La vie du vénérable serviteur de Dieu Vincent de Paul, Livre troisième, Chapitre VII

Francisco Javier Fernández ChentoVincent de PaulLeave a Comment

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Author: Louis Abelly · Year of first publication: 1664.
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Chapitre VII : Son oraison

L’oraison étant comme une manne précieuse, que Dieu a donnée à ses fidèles, pour conserver et perfectionner la vie de leurs âmes, et comme une rosée céleste pour faire germer et croître dans leurs cœurs toutes sortes de vertus, il n’y a pas lieu de s’étonner si M. Vincent a fait toujours paraître une estime si particulière de ce saint exercice, et une si grande affection à le pratiquer et à le faire pratiquer aux autres .

Premièrement, il ne manquait jamais, tous les matins, d’employer une heure à faire oraison mentale, quelques affaires qu’il pût avoir, et en quelque lieu qu’il se rencontrât, et par préférence à toute autre bonne œuvre qui ne fut point d’obligation ou de nécessité: c’était pour consacrer à Dieu les prémices de la journée, et se disposer a en passer saintement tout le reste. Il faisait l’oraison dans l’Église avec toute sa Communauté; et, quelquefois, ne pouvant contenir tous les sentiments que le Saint-Esprit lui donnait, on l’entendait pousser avec ardeur des élans de son amour envers Dieu; et ses soupirs donnaient de la dévotion aux plus tièdes. Il a mis sa Congrégation dans l’usage de ce saint exercice, et voulait que tous les jours chacun s’y appliquât; il disait que les infirmes mêmes la pouvaient faire sans être incommodés, usant de la méthode qu’il leur enseignait, c’est à savoir, de s’y porter par les affections de la volonté, plus que par l’application de l’entendement, se tenant doucement en la présence de Dieu, et formant des actes réitérés de résignation, de conformité à la volonté divine, de contrition de ses péchés, de patience, de confiance en la divine bonté, de remerciement de ses bienfaits, d’amour de Dieu, et autres semblables.

Outre cette oraison réglée, il en faisait d’autres le jour et la nuit, selon le loisir qu’il en avait; a celle-ci cependant, il préférait les emplois de sa charge et le service du prochain il se regardait comme un homme qui n’était pas à lui, et qui ne pouvait disposer autrement de son temps, ni de sa personne, que selon les devoirs de l’état auquel Dieu l’avait appelé, et qui l’obligeait, après le soin de sa propre perfection, à s’appliquer au service de l’Eglise et à travailler à la sanctification des âmes: reconnaissant néanmoins qu’il ne pouvait réussir dans ce service, ni dans ce travail, que par le secours des grâces que l’on reçoit dans l’oraison; et dès qu’il trouvait quelque petit intervalle de temps libre dans ses travaux, ou quelque interruption en son sommeil, il recourait aussitôt à ce saint exercice. Il avait, outre cela, une dévotion spéciale de faire ses prières en la présence du très Saint-Sacrement, où il demeurait si recueilli et dans une posture si dévote, que tous ceux qui le voyaient en étaient grandement édifiés.

Les maîtres de la vie spirituelle distinguent communément deux sortes d’oraison (nous entendons parler ici de celle qui se fait mentalement et par la seule opération de l’esprit) l’une qu’ils appellent ordinaire, à laquelle tous peuvent s’appliquer, et qui se fait par la voie des considérations, des affections et résolutions; l’autre est plus secrète, plus intime et plus sublime: Dieu y élève ceux qu’il lui plaît, et quand il lui plaît; et cette sorte d’oraison dépend plutôt de l’opération particulière du Saint-Esprit, que de toute l’industrie et de tous les efforts de l’esprit humain . L’on n’a pas pu découvrir quelle était l’oraison de M. Vincent, ni si elle était ordinaire, ou extraordinaire, son humilité lui ayant toujours fait cacher les dons qu’il recevait de Dieu, autant qu’il lui était possible; mais quelle qu’elle ait été en particulier, nous pouvons dire, en général, qu’elle a été assurément très parfaite, comme on le peut inférer avec raison des excellentes dispositions qu’il y apportait, et des grands fruits qu’il en retirait. Ce sont les deux marques par lesquelles il estimait qu’on pouvait solidement juger des qualités et de la perfection de l’exercice de l’oraison; car, quoiqu’il respectât beaucoup les sentiments de quelques auteurs modernes touchant les excellences de cette manière d’oraison extraordinaire dont ils ont traité dans leurs livres, et qu’il avouât que les conduites de Dieu sur quelques âmes d’élite sont admirables, et ses voies incompréhensibles, il tenait pourtant la maxime du saint Apôtre de ne pas croire facilement à toute sorte d’esprits, mais de bien éprouver s’ils sont de Dieu. Il avait encore appris du même que Satan se transforme souvent en ange de lumière, et qu’il trompe aussi bien par des apparences spécieuses, que par de mauvaises suggestions; et sa longue expérience en la conduite des âmes lui a fait dire quelquefois à des personnes de confiance, qu’il y avait des manières d’oraison, qui paraissaient fort élevées et fort parfaites, qui néanmoins portaient à faux. C’est pour cela qu’il conseillait ordinairement de suivre la voie la plus humble et la plus basse, comme la plus assurée, jusqu’à ce que Dieu nous fit lui même changer de route, et nous mît dans un autre sentier qui fût éclairé de sa lumière, pour nous faire après, ainsi que dit l’Écriture, arriver au jour parfait. Mais il estimait qu’il fallait que ce fût Dieu qui fît ce changement, et réputait à grande témérité, et à quelque sorte de présomption, et même d’illusion, de vouloir de soi-même se détourner du chemin ordinaire, et s’ingérer dans une voie inconnue, sous prétexte d’arriver à une plus grande perfection: la perfection ne consiste pas dans la manière d’oraison que l’on peut suivre, mais dans la charité, laquelle peut être plus grande et plus fervente dans une âme qui fera son oraison selon la voie ordinaire, que dans une autre qui, se flattant de ce qu’elle pense être dans une manière d’oraison plus élevée, négligera de travailler à la correction de ses vices et à l’acquisition des vertus qui lui sont nécessaires, et peut-être croupira toute sa vie en plusieurs notables imperfections.

Il voulait donc qu’on jugeât de la perfection et de la bonté de l’oraison, par les dispositions qu’on y apportait, et par les fruits qu’on en retirait. Pour !es dispositions, il disait qu’il n’en reconnaissait point de meilleures que l’humilité, la reconnaissance de son néant devant Dieu, la mortification des passions et des mouvements déréglés de la nature, la récollection intérieure, la droiture et simplicité de cœur, l’attention à la présence de Dieu, la dépendance entière de ses volontés, et les aspirations fréquentes vers sa bonté.

Mais s’il exhortait les autres à se mettre dans ces saintes dispositions, il s’y exerçait encore mieux lui-même, préparant ainsi continuellement son âme, pour recevoir abondamment dans l’oraison, les lumières et les grâces que Dieu y versait a pleines mains. Pour ce qui est des fruits qu’il recueillait dans son oraison, quoique les principaux et les plus excellents nous soient inconnus, son humilité les lui ayant toujours fait couvrir du voile du silence, il n’a pu néanmoins se contenir de telle sorte, qu’il n’ait quelquefois paru, comme un autre Moise, sinon tout lumineux, au moins tout ardent de ferveur et d’amour, au sortir des communications qu’il avait eues avec sa divine Majesté; et l’on pouvait aisément juger, par les paroles qu’il proférait de l’abondance de son cœur au sortir de ce saint exercice, quels étaient les effets qu’il avait produits dans son âme. Mais, outre cela, on peut dire avec vérité que toutes les actions de vertu qu’il a pratiquées durant le cours de sa vie, son humilité, sa patience, sa mortification, sa charité, et généralement tout ce qu’il a fait pour la gloire et pour le service de Dieu, ont été des fruits de son oraison.

Or, comme il connaissait par sa propre expérience, combien profitable et salutaire était ce saint exercice de l’oraison mentale, pour avancer dans la vie spirituelle, et pour se perfectionner en toutes sortes de vertus, il avait aussi une affection toute particulière d’y porter les autres: c’était ce qu’il recommandait et faisait recommander avec plus d’instance, pendant les exercices de l’ordination, à ceux qui se préparaient pour recevoir ce grand sacrement, dans lequel il estimait qu’ils ne pourraient jamais réussir s’ils n’étaient hommes d’oraison. C’était aussi ce qu’il faisait pratiquer exactement à ceux qui venaient faire leur retraite à Saint-Lazare, estimant qu’un des principaux fruits qu’on en devait remporter, était de se bien former à faire l’oraison mentale, et de prendre une ferme résolution de se rendre fidèle à la faire tous les jours. C’était encore ce qu’il inculquait en diverses occasions dans les conférences des ecclésiastiques; c’était ce qu’il inspirait aux Dames de la Charité dans leurs assemblées. C’était enfin ce qu’il recommandait très particulièrement et très efficacement à ceux de sa Congrégation: car il voulait que les Missionnaires fussent gens d’oraison, tant pour leur propre utilité spirituelle, que pour être plus capables d’y élever et dresser les autres; et il a toujours témoigné désirer avec ardeur qu’ils fissent progrès en ce saint exercice: « Donnez moi, leur disait-il, un homme d’oraison, et il sera capable de tout; il pourra dire avec le saint Apôtre: Je puis toutes choses en celui qui me soutient et qui me conforte.» Il ajoutait que «la Congrégation de la Mission subsisterait autant de temps que l’exercice de l’oraison y serait fidèlement pratiqué, parce que l’oraison était comme un rempart inexpugnable, qui mettrait les Missionnaires à couvert contre toutes sortes d’attaques; qu’elle était un mystique arsenal, ou comme la tour de David, qui leur fournirait toutes sortes d’armes, non seulement pour se défendre, mais aussi pour assaillir et mettre en déroute tous les ennemis de la gloire de Dieu et du salut des âmes. »

Il ne se contentait pas d exhorter les siens à se rendre fidèles et affectionnés à ce saint exercice, il les y dressait encore lui-même; et nonobstant la multitude innombrable d’affaires dont il était surchargé, il prenait la peine de leur faire répéter de temps en temps leurs oraisons; et pour l’ordinaire il les appelait deux fois la semaine, pour faire part à la Compagnie des lumières et des bons sentiments qu’ils avaient reçus en l’oraison; et à chaque fois il en faisait parler trois ou quatre, tant pour s’édifier mutuellement les uns les autres, que pour donner moyen aux nouveaux venus qui n’étaient pas encore entièrement formés a cet exercice, d’apprendre comme ils devaient s’y comporter.

Il était fort touché de ces répétitions d’oraison, et ne se lassait point de les entendre, y employant les heures entières; et lorsqu’il faisait voyage en compagnie d’autres personnes laïques, il leur faisait trouver bon qu’on employât tous les jours quelque temps à faire un peu d’oraison, et qu’on s’entretînt après des bonnes pensées et des bons sentiments qu’on y avait reçus; ce qui fermait la porte aux discours inutiles, et l’ouvrait à de pieux entretiens par lesquels les fruits de l’oraison étaient rendus communs. Une dame de très grande vertu, ayant appris de M. Vincent cette pratique, la mit en usage parmi ses domestiques; et elle lui raconta un jour qu’un de ses laquais, rapportant tout simplement les pensées qu’il avait eues en faisant son oraison, avait dit qu’ayant considéré comme NotreSeigneur avait recommandé les pauvres, il avait cru qu’il devait faire quelque chose pour eux, et que, ne pouvant leur rien donner, il s’était résolu au moins de leur rendre quelque honneur, et de leur parler gracieusement quand ils s’adressaient à lui, et même d’ôter son chapeau pour les saluer. M. Vincent s’est quelquefois servi de cet exemple pour montrer que les personnes de toutes sortes de conditions pouvaient s’exercer à faire la méditation, que ceux qui s’y adonnent en deviennent meilleurs, et que Dieu inspire dans ce saint exercice les actions vertueuses dont on ne s’aviserait pas en un autre temps.

Il recommandait particulièrement l’exercice de l’oraison à ceux qui sont obligés de prêcher, de catéchiser et de vaquer à la conduite et direction des âmes. Voici comme il en témoigna un jour ses sentiments, écrivant à l’un de ses prêtres:

« L’oraison est un grand livre pour un prédicateur: c’est là que vous puiserez les vérités divines dans le Verbe éternel, qui en est la source, pour les répandre après parmi le peuple. Il est à souhaiter que les Missionnaires s’affectionnent beaucoup à ce saint exercice de l’oraison; car, sans son secours, ils feront peu ou point de fruits, mais par son moyen ils se rendront capables de toucher les cœurs et de convertir les âmes. Je prie Notre-Seigneur qu’il vous confirme dans la pratique de cette vertu. »

Il conseillait surtout l’oraison affective et de pratique, c’est-à-dire celle en laquelle on s’exerce davantage à concevoir de saintes affections et à former de bonnes résolutions, qu’a s’entretenir sur de simples considérations auxquelles il ne jugeait pas qu’on dût s’arrêter, sinon au défaut des lumières et des mouvements que le Saint-Esprit répand dans les cœurs. Et pour faire mieux comprendre la différence de l’application de l’esprit qu’on fait dans l’oraison, d’avec les mouvements de la grâce qu’on y reçoit, il comparait l’âme à une galère qui vogue sur la mer avec les rames et les voiles; et disait que, comme l’on n’avait point recours aux rames sinon quand le vent vient à manquer, et que lorsqu’il était favorable, on naviguait et plus agréablement et plus vitement; de même il fallait s’aider des considérations dans l’oraison, quand le Saint-Esprit ne nous faisaiit pas ressentir ses mouvements; mais lorsque ce vent céleste venait à souffler dans nos coeurs, il fallait s’abandonner a ses conduites.

D’autres fois, il comparait les sujets de méditation à des boutiques de marchands, et disait que, comme il y a des boutiques où l’on ne trouve que d’une sorte de marchandises, et d’autres ou l’on rencontre tout ce que l’on a de besoin: qu’il y a aussi des sujets de méditation qui ne nous instruisent que d’une vertu, et d’autres qui contiennent des trésors de toutes sortes de vertus, comme sont les mystères de la naissance, de la vie, de la mort et de la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ: que pour profiter de ces sujets de méditation, il fallait adorer Notre-Seigneur en l’état auquel le mystère nous le représente, l’admirer, le louer et le remercier des grâces qu’il nous a méritées, lui représenter humblement nos misères et nos besoins, et lui demander les secours et les grâces nécessaires pour imiter et pratiquer les vertus qu’il nous y a enseignées.

Il encourageait ceux qui sentaient quelque sécheresse ou stérilité dans leurs oraisons, à persévérer courageusement, à l’imitation de Notre-Seigneur, lequel, factus in agonia, prolixius orabat, continuait et prolongeait ses oraisons au plus fort de ses peines et de son agonie, il leur disait qu’il faut reconnaître que l’oraison est un don de Dieu et qu’on doit lui demander avec instance la grâce de faire oraison, répétant avec les Apôtres Domine, doce nos orare:  Seigneur, enseignez-nous comment nous devons faire pour vous prier,» et attendre cette grâce de sa bonté, avec l’humilité et patience.

Donnant un jour aux siens quelques avis touchant l’oraison, il leur dit que à l’oraison était une prédication qu’on se faisait à soi-même pour se convaincre du besoin qu’on a de recourir à Dieu et de coopérer avec sa grâce pour extirper les vices de notre âme et pour y planter les vertus; qu’il faut dans l’oraison s’appliquer particulièrement à combattre la passion ou la mauvaise inclination qui nous gourmande, et tendre toujours à la mortifier; parce que, lorsqu’on est venu à bout de celle-là, le reste suit aisément; mais qu’il faut tenir ferme dans ce combat; qu’il est important d’aller doucement dans la manière d’agir, et ne pas se rompre la tête à force de s’appliquer et de vouloir subtiliser; qu’il est expédient d’élever son esprit à Dieu et de l’écouter, parce qu’une de ses paroles fera plus que mille raisons et que toutes les spéculations de notre entendement: qu’il souhaitait qu’on fût dans cette pratique d’oraison de s’élever de temps en temps à Dieu, et, se tenant dans une humble reconnaissance de son néant, attendre s’il lui plaît de parler à notre cœur, et nous dire quelque parole de vie éternelle: qu’il ajoutait qu’il n’y a que ce que Dieu inspire et qui vient de lui qui nous puisse profiter; que nous devons recevoir de Dieu pour donner au prochain, à l’exemple de Jésus-Christ, lequel, parlant de lui-même, disait qu’il n’enseignait aux autres que ce qu’il avait entendu et appris de son Père. »

Il avait cette sainte coutume de faire tous les ans sa retraite spirituelle de huit jours pour le moins, sans y manquer jamais, quelques pressantes affaires et occupations qu’il pût avoir. Et, pendant le temps de cette retraite, il laissait entièrement le soin de la maison et des affaires ordinaires, pour ne vaquer qu’à l’oraison et au recueillement, à l’imitation de son divin Sauveur, lequel se retira ainsi au désert, pour donner cet exemple à ceux qui seraient employés à prêcher l’Evangile. Voici ce qu’il dit un jour à sa Communauté touchant ces exercices spirituels; on verra quels étaient les sentiments qu’il en avait, quoiqu’il ne parlât pas de soi, mais qu’il recommandât simplement aux prières de sa Communauté quelques prêtres de sa Compagnie qui les faisaient en ce temps. « Nous prierons Dieu, dit-il, pour ceux qui ont commencé leur retraite, afin qu’il lui plaise de les renouveler intérieurement et de les faire mourir à leur propre esprit, et leur donner le sien. Oui, une retraite bien faite est un entier renouvellement: celui qui l’a faite comme il faut passe dans un autre état; il n’est plus ce qu’il était, il devient un autre homme. Nous prierons Dieu qu’il lui plaise nous donner cet esprit de renouvellement, et que par le secours de sa grâce nous nous dépouillions du vieil Adam, pour nous revêtir de Jésus-Christ, afin qu’en toutes choses nous accomplissions sa très sainte volonté.»

Section unique : Recueil de quelques avertissements et instructions de M. Vincent, sur le sujet de l’oraison.

L’Ecriture sainte, parlant du prophète Samuel, dit qu’il ne tombait pas une de ses paroles en terre: nous pouvons dire la même chose en quelque sens des paroles de M. Vincent, lesquelles étant animées de l’esprit de Dieu et assaisonnées de sa grâce, faisaient impression sur ceux qui les écoutaient et, en frappant l’oreille, touchaient le cœur. C’est pour cette raison que nous avons estimé que le lecteur catholique recevrait consolation et édification, si nous insérions ici quelques avertissements et instructions, qu’il a donnés en divers temps aux siens sur le sujet de l’oraison, et qui ont été soigneusement recueillis par quelques uns d’entre eux. Et quoique ce bon serviteur de Dieu ait fait ces discours sur-le-champ, sans les avoir prémédités selon les occasions qui se présentaient à sa charité, la simplicité néanmoins, avec laquelle il parle comme un père qui instruit ses enfants, leur donnera une grâce particulière, et même fera que les âmes bien disposées en tireront un plus grand profit.

Parlant donc un jour à sa Communauté sur ce sujet: «On connaît, dit-il, ceux qui font bien oraison, non seulement en la manière de la rapporter, mais encore plus par leurs actions et par leurs déportements, par lesquels ils font paraître le fruit qu’ils en retirent; il en faut dire de même de ceux qui la font mal, en sorte qu’il est aisé de voir que ceux-là s’avancent et que ceux-ci reculent. Or, pour tirer du profit de son oraison, il faut s’y préparer, et ceux-là manquent grandement qui négligent cette préparation, et qui ne viennent faire oraison que par coutume et parce que les autres y vont: Ante orationem præpara animam tuam, dit le Sage, «Avant que de te présenter à l’oraison, prépare ton âme;» car l’oraison est une élévation de l’esprit à Dieu, pour lui représenter nos nécessités et pour implorer le secours de sa miséricorde et de sa grâce: il est donc bien raisonnable, qu’ayant à traiter avec une si haute et si sublime Majesté, l’on pense un peu: qu’est-ce qu’on va faire, devant qui est-ce qu’on va se présenter, qu’est-ce qu’on lui veut dire, quelle grâce on lui doit demander? Il arrive néanmoins souvent que la paresse et la lâcheté empêchent de penser à cela, ou bien, tout au contraire, la précipitation et l’inconsidération nous en détournent; ce qui fait que l’on tombe en ce défaut de préparation, à quoi il est nécessaire de remédier. Il faut encore prendre garde à notre imagination vagabonde et coureuse, pour l’arrêter, et à la légèreté de notre pauvre esprit, pour le tenir en la présence de Dieu, sans pourtant faire un trop grand effort, car l’excès est toujours nuisible.

« L’oraison a trois parties; chacun en sait l’ordre et la méthode, il s’y faut tenir. « Le sujet est d’une chose sensible ou insensible: si elle est sensible, comme un mystère, il faut se la représenter et faire attention à toutes ses parties et circonstances; si la chose est insensible, comme si c’est une vertu, il faut considérer en quoi elle consiste et quelles sont ses principales propriétés, comme aussi quelles sont ses marques, ses effets, et particulièrement quels sont ses actes et les moyens de la mettre en pratique. Il est bon aussi de rechercher les raisons qui nous portent à embrasser cette vertu, et nous arrêter aux motifs qui nous touchent davantage. Ils se peuvent tirer des saintes Écritures ou bien des saints Pères; et quand quelques passages de leurs écrits nous reviennent en la mémoire sur ce sujet pendant l’oraison, il est bon de les ruminer en son esprit; mais il ne faut pas alors les rechercher, ni même s’appliquer à plusieurs de ces passages, car à quoi sert d’arrêter sa pensée à un ramas de passages et de raisons, sinon peut-être à éclairer et subtiliser notre entendement, ce qui est plutôt vaquer à l’étude que faire oraison.

«Quand on veut avoir du feu, l’on se sert d’un fusil, on le bat, et aussitôt que le feu a pris à la matière disposée, on allume de la chandelle; et celui-là se rendrait ridicule qui, ayant allumé sa chandelle, continuerait de battre le fusil; de même, quand une âme est assez éclairée par les considérations, qu’est-il besoin d’en chercher d’autres, et de battre et rebattre notre esprit pour multiplier les raisons et les pensées; ne voyez-vous pas que c’est perdre le temps, et qu’alors il faut s’appliquer à enflammer la volonté, et a exciter ses affections par la beauté de la vertu et par la laideur du vice contraire; ce qui n’est pas malaisé, puisque la volonté suit la lumière de l’entendement, et se porte à ce qui lui est proposé comme bon et désirable. Mais ce n’est pas encore assez: il ne suffit pas d’avoir de bonnes affections, il faut passer plus avant, et se porter aux résolutions de travailler tout de bon à l’avenir, pour l’acquisition de la vertu, se proposant de la mettre en pratique et d’en faire des actes. C’est ici le point important et le fruit qu’on doit tirer de l’oraison; c’est pourquoi il ne faut pas passer légèrement sur ses résolutions, mais les réitérer et les bien mettre dans son cœur; et même il est bon de prévoir les empêchements qui peuvent survenir, et les moyens qui peuvent aider pour en venir à cette pratique, et se proposer d’éviter les uns et d’embrasser les autres.

«Or, en cela, il n’est pas nécessaire ni souvent expédient d’avoir de grands sentiments de cette vertu que nous voulons embrasser, ni même de désirer d’avoir ces sentiments: car le désir de se rendre sensibles les vertus, qui sont des qualités purement spirituelles, peut quelquefois nuire et faire peine à l’esprit, et la trop grande application de l’entendement échauffe le cerveau et cause des douleurs de tête: comme aussi les actes de la volonté trop souvent réitérés, ou trop violents, épuisent le cœur et l’affaiblissent; il faut se modeler en toutes choses, et l’excès n’est jamais louable en quoi que ce puisse être, particulièrement dans l’oraison: il faut agir modérément et suavement, et conserver surtout la paix de l’esprit et du cœur.»

Une autre fois, expliquant la différence qu’il y a entre les pensées qui viennent de nous-mêmes, et celles qui nous sont inspirées de Dieu: «Voyez, dit-il, la différence qu’il y a entre la lumière du feu et celle du soleil: pendant la nuit notre feu nous éclaire, et par le moyen de sa lueur nous voyons les choses, mais nous ne les voyons qu’imparfaitement, nous n’en découvrons que la superficie, et cette lueur ne va pas plus avant; mais le soleil remplit et vivifie tout par sa lumière; il ne découvre pas seulement l’extérieur des choses, mais par une vertu secrète il pénètre au dedans il les fait agir et les rend même fructueuses et fertiles, selon la qualité de leur nature. Or les pensées et les considérations qui viennent de notre entendement ne sont que de petits feux qui montrent seulement un peu le dehors des objets, et ne produisent rien davantage; mais les lumières de la grâce, que le soleil de justice répand dans nos âmes, découvrent et pénètrent jusqu’au fond et au plus intime de notre cœur, qu’elles excitent et portent a faire des productions merveilleuses. Il faut donc demander à Dieu que ce soit lui-même qui nous éclaire et qui nous inspire ce qui lui est agréable. Toutes ces considérations hautes et recherchées ne sont point oraison; ce sont plutôt quelquefois des surgeons de la superbe; et il en va de ceux qui s’y arrêtent et qui s’y plaisent, comme d’un prédicateur qui se pavanerait en ses beaux discours, et prendrait toute sa complaisance à voir les assistants satisfaits de ce qu’il leur débite; en quoi il est évident que ce ne serait pas le Saint-Esprit, mais plutôt l’esprit de superbe qui éclairerait son entendement, et qui pousserait au dehors toutes ces belles pensées; ou pour mieux dire, ce serait le démon qui l’exciterait et qui le ferait parler de la sorte. Il en va de même en l’oraison, lorsqu’on recherche de belles considérations, qu’on s’entretient en des pensées extraordinaires, particulièrement lorsque c’est pour les débiter au dehors en rapportant son oraison, afin que les autres en aient de l’estime. C’est là une espèce de blasphème; c’est en quelque façon être idolâtre de son esprit; car en traitant avec Dieu dans l’oraison, vous méditez de quoi satisfaire votre superbe, vous employez ce saint temps à rechercher votre satisfaction, et à vous complaire dans cette belle estime de vos pensées; vous sacrifiez à cette idole de la vanité.»

«Ah ! mes Frères, gardons-nous bien de ces folies; reconnaissons que nous sommes tous remplis de misères; ne recherchons que ce qui nous peut davantage humilier, et nous porter à la pratique solide des vertus; abaissons-nous toujours dans l’oraison jusqu’au néant; et dans nos répétitions d’oraison, disons humblement nos pensées; s’il s’en présente quelques-unes qui nous semblent belles, défions-nous beaucoup de nous-mêmes, et craignons que ce ne soit l’esprit de superbe qui les produise, ou le diable qui les inspire: c’est pourquoi nous devons toujours nous humilier profondément quand ces belles pensées nous viennent, soit en faisant oraison, soit en prêchant, soit dans la conversation avec les autres. Hélas ! le Fils de Dieu pouvait ravir tous les hommes par son éloquence toute divine, et il ne l’a pas voulu faire; mais au contraire, en enseignant les vérités de son Évangile, il s’est toujours servi des expressions et paroles communes et familières; il a toujours aimé d’être plutôt avili et méprisé que loué ou estimé. Voyons donc, mes Frères, comment nous le pourrons imiter; et pour cela retranchons ces pensées de superbe dans l’oraison et ailleurs; suivons en tout les traces de l’humilité de Jésus-Christ; usons de paroles simples, communes et familières; quand Dieu le permettra ainsi, soyons bien aises qu’on ne tienne pas compte de ce que nous dirons, qu’on nous méprise, qu’on se moque de nous; et tenons pour certain que, sans une véritable et sincère humilité, il nous est impossible de profiter ni à nous, ni aux autres. »

Quelqu’un de la communauté rapportant un jour son oraison, et ayant dit qu’il avait douté s’il devait prendre des résolutions, à cause de son infidélité à les mettre en pratique, M. Vincent prenant la parole, et s’adressant à tous ceux qui étaient présents, leur dit: «Pour avoir été infidèle à exécuter ses résolutions, il ne faut pas désister d’en prendre de nouvelles en toutes ses oraisons; de même qu’encore qu’il ne paraisse point de profit de la nourriture qu’on prend, on ne laisse pas pour cela de manger; car c’est une des plus importantes parties, et même la plus importante de l’oraison, de faire de bonnes résolutions; et c’est à cela particulièrement qu’il faut s’arrêter, et non pas tant au raisonnement et au discours; le principal fruit de l’oraison consiste à se bien résoudre, mais à se résoudre fortement, à bien fonder ses résolutions, s’en bien convaincre, se bien préparer à les exécuter, et prévoir les obstacles pour les surmonter: ce n’est pas néanmoins encore tout, car enfin nos résolutions ne sont d’elles-mêmes que des actions physiques et morales; et quoique nous fassions bien de les former en notre cœur et de nous y affermir, nous devons néanmoins reconnaître que ce qu’elles ont de bon, leurs pratiques et leurs effets dépendent absolument de Dieu. Et d’où pensez-vous que provient le plus souvent que nous manquons à nos résolutions ? c’est que nous nous y fions trop; nous nous assurons sur nos bons désirs, nous nous appuyons sur nos propres forces, et cela est cause que nous n’en tirons aucun fruit. C’est pourquoi, après que nous avons pris quelques résolutions en l’oraison, il faut beaucoup prier Dieu et invoquer instamment sa grâce avec une grande défiance de nous-mêmes, afin qu’il lui plaise nous communiquer les grâces nécessaires pour faire fructifier ces résolutions; et quoiqu’après cela nous venions encore à y manquer, non seulement une ou deux fois, mais en plusieurs rencontres et pendant un long temps, quand bien même nous n’en aurions pas mis une seule en exécution, il ne faut jamais laisser pour cela de les renouveler, et de recourir à la miséricorde de Dieu et implorer les secours de sa grâce. Les fautes passées doivent bien nous humilier, mais non pas nous faire perdre courage; et en quelque faute que l’on tombe, il ne faut pour cela rien diminuer de la confiance que Dieu veut que nous ayons en lui, mais prendre toujours une nouvelle résolution de s’en relever et de se garder d’y retomber, moyennant le secours de sa grâce que nous lui devons demander. Quoique les médecins ne voient aucun effet des remèdes qu’ils donnent à un malade, ils ne laissent pas pour cela de les continuer et réitérer, jusqu’à ce qu’ils y reconnaissent quelque espérance de vie. Si donc l’on continue ainsi d’appliquer des remèdes pour les maladies du corps, quoique longues et extrêmes, encore qu’on n’y voie aucun amendement, à plus forte raison doit-on faire la même chose pour les infirmités de nos âmes, dans lesquelles, quand il plaît à Dieu, la grâce opère de très grandes merveilles.»

En une autre rencontre M. Vincent ayant pris sujet de parler, sur ce qu’un des Frères de la Compagnie suivait toujours tout simplement une même manière de faire son oraison, divisant le sujet en certains points: «Mon Frère, lui dit-il, vous avez bien fait de diviser votre oraison; néanmoins, lorsqu’on prend quelque mystère pour sujet de la méditation, il n’est pas nécessaire, ni expédient de s’arrêter a une vertu particulière, et de faire votre division ordinaire sur le sujet de cette vertu; mais il est plus à propos d’envisager l’histoire du mystère, et de faire attention à toutes ses circonstances, n’y en ayant aucune, si petite et si commune qu’elle puisse être, dans laquelle il n’y ait de grands trésors cachés, si nous savons bien les y chercher. Je le reconnus dernièrement dans une conférence de ces Messieurs qui s’assemblent céans: ils avaient pour sujet de leur entretien ce qu’il fallait faire pour employer saintement le temps du carême. C’était un sujet fort commun, dont ils avaient coutume de traiter tous les ans; et cependant on dit de si bonnes choses, que tous les assistants en furent grandement touchés, et moi particulièrement; et je puis dire en vérité que je n’ai point vu de conférence plus dévote que celle-là, ni qui eut fait plus d’impression sur les esprits; car bien qu’ils eussent plusieurs fois parlé du même sujet, il semblait que ce n’étaient plus les mêmes personnes qui parlaient: Dieu leur avait inspiré dans l’oraison tout un autre langage. Voilà, mes Frères, comme Dieu cache des trésors dans ces choses qui semblent si communes, et dans les moindres circonstances des vérités et des mystères de notre religion: ce sont comme de petits grains de sénevé, qui produisent de grands arbres, quand il plaît à Notre-Seigneur y répandre sa bénédiction.»

Dans une autre occasion parlant sur le même sujet de l’oraison: «Quelques-uns, dit-il, ont de belles pensées et de bons sentiments, mais ils ne se les appliquent pas à eux-mêmes, et ne font pas assez de réflexions sur leur état intérieur; et néanmoins on a souvent recommande que, lorsque Dieu communique quelques lumières ou quelques bons mouvements dans l’oraison, il les faut toujours faire servir à ses besoins particuliers; il faut considérer ses propres défauts, les confesser et reconnaître devant Dieu, et quelquefois même s’en accuser devant la Compagnie, pour s’en humilier et confondre davantage, et prendre une forte résolution de s’en corriger: ce qui ne se fait jamais sans quelque profit. Pendant qu’on répétait l’oraison, je pensais en moi-même d’où pouvait provenir que quelques-uns fissent si peu de progrès en ce saint exercice de la méditation; il y a sujet de craindre que la cause de ce mal ne soit qu’ils ne s’exercent pas assez en la mortification, et qu’ils donnent trop de liberté à leurs sens. Qu’on lise ce que les plus habiles maîtres de la vie spirituelle ont laissé par écrit touchant l’oraison: on verra que tous unanimement ont tenu que la pratique de la mortification était absolument nécessaire pour bien faire ses oraisons, et que, pour s’y bien disposer, il faut non seulement mortifier ses yeux, sa langue, ses oreilles et ses autres sens extérieurs, mais aussi les facultés de son âme, l’entendement, la mémoire et la volonté; par ce moyen, la mortification disposera à bien faire l’oraison, et réciproquement l’oraison aidera à bien pratiquer la mortification.»

Un des Frères de la Compagnie s’étant un jour mis à genoux devant les autres, pour demander pardon de ce que depuis quelque temps il ne faisait rien à l’oraison, et même qu’il avait peine de s’y appliquer: «Mon Frère, lui dit M. Vincent, Dieu permet quelquefois qu’on perde le goût qu’on ressentait, et l’attrait qu’on avait pour l’oraison, et même qu’on s’y déplaise. Mais c’est ordinairement un exercice qu’il nous envoie, et une épreuve qu’il veut faire de nous, pour laquelle il ne faut pas se désoler, ni se laisser aller au découragement: il y a de bonnes âmes qui sont quelquefois traitées de la sorte comme plusieurs saints l’ont aussi été. Oui, je connais plusieurs personnes fort vertueuses, qui n’ont que des dégoûts et des sécheresses en l’oraison; mais comme elles sont bien fidèles à Dieu, elles en font un très bon usage, ce qui ne contribue pas peu pour leur avancement en la vertu. Il est vrai quel quand ces dégoûts et sécheresses arrivent à ceux qui commencent à s’adonner à l’oraison, il y a quelquefois sujet de craindre que cela ne provienne de quelque négligence de leur part; et c’est à quoi, mon Frère, vous devez faire attention.»

Ensuite de cela, lui ayant demandé s’il n’avait point mal à la tête, et ce Frère ayant tout simplement répondu que oui, pour avoir voulu en sa dernière retraite se rendre les choses sensibles en l’oraison: «Il ne faut pas, mon Frère lui répliqua-t-il, agir de la sorte, ni s’efforcer de se rendre sensible en l’oraison ce qui ne l’est pas de sa nature: car c’est l’amour-propre qui se recherche en cela. Nous devons agir par esprit de foi dans l’oraison, et considérer les mystères et les vertus que nous méditons dans cet esprit de foi, doucement, humblement, sans faire effort sur l’imagination, et appliquer plutôt la volonté pour les affections et résolutions, que l’entendement pour les connaissances. »

Un autre Frère, répétant son oraison, se plaignait qu’il n’avait point d’esprit pour bien faire cette action; des facultés de son âme, il n’en l’avait qu’une dont il pût se servir, qui était la volonté, laquelle commençait, dès la seule proposition du sujet et sans user d’aucun raisonnement, à produire ses affections, tantôt remerciant Dieu, tantôt lui demandant miséricorde, et s’excitant à la confusion et au regret de ses péchés, ou bien le suppliant de lui donner quelque grâce pour imiter Notre-Seigneur en quelque vertu, et ensuite prenant quelques résolutions, etc. « Tenez-vous là, mon Frère, lui dit M. Vincent, et ne vous mettez pas en peine des applications de l’entendement, qui ne se font que pour exciter la volonté, puisque la vôtre, sans ces considérations, se porte ainsi aux affections et aux résolutions de pratiquer la vertu: Dieu vous fasse la grâce de continuer de la sorte, et de vous rendre de plus en plus fidèle à toutes ses volontés. »

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