle que les confrères ont habitée dans le temps de St. Vincent.

IX. 1645-1646: les missions en Afrique du Nord

On peut supposer que pour la charité active de St. Vincent il n’y avait qu’un pas d’élargir son attention pour les forçats de Mar­seille (dont il était l’aum6nier royal) aux esclaves dans le Nord de l’Afrique. Ces pauvres gens étaient en danger de perdre leur foi. Mais selon sa coutume il attendait l’heure de la Providence. Des 1642 Louis XIII lui demanda d’envoyer ses missionnaires en Afrique du Nord et lui donna une somme de 9 à 10.000 livres pour cela.

Nous pouvons reconstruire l’acheminement du fondateur. Premièrement il voulut faire donner par ses confrères une sorte de mis­sion aux esclaves chrétiens. Ils iraient en Barbarie sous le prétexte de libérer un petit nombre d’esclaves. Tout le monde était enthou­siaste de ce dessein et incita St. Vincent de l’exécuter. Mais Mr. Codoing à Rome craignait que les Ordres rédempteurs fassent des difficultés.

De fait: en 1643 des missionnaires furent envoyés à Marseille pour aller en Barbarie mais ils restèrent dans cette ville. Ensuite Mr. Vincent a pensé d’envoyer un frère chirurgien à Alger pour y diri­ger une sorte d’hôpital. En cette manière ce frère aurait le droit de demeurer là. (II, 317, 360, 368, 387). Nous retrouvons le reflet de tous ces desseins dans l’acte de la fondation de la maison de Mar­seille (1643), qui fut conclue avec la duchesse d’Aiguillon (elle est restée très active dans les œuvres pour les esclaves): envoyer des prêtres en Barbarie, pour consoler et instruire les pauvres chrétiens cap­tifs et détenus édits lieux en la foi, amour et crainte de Dieu et y faire par eux les missions, catéchismes, instructions et exhortations, messes et prières qu’ils ont accoutumé (XIII, 300).

Enfin on trouva une solution définitive pour établir des confrères à Alger et à Tunis. Par les capitulations conclues entre la France et l’empire ottoman, les consuls français, établis en terre musulmane, avaient le droit d’avoir un chapelain. Cela devint le titre juridique de la présence des missionnaires à Tunis (des 1645) et à Alger (1646).

Les directives que Mr. Vincent donna à ses confrères (XIII, 306, 313, 363) étaient d’une grande sagesse pratique. Ils devaient y vivre avec toutes les précautions imaginables avec les autorités du pays, ils devaient se tenir aux lois et s’informer chez ceux, qui y demeu­raient déjà longtemps, de la manière de se conduire. Il leur était défendu de disputer sur la religion et de dire quelque chose contre elle.

Ils devaient gagner par la patience les prêtres et les religieux esclaves et maintenir l’union parmi les marchands. Quant aux finances ils devaient écrire très exactement les sommes données aux esclaves.

La conduite des prêtres et religieux esclaves n’était pas toujours louables. Philippe Le Vacher dans sa qualité de vicaire de l’archevêque de Carthage voulut les corriger.

St. Vincent lui écrivit: « ne vous servez des sévérités que dans l’extrémité, de peur que le mal qu’ils souffrent déjà par l’état de leur captivité, joint à la rigueur que vous voudriez exercer, en vertu de votre pouvoir, ne les porte au désespoir. Vous n’étés pas responsa­ble de leur salut, comme vous pensiez; vous n’avez été envoyé en Alger que pour consoler les âmes affligées, les encourager à souffrir et les aider à les persévérer en notre sainte religion », (IV, 120).

Mr. Vincent avait une grande admiration pour l’couvre de ses confrères. Une fois Mr. Philippe Le Vacher était à Paris pour faire une quête afin d’être en état de payer les dettes du consul Barreau. Mr. Vincent eut la délicatesse de dire en sa présence à ses confrères de St. Lazare, que l’couvre des Ordres rédempteurs était grande, mais alors il ajouta: « Il me semble qu’il y a encore quelque chose de plus en ceux qui non seulement s’en vont à Alger, à Tunis pour y contri­buer à racheter les pauvres chrétiens, mais qui, outre cela, y demeu­rent et y demeurent pour racheter ces pauvres gens, pour les assister spirituellement et corporellement, courir à leur besoin, être toujours là pour les assister ».

Pendant sa vie Mr. Vincent a envoyé à Tunis deux prêtres et un frère pour le travail parmi les esclaves, et un confrère clerc et un laïc pour le consulat. Mr. Guérin y est mort.

A Alger furent envoyés quatre confrères pour les esclaves, dont trois sont morts et un confrère clerc pour le consulat. Douze cents esclaves furent rachetés et on a dépensé 1.200.000 livres pour le rachat des captifs (Abelly 1891, II, 183-184).

Pour unifier la ligne de conduite du missionnaire et du consul la duchesse d’Aiguillon avait acheté le consulat d’Alger en 1646 et celui de Tunis en 1648.

A Alger nous trouvons Jean Barreau, clerc de la CM comme consul. Sans vouloir juger de ses bonnes intentions il faut dire qu’il a été désobéissant aux consignes de St. Vincent, données par lui pour – 531 –

L’administration de l’argent. Barreau, dit Collet (II, 23) était aussi sensible que généreux: il ne pouvait voir un esclave sans être atten­dri de sa situation. Il s’imaginait toujours que le cas qui se présen­tait était exempt de la réglé. Il en fut lui-même dupe: plusieurs fois il était en prison et s’alourdit de grandes dettes.

A Tunis les tâches du consulat étaient confiées au clerc Huguier et depuis 1653 jusqu’á 1657 au laïc Husson. Jean Le Vacher, le mis­sionnaire devait leur succéder en 1657.

Par le droit canonique il était défendu aux prêtres de remplir la tâche du consul. Nous trouvons une double ligne dans la corres­pondance de St. Vincent sur cette difficulté. C’est un Brand soin pour lui que ces confrères peuvent agir en toute sureté de conscience. Des personnes consultées à Rome sont d’avis que, dans les circonstan­ces, les Lazaristes peuvent exercer la fonction de consul. Mais St. Vincent veut avoir une permission expresse (VI, 365). Mr. Jolly pré­pare sous l’instigation du fondateur (je vous prie de faire instante) des mémoires sur la question pour les offrir à la Propagande (VI 627). Les raisons que Mr. Vincent lui indique sont: la seule piété qui mène à exercer des actes de charité en faveur d’esclaves pour l’amour de Dieu seul; la difficulté de trouver des laïques propres à cette fonc­tion; le salut de 20 à 30.000 esclaves, dont beaucoup se feraient turcs; dans l’Etat papal il y a aussi des prêtres qui exercent la justice civile.

En décembre 1657 la Propagande refuse de donner une permis­sion et alors St. Vincent veut savoir si la Congrégation est disposée à le tolérer. La tolérance sera la conduite pratique de la Propagande. (Cf. VI, 365, 380, 442, 619, 627).

L’autre ligne de la conduite de St. Vincent se trouve dans la correspondance de Marseille. Dès le mois d’avril 1655 Mr. Vincent pensait qu’il serait mieux de vendre les deux consulats. En 1657 nous voyons que Mr. Get doit agir en secret sur la vente des consulats, mais St. Vincent révoque cet ordre. La raison en est que la duchesse d’Aiguillon veut maintenir les consulats pour la Congrégation pour garantir la liberté d’action des missionnaires. En outre on a publié un petit récit sur ce qui est arrivé au consul Barreau. Alors beau­coup de personnes dissuadent St. Vincent d’abandonner les consu­lats et les missions de Barbarie.

Il semble que St. Vincent est tranquille au sujet des solutions prises. Quand Mr. Get de Marseille lui parle de nouveau des consu­lats il répond simplement que la Duchesse d’Aiguillon est contre cela. Toutefois il veut la consulter encore une fois.

La conduite fondamentale dans toute cette question nous la trou­vons dans une lettre à Mr. Get: « quand il n’arriverait autre bien de ces stations que de faire voir à cette terre maudite la beauté de notre sainte religion… j’estime que les hommes et l’argent seraient bien employés », (VII, 117).

Pour tout mentionner il faut dire tout le travail que St. Vincent a fait pour envoyer des sommes, destinées à racheter des esclaves de Paris à Marseille et de là à Alger et à Tunis. Maintes fois on trouve dans la correspondance de Marseille des noms d’esclaves et le mon­tant qu’on leur doit donner.

Il faut aussi signaler que St. Vincent était un homme de son temps. Il n’a pas hésité de demander au gouvernement français d’in­tervenir par la voie diplomatique pour Mr. Barreau, quand il était en difficultés, (IV, 140, XIII, 836, VI, 380).

En outre Mr. Vincent a aidé le chevalier Paul à préparer une expédition pour atteindre Alger pour libérer des esclaves. Il lui pro­mit même 20.000 livres. L’expédition eut lieu en 1660, mais sans résultats à cause des vents contraires.

X. 1646: l’Irlande

Dès le commencement St. Vincent était Prat à recevoir des étran­gers dans sa communauté. Le 25-7-1634 il écrivit à M. Codoing Rome: amenez ce bon enfant maronite si vous pensez qu’il désire se donner à Dieu en cette petite compagnie (I253). Avec la même largesse d’esprit il recevait des candidata italiens et irlandais.

II y avait quantité de réfugiés irlandais en France, qui avaient fui leur patrie à cause de la persécution. Dans l’armée française y avait des régiments irlandais: hommes, femmes, enfants.

Depuis 1638 de jeunes irlandais entrèrent dans la compagnie. En 1645 il y avait environ 13 confrères irlandais. Ils étaient bien acceptés parmi les confrères français: plusieurs d’entre eux furent nommés supérieurs dans les maisons de France. La présence de confrères irlandais dans la Congrégation est la première cause que St. Vincent put accepter des œuvres en Irlande.

Une autre cause était la situation en Irlande. C’est dans ces années que la Contre-Réforme fit son entrée dans le pays. Le Saint-Siège envoya un nonce et la hiérarchie fut de nouveau rétablie. Le 7 mai 1645 deux irlandais: Mgr. Francis Kirwan de Killale et Mgr. Edmond O’Dwyer furent consacrés dans la chapelle de St. Lazare. La Congrégation de la Mission et ses œuvres étaient connues chez les prélats irlandais.

A Rome on voyait les œuvres de la Congrégation, surtout cel­les pour le clergé. Le Cardinal Barberini demanda le 25-2-1645 (II, 505) positivement des ouvriers pour l’Irlande à St. Vincent « pour y enseigner la pratique des cérémonies et des rites sacrées au clergé, qui est dans l’ignorance la plus profonde des rubriques » à cause de la persécution. N’est pas impossible que le confrère irlandais John Skyddie, qui était de la maison de Rome, a pris une part active dans ce projet. C’est.

Lui qui a conseillé à St. Vincent de donner un supérieur français dans le cas d’un départ, (III, 79). Nous pouvons comprendre que St. Vin­cent fut pressé et par Rome et par les prélats irlandais d’envoyer des missionnaires, (III, 83).

Pour St. Vincent un appel de Rome était une indication de la sainte Providence. Mais il reconnait aussi la vocation spéciale de ses confrères irlandais. Nous avons déjà mentionné le cas de Mr. Valois. Nous voyons le même respect pour la vocation de ces irlandais dans la lettre à Gérald Bryan (Brin) d’avril 1650 (IV, 16), qui veut rester en Irlande malgré les difficultés: Puisque ces autres Messieurs qui sont avec vous sont dans la mémé disposition de demeurer (en Irlande) quelque danger qu’il y ait de guerre et de contagion nous estimons qu’il les faut laisser. Et alors la phrase capitale: Que savons-nous ce que Dieu en veut faire? Cer­tainement il ne leur donne pas en vain une résolution si sainte. C’est la réserve d’un supérieur devant des vocations spéciales.

Mr. Vincent fait tout pour libérer ses confrères irlandais de leurs tâches actuelles. C’est un sacrifice pour la Compagnie. Le 20-10-1646 il écrivit à Mr. Portail (III, 83) qu’il ne pouvait plus accepter de long­temps quelque autre fondation, parce qu’il avait disposé de tous ceux qui pouvaient travailler en Irlande.

Le groupe de missionnaires qui partit pour l’Irlande était très mêlé quant à la nationalité: six irlandais, deux prêtres français, un frère français (Philippe Le Vacher), un coadjuteur français et un coad­juteur anglais. Quand on voit ce mélange de nationalités et quand on se souvient que plus tard l’couvre de Mr. Vincent pour les prêtres irlandais en France échoua à cause de leur division au plan poli­tique, il est comprendre que le fondateur donna comme devise à ses missionnaires au départ: l’union entre eux: allez-y comme n’ayant qu’en Dieu qu’une mémé cacheur et qu’une mémé intention; et par ce moyen vous en rapporterez du fruit, (Abelly, 1891, II, 187).

Une bande de missionnaires travailla dans le diocèse de Cas­hel, l’autre dans celui de Limerick. Les travaux étaient difficiles à cause de la guerre et de la pauvreté (III, 190).

Entre temps le roi anglais Charles I périt sur l’échafaud le 9-2-1649. L’Irlande était du parti royaliste. Cromwell (les parlemen7 tiares, comme écrivit St. Vincent très justement le 21-12-1651, (IV, 289) et son gendre Ireton envahirent le pays pour subjuguer le peu­ple. Une partie des missionnaires retournèrent en France; en 1650 il n’y avait plus que Edme Barry, Gérald Bryan et le frère Lye. Le groupe de Limerick supporta le siégé de Limerick, laquelle fut prise le 19-11-1651 par Ireton. Depuis le 21-12-1651 jusqu’au 22 mars 1652 St. Vincent était dans l’incertitude du sort de Mr. Barry et Bryan.

Finissons par plusieurs remarques:

  • la formule vincentienne avait prouvé son adaptabilité aux cir­constances d’Irlande, surtout parte que St. Vincent avait donné le conseil à ses missionnaires d’employer surtout la méthode catéchéti­que.
  • il est à souhaiter que les confrères irlandais étudient les rela­tions des missions d’Irlande de la même manière que l’on a fait pour les relations missionnaires d’Italie. On y trouve plusieurs faits qui pour Mr. Coste étaient invraisemblables.

Elles sont écrites par nos confrères irlandais du 17e siècle. En le comparant avec d’autres documents irlandais de ce temps on pourra peut-être expliquer mieux le genre littéraire de ces documents.

  • le plus glorieux fait de la mission d’Irlande est qu’elle a donné à la Congrégation son premier martyr: Le pauvre frère Lee étant en son pays est tombé aux mains des ennemis qui lui ont écrasé la tête et coupé les pieds et les mains en la présence de sa mère, (IV, 343).
  • le frère Patriarche retournait d’Irlande, la tête brouillée. Quand le supérieur de Saint-Méen voulut l’envoyer à St. Lazare, St. Vincent lui écrivit: « il est raisonnable que votre famille, ayant reçu service de ce bon enfant, elle le supporte à présent qu’il est malade » (30-9-1651, IV 258). Il est bon de souligner qu’aussi dans le temps de St. Vincent les confrères ont souffert des circonstances rudes de leur travaux, que les œuvres d’alors ont eu leurs victimes de la guerre et de l’angoisse humaine pour consoler les confrères d’au­jourd’hui qui sont brisés dans leur santé par les mémés causes que le frère Patriarche. A nous l’obligation de les aider et de les supporter.
  • un confrère est décédé en Irlande (Abelly, 1891, II, 198) D. O’Brien (IV, 4949, note 3).
  • Mr. Vincent a lui-même porté les frais de ces missions, aidé d’une aum6ne de la duchesse d’Aiguillon.

(Autres sources: P. Boyle: « Les relations de Saint Vincent de Paul avec l’Irlande », Annales, 1907, 355 et suiv.; Mary Purcell: « The story of the Vincentians », Dublin 1973).

XI. 1648: Madagascar

La Société des Indes Orientales, qui avait dès 1642 le mono-1 pole du commerce à Madagascar, était obligée d’entretenir un prêtre pour les colons catholiques.

On prit contact avec le nonce de Paris et celui-ci « a choisi la com­pagnie pour aller servir Dieu dans Pile St. Laurent, autrement dite Madagas­car », selon les mots de St. Vincent à Mr. Nacquart (22-3-1648, III, 278).

Pour comprendre ce que St. Vincent et la Congrégation ont fait pour cette mission il faut en donner un aperçu. Par ce sommaire on peut directement voir quelles difficultés on eut à vaincre.

21 mai-4 décembre 1648 Voyage de Mr. Nacquart et de Mr. Gondrée à Madagascar.

26 mai 1649. Mort de Mr. Gondrée.

octobre 1650. Mr. Vincent reçoit la nouvelle de la mort de Mr. Gondrée.

29 mai 1650. Mort de Mr. Nacquart.

1651. Le dessein d’envoyer un vaisseau n’eut pas de suite.

8 mars-16 aout 1654. Voyage de Mr. Mousnier, Bourdaise et le frère Forest. Je suppose que le dernier a quitté la Congrégation à Madagascar, car on ne trouve plus son nom dans les relations.

24 mai 1655. Mort de Mr. Mousnier.

juin 1655. M. Vincent apprit la mort de Mr. Nacquart. juillet 1656. Mr. Vincent apprit la mort de Mr. Mousnier. 29 novembre-13 juin 1656: Voyage de Mr. de Belleville, Prévost et Dufour.

18 janvier 1656: Mort de Mr. de Belleville pendant le voyage. 18 aout 1656: mort de Mr. Dufour.

septembre 1656: mort de Mr. Prévost.

2-3 novembre 1656: Naufrage à la rade de Nantes de Mr. Bous­sourdec, Herbron et le frère Delaunay, envoyés à Madagascar.

aout 1657: Mr. Vincent apprit la mort de Mr. de Belleville, Dufour et Prévost.

25 juin 1657: mort de Mr. Bourdaise.

14 mars 1658 départ de Mr. Le Blanc, Arnoul, de Fontaines, Daveroult et le frère Delaunay (2e fois). Ils sont accompagnés du mal­gache Louis. Tempéte-abordement à Lisbonne, attaqués par un navire espagnol, emmenés en Espagne, retour en France. Dureté du supérieur de Saintes envers le frère Delaunay et Louis. (VII, 244).

11 novembre 1658: Mr. Vincent se demande: M. Bourdaise étes­vous encore en vie ou non?

18 janvier 1660-20 juillet 1661: Voyage de Mr. Daveroult (2′1 fois), Feydin, de Fontaines (2e fois), Etienne et le frère Patte. Ils n’ar­rivent pas à Madagascar, mais séjournent chez les Hollandais au Cap de Bonne Espérance, retour en France.

27 septembre 1660: Mort de St. Vincent. Il n’a jamais appris la mort de Mr. Bourdaise.

St. Vincent a envoyé 18 confrères à Madagascar, où huit mis­sionnaires seulement sont arrivés. Tous y sont morts. Deux seule­ment: Mr. Nacquart et Mr. Bourdaise ont pu travailler plus long­temps avec un peu de succès parmi les autochtones.

Avec Collet (II, 439) nous pouvons constater qu’on ne connais­sait pas si bien Madagascar au commencement que plus tard. On avait à Rome et en France un jugement trop favorable sur les mal­gaches. Collet dit simplement: on a trompé St. Vincent. Sans nous approprier le jugement noir de Collet sur les malgaches, il faut dire qu’il donne bien les causes de l’insuccès de la mission à Madagas­car: les défauts du peuple d’une part, mais d’autre part la conduite des colons français qui étaient des modèles achevés d’injustice et de corruption.

On ne trouve pas tout cela dans les relations des missionnaires, mais bien dans leurs lettres à St. Vincent, écrites à la manière d’une communication intérieure. (1650, Nacquart: III, 580, 603-608; 1655: Mousnier, V 291; Bourdaise: V 298 et 1657: VI, 192). Mr. Nacquart se plaint de la situation, parée que le gouverneur Mr. de Flacourt ne se tient pas aux accords. Il demande à Mr. Vincent de s’informer chez des gens qui ont vécu à Madagascar et de ne pas se fier à ouï-dire. Mr. Nacquart veut même retourner en France pour expliquer personnellement à Mr. Vincent la situation mais il ne peut pas le faire. Et alors cette question de conscience: Comment faudrat-il faire touchant ces misérables guerres dont je parle à ces Messieurs? II donne ses lettres à une personne de confiance, dans la peur qu’elles soient lues par d’autres.

Mr. Mousnier semble avoir de grandes idées sur l’avenir de la mission. Il demande à St. Vincent toute une bibliothèque. Il semble être un intellectuel. Mais en outre il donne des avis très pratiques pour l’envoi de choses nécessaires. Cette lettre nous donne une impression de tout ce que nos missionnaires ont besoin dans un pays où on doit commencer une mission.

Mr. Bourdaise au contraire n’était pas un intellectuel. Il avait fait avec grande difficultés ses études. Toutefois c’est un homme pra­tique, avec un bon sens pour la pastorale. Il écrit en toute sincérité à St. Vincent qu’il diffère de vue avec Mr. Mousnier sur l’adminis­tration du baptisme aux malgaches et il lui demande une décision. Il avait averti Mr. Mousnier, son supérieur, de changer sa manière rude d’agir avec les français et avec les malgaches. Il est très clair au sujet de l’imprudence de Mr. Dufour et Prévost, qu’il avait avertis: « Je vous dirai franchement qu’honorant la vertu, les motifs et l’amour de Dieu qui les faisaient ainsi agir, qu’il y avait de l’excès… S’ils avaient modéré un peu leur zélé, ils seraient encore pleins de vie et serviraient à la conversion de nos pauvres Indiens ».

C’est aussi Mr. Bourdaise qui supplie Mr. Vincent d’envoyer de nouveaux missionnaires: « Il est vrai, mon cher Père, que vous perdez beaucoup d’enfants et de braves sujets mais je vous supplie, pour l’amour de Dieu et par les entrailles de Jésus-Christ de ne point vous décourager pour cela. N’abandonnez pas tant d’âmes qui ont été rachetées par le Fils de Dieu » (VI, 233).

Nous retrouvons le reflet de ces lettres dans les réponses et les actions de St. Vincent. En 1655 (selon Coste, mais peut-être plus tard; V 434): « Prenez soin de votre santé-appliquez-vous à l’étude de la langue-abandonnez-vous à Dieu-entr’aimez-vous-supportez­vous » .

Dans une autre lettre (V, 456; à cause du contenu de la lettre nous supposons qu’elle est écrite à un missionnaire de Madagascar): « Souvenez-vous d’agir dans l’esprit de Notre Seigneur — mais arrivera peut-être que vous ne verrez pas (les bénédictions de Dieu sur vos œuvres), au moins dans toute leur étendue; car Dieu cache quelquefois à ses serviteurs les fruits de leurs travaux, pour des rai­sons très justes; mais il ne laisse pas d’en faire réussir de très grands ».

Et dans sa lettre à Mr. Bourdaise (VIII 158): modérez votre zèle. Il vaut mieux avoir des forces de reste que d’en manquer.

Mr. Vincent a répondu aux besoins indiqués par les missionnai­res en envoyant un chirurgien en la personne du frère Patte, à qui il donne des conseils très œcuméniques: Vous ne fassiez point acception de personnes et ne mettiez pas différence qui paraisse entre les catholiques et les huguenots, (VIII, 182).

Les confrères de Madagascar étaient d’avis que les Filles de la Charité y seraient tris utiles. (III, 583-4; V, 278, 300). Dès 1651 Mr. Vincent s’en référé à la lettre de Mr. Nacquart (XI, 564). Avant le départ de Mr. Mousnier, les soeurs de Nantes lui exprimaient leur désir d’aller avec lui. On trouve la réaction de Mr. Vincent aux let­tres de Mr. Bourdaise et de Mr. Mousnier dans la conférence aux soeurs du 29-9-1655 (X, 117): C’est pourquoi disposez-vous pour cela… Disposez-vous donc, mes filles, et donnez-vous à Notre Seigneur pour alter il plaira. Le désir de la sœur Haran à Nantes était sérieux, car elle en parla dans une lettre à St. Vincent qui lui répondit: vous Jerez bien de continuer à vous offrir ¿i Dieu pour alter et demeurer et généralement pour faire ce qu’il ordonnera (14-3-1657, VI, 251). Le désir de la soeur était constant, comme nous pouvons conjecturer d’une lettre de St. Vin­cent à elle du 12-2-1659 (VII, 457). En 1658 le désir d’aller en mis­sion est plus général chez les soeurs. Car Ste Louise écrivit au frère Ducourneau: la plupart de nos sœurs voudraient bien que l’on ne fit pas l’em­barquement pour Madagascar sans elles (Sainte Louise, lettre 561, p. 581;) et elle demande à St. Vincent: d’offrir le désir de nos sœurs pour Madagascar, (lettre 563, p. 583).

De fait St. Vincent n’a pas envoyé des sœurs. Mais par les pas­sages cités on peut voir qu’aussi parmi les sœurs la mission de Mada­gascar avait activé un désir d’y are envoyées. L’amour des missions était vraiment brûlant dans les communautés vincentiennes.

Malgré les difficultés de la mission de Madagascar il faut admi­rer la constante résolution de St. Vincent. Il y avait la mort des missionnaires, mais il y avait aussi les rivalités d’actionnaires de la Société des Indes. D’une manière vraiment diplomatique Mr. Vin­cent a traité avec eux. Pour sauver la possibilité d’envoyer des mis­sionnaires à Madagascar, St. Vincent fut obligé de choisir le parti du Maréchal de la Meilleray. Jusqu’en 1658 la mission avait demandé une dépense de 7 à 8 mille livres (VII, 46). On a admiré son égalité d’esprit parmi tant de difficultés, mais surtout dans le cas de Mr. Etienne. On avait fait savoir à Mr. Vincent que celui-là s’était noyé. Le saint avait déjà nommé un autre confrère comme supérieur des missionnaires en départ, quand des lettres de M. Etienne arrivèrent, prouvant qu’il était encore en vie (Abelly, 1891, III, 426-428).

Nous pensons qu’il y avait objectivement des raisons pour quitter la mission de Madagascar, p.e. le manque de bateaux allant régulièrement à cette ile. Abelly nous peint la situation: « Certainement après toutes ces rudes épreuves il y avait quelque raison de douter si Dieu voulait se servir de lui et des siens en cette mission si éloi­gnée; et il semblait que c’était une entreprise téméraire que de la vouloir poursuivre davantage, la conduite de la divine Providente y paraissant si contraire. Aussi était-ce le sentiment de quelques-uns de ses amis qui suivaient plus la lumière de la prudence humaine, qu’il n’est expédient pour réussir dans les œuvres apostoliques ». (Abelly, 1891, II, 236-237). II faut se souvenir que ces règles furent écrites et éditées quatre ans après la mort de St. Vincent. Justement la Congrégation avait envoyé de nouveau Mr. Etienne et ses commissionnaires à Madagascar (22-5-1663). Mr. Alméras a agi selon les maximes de St. Vincent.

Nous trouvons les maximes de St. Vincent dans ses conféren­ces du 15-11-1656 et du 25 et 30 aout 1657 (XI, 376, 414, 417) et dans une lettre au maréchal de la Meilleray du 12-1-1658 (VII, 45).

St. Vincent a connu le doute humain: vient donc que Dieu ruine ainsi, ce semble, ce qui pouvait contribuer (á l’extension de son oeuvre à Madagascar)? Non, non, ne pensez pas cela. Dieu veut éprouver notre foi, notre espérance et notre zèle. Faut-il abandonner cet oeuvre? Oh, Jésus, non, il s’en faut bien garder.

Ces pensées sont pour St. Vincent des pensées humaines: Quelqu’un de cette compagnie dira peut-être qu’il faut abandonner Madagas­car; la chair et le sang tiendront ce langage qu’il ne faut plus y envoyer, mais je m’assure que l’esprit dit autrement.

Pour lui-marne il est convaincu d’une vocation de la Compa­gnie pour Madagascar.

Les confrères envoyés là avaient de vraies marques d’une voca­tion pour cela. Et qui peut douter de la vocation de la Compagnie? Et selon sa manière ordinaire de raisonner St. Vincent raconte que la Congrégation n’a pas demandé cette œuvre de son propre gré, mais c’était le nonce, le représentant du Pape, c’étaient ces Mes­sieurs de la Compagnie des Indes, c’est par conséquent Dieu qui a appelé la compagnie: nous n’avons pas demandé d’y aller.

Et en outre comment peut-on laisser seul Mr. Bourdaise?

Il faut continuer l’œuvre: ceux qui ont le désir d’y aller ne doi­vent pas se décourager, ils ne doivent pas faire la poule mouillée.

Dans les circonstances données il faut baisser la tâte et adorer les conduites tout admirables et incompréhensibles de Notre Seigneur. Il faut se consoler de la pensée qu’il plait à Dieu de traiter la compa­gnie comme il a traité l’Eglise dans le commencement.

Voilà l’esprit surnaturel chez un saint, qui d’autres fois ont pris l’expérience et les circonstances de la vie comme signes de la volonté de Dieu. Maintenant il lit les signes de la vie d’une toute autre manière, parce qu’il est convaincu de la vocation de sa Congréga­tion. Il a laissé cet esprit à son successeur Mr. Alméras, à ses confrères qui sont de nouveau partis après sa mort à cette mission ingrate, qui a dévoré des missionnaires. C’est seulement en 1671 que Mr. Jolly rappela ses confrères, parce que Louis XIV retira les Français de Madagascar. Dans un espace de 23 ans la Congrégation avait envoyé 36 confrères à Madagascar, dont quatre furent tués par les malgaches.

Parlant humainement, c’était une entreprise folle: mais comme nos premiers confrères il faut courber la tâte devant les voies incom­préhensibles de Dieu et admirer les intentions surnaturelles de St. Vincent et de ses missionnaires.

XII. 1651: L’Ecosse

Abelly et Collet disent qu’il était suffisant pour St. Vincent de connaitre les nécessités spirituelles des catholiques d’Ecosse pour le faire résoudre d’y envoyer ses confrères. Il n’est pas vraisemblable

  • comme il est confirmé par toute la manière d’agir de St. Vincent
  • qu’il a pris personnellement un initiative de telle sorte. Mais on peut se représenter que les confrères irlandais avaient le désir d’aller aux Hébrides, où les habitants parlaient leur langue. Depuis 80 années il n’y avait plus un prêtre dans ces iles. Mais d’autre part les habitants n’avaient jamais admis des ministres protestants.

Le 7 octobre 1650 St. Vincent demanda les pouvoirs nécessai­res pour ses confrères. Le nonce de Paris intervint aussi en leur faveur. (IV, 91 et suiv.). Dermot Duiguin (Duggan) et Francis White sont partis de France en novembre 1650.

Nous ne suivons pas nos missionnaires dans leurs travaux. Dug­gan a travaillé dans les Hébrides où il est mort en 1657. Mr. White (Le Blanc) a travaillé dans les montagnes (Highlands) de l’Ecosse.

En 1655 il était fait prisonnier à Aberdeen, mais il fut délivré. Plu­sieurs foil il est retourné en France (XII, 38). Il est mort en Ecosse en 1679. Mr. Lumsden, écossais de naissance, partit pour sa patrie en 1651 et y a travaillé jusqu’en 1663, l’année de son retour en France.

St. Vincent suivait en pensée ses confrères d’Ecosse. La corres­pondance était difficile: les lettres n’arrivaient pas à Paris et quand St. Vincent les reçut, c’était (XI, 189) seulement après deux mois. Le fondateur tenait les nouvelles de ses confrères du principal du collège des Ecossais (XII, 288) à Paris. Il recommanda ses confrères à la communauté de St. Lazare et lui communiqua les rares nouvel­les. Il envoya Mr. Bryan en Angleterre pour visiter ses confrères, mais ce voyage échoua déjà à Londres (VI, 482).

XII. 1651: La Pologne

La mission de Pologne fut commencée à l’invitation de la reine de la Pologne, Louise Marie de Gonzague, française de naissance et autrefois Dame de la charité.

Mr. Vincent a envoyé en Pologne des confrères, des sœurs et des Visitandines.

Il est clair que la reine attendait des confrères l’application en Pologne de la formule vincentienne: missions pour le peuple, des retraites pour les ordinands, fondation d’un séminaire.

Mr. Vincent a envoyé un nombre suffisant de confrères pour entamer tout cela. On peut reconnaitre chez lui une certaine audace. Les missionnaires envoyés en Irlande parlaient la langue, parmi ceux de Pologne il y avait seulement un polonais de naissance. En outre Mr. Vincent y a envoyé des clercs, des confrères qui n’avaient pas encore fini leur préparation au sacerdoce (V, 352). C’est à compren­dre qu’il a nommé Mr. Lambert aux Couteaux supérieur, un homme qu’il a nommé son tiras droit.

La mission de Pologne a été une mission difficile. Premièrement par les confrères eux-mêmes.

Du premier groupe, envoyé en 1651, M. Lambert est mort de la peste en 1653, Mr. Guillot, dans un moment de faiblesse est retourné de son propre mouvement en France; M. Zelazewski et le frère Posny ont quitté la Congrégation.

Du deuxième groupe, parti en 1654: Mr. Ozenne est mort en 1658, les autres: Durand, Eveillard et Simon (avec Mr. Guillot qui était retourné en Pologne) sont retournés en France à cause de la guerre. Mr. Vincent en était mécontent (V, 562).

Mr. Berthe, qui devait visiter les confrères de Pologne fut révo­qué avant son départ, également à cause de la guerre.

A fin de compte il y avait seulement deux confrères en Pologne: Nicolas Desdames et Mr. Duperroy (parti de France en 1654).

La mission de Pologne était difficile, deuxièmement, par la calomnie. Je me puis bien imaginer que les Lazaristes n’étaient pas les bienvenus en Pologne, appelés par une reine d’origine française, pour éduquer eux, des Français, le clergé polonais. Il est facile de les accuser de jansénisme (accusation fondée sur leurs liens avec l’abbé Fleury, aum6nier de la reine) pour défendre des positions acquises mais maintenant menacées. Il fallait des lettres de l’archevêque de Paris, du nonce en France et du provincial des jésuites français pour réfuter ces accusations.

M. Desdames fut calomnié à son tour et devait se justifier devant l’évêque de Posnanie: la réaction de St. Vincent: « et quand il en arriverait autrement, Dieu, par sa miséricorde, prendra soin de le laver de la calomnie et de le justifier devant les hommes, sans que vous et lui en mettiez davantage en peine », (13-4-1657, VI, 277).

La troisième cause des difficultés en Pologne était la guerre mais aussi la peste et la famine. Les Russes et les Suédois envahirent le pays, il y avait le mouvement des armées, il y avait la dévastation de Varsovie par les Suédois.

Dans ces circonstances les confrères ont vécu leur vocation vin­centienne en aidant les victimes de la guerre et de la peste. Ils ont organisé l’aide aux pauvres gens. A la fin, l’église de la Sainte Croix à Varsovie qui était confiée à la Congrégation était détruite. C’est sur ces combles et ruines que les confrères restés en Pologne ont jeté les fondements sûrs pour la province lazariste polonaise.

Après les troubles Mr. Ozenne demanda le retour des confrères, qui étaient partis en France, mais c’était impossible, l’un n’avait plus d’inclination pour la Pologne et en outre: St. Vincent avait déjà donné à ces missionnaires un nouveau placement. (VI, 610). Dans les dernières années de sa vie il prépare une nouvelle équipe de prêtres (capables d’enseigner, VIII, 104) pour un séminaire pour lequel la reine avait donné une fondation de 4 à 5000 livres. Ils sont partis après la mort du fondateur.

Mr. Vincent suit en pensée ses confrères en Pologne. Il le fait par une correspondance régulière (je ne manque point toutes les semaines de vous écrire, V, 187), par ses conseils (cf. la longue lettre du 2 avril 1655, V, 344). Quand pendant l’invasion des suédois ses confrères à Var­sovie sont en danger, il demande par l’intermédiaire de l’ambassa­deur français en Suédé la protection du roi pour ses missionnaires, sœurs et Visitandinnes (V, 411). Il est plein d’admiration pour eux: Mais qu’ont-ils souffert en ce pays-là? La lamine? Elle y est. La peste? Ils l’ont eu tous deux et l’un par deux lois. La guerre? Ils sont au milli eu des armées et ont passé par les mains des soldats ennemis. Enfin, Dieu les a éprouvés par tous les fléaux. Et nous serons ici comme des casaniers sans cacheur et sans zélé? (XI, 412).

Dans la conception de Mr. Vincent le sort de l’Eglise polonaise était liée au sort du roi: Mais affligeons-nous pour l’Eglise, qui va être perdue en ce pays-là, si le roi vient à succomber; car la religion ne s’y peut maintenir que par la conservation du roi et l’Eglise va tomber entre les mains de ses ennemis en ce royaume, (XI, 352).

Et Collet raconte: Ses enfants étaient bien les premiers, mais ils n’étaient pas les seuls confidents de sa douleur et de ses inquiétu­des. La Pologne et les dangers qu’y courait la foi entraient toujours pour quelque chose dans les entretiens que le saint homme avait au dehors. (Collet II, 494).

Dans son esprit il voyait déjà l’avenir de la province de Polo­gne: « lorsque je pense aux moyens de fournir de bons missionnaires à la Pologne, celui-ci me vient toujours à l’esprit: d’assembler une douzaine de bons jeunes hommes de delà si on les pouvait trouver et les bien élever dans un séminaire Oit ils puissent se former à la vertu et aux exercices ecclésiastiques », (13-8-1658, VII, 261).

Nous ne parlons pas ici de l’histoire des Sœurs en Pologne, ni de l’intérêt que St. Vincent avait au sujet de la succession au trône de Pologne. Constatons seulement que St. Vincent n’a pas méprisé les moyens humains en service de la religion et de l’Eglise en Pologne.

XIII. 1655. Turin

La fondation de la maison de Turin fut demandée en 1655 par Philippe-Emmanuel Philibert Hyacinthe de Simiane, marquis de Pia­nezza. Les propositions du marquis ne correspondaient pas au but de la Congrégation. St. Vincent le maintenait soigneusement et le fit expliquer au marquis. Tout se régla. St. Vincent voulut qu’on commercerait humblement: « l’humilité est la porte par laquelle on doit entrer dans les exercices de cette nouvelle fondation et non par celle de la réputation » (cl Blatiron, 24-8-1657, V, 416; Cf. V, 472). St. Vincent était de l’opinion qu’on devait attribuer le succès des missions plutôt à la bonne disposition du peuple, pour ne pas dire à la nouveauté de l’œuvre qu’au mérite des ouvriers, (á J. Martin, 26-11-1656; V, 472). Pendant la vie de St. Vincent 16 confrères ont été mémoires de la communauté à Turin.

Conclusion

J’ai tâché d’emmener St. Vincent plus près de nous: un Vin­cent travaillant, souffrant, priant au milieu des difficultés des mis­sions en dehors de la France. Ce qui m’a frappé en tout cela était, qu’il fut pour ses confrères un animateur, un conseiller prudent, un directeur de conscience. L’effet a été que tous ces hommes avec leurs qualités et défauts ont été épris de l’idéal vincentien: le soin pour les plus délaissés, soit spirituellement, soit corporellement, le soin pour un bon clergé. Et tout cela dans des pays divers, parmi des catho­liques, des persécuteurs, des non-chrétiens.

Par cela la preuve a été donnée que la formule vincentienne peut être adaptée aux hommes les plus divers en des pays différents. J’espéré que nous tous pouvons faire tout cela aussi aujourd’hui dans les divers continents et pays pour les pauvres et pour le clergé.

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