Section III : Diverses missions faites par les ecclésiastiques de la même compagnie en quelques hôpitaux et autres lieux de la ville de Paris
Comme entre tous les emplois auxquels les ecclésiastiques puissent s’appliquer, les missions ont toujours été estimées des plus utiles et avantageuses au salut des âmes: aussi M. Vincent écoutait volontiers les offres que messieurs de cette Compagnie lui faisaient d’y aller travailler, selon qu’il le.jugerait expédient:.et à cet effet, plusieurs d’entre eux, avec son agrément, se joignaient aux Prêtres de sa Congrégation pour les aider dans leurs missions. De plus, quelques-uns ont même été souvent députés par leur Compagnie pour faire de leur chef plusieurs autres missions en divers diocèses, avec la permission et approbation de MM. les évêques; et particulièrement dans les plus grosses villes, où les prêtres de la Congrégation de la Mission ne vont pas; leur humilité les ayant portés à se réserver entièrement pour les pauvres lieux de la campagnie, comme nous avons dit ailleurs. Et il a plu à Dieu donner de telles bénédictions à ces missions, qu’on y a vu souvent des conversions qui ont donné autant d’étonnement que d’édification, par les restitutions, les réconciliations et autres effets extraordinaires qui s’en sont suivis.
Mais outre ces missions, auxquelles ils se sont appliqués depuis trente ans en quantité de villes et autres lieux de ce royaume, ils en ont fait d’autres non moins profitables dans la ville de Paris.
Avant que l’Hôpital général eût donné retraite aux pauvres mendiants, ils en ont assemblé plusieurs fois un bon nombre, auxquels en distribuant quelques aumônes, ils faisaient les instructions nécessaires pour les disposer à faire de bonnes confessions, et à mener une vie plus chrétienne que par le passé. Ils réussirent particulièrement avec grande bénédiction en la mission qu’on fit aux pauvres Lorrains réfugiés à Paris, et dont il a été parlé au premier livre.
Ils en ont fait aussi aux soldats du régiment des gardes du roi, qu’ils faisaient assembler en lieux propre, avec l’agrément de leurs capitaines. Ils en ont fait encore en divers temps, en plusieurs grands et nombreux ateliers de la même ville de Paris, aux maçons et manœuvres qui y travaillaient; ce qui a toujours réussi avec fruit pour le bien spirituel de ces bonnes gens, qui, pour la plupart, n’assistaient guère aux instructions et catéchismes de leurs paroisses, et passaient leur vie dans une grande négligence des choses du salut. Et pour ne les point détourner de leurs ouvrages, l’on prenait les heures de leur relâche pour les instruire, et pour les disposer à faire de bonnes confessions générales.
Ils ont fait diverses missions en plusieurs hôpitaux de la même ville de Paris. Ils commencèrent dès l’année 1633 à faire mission dans l’hôpital des Quinze-Vingts, tant aux pauvres aveugles et à leur familles, qu’au peuple de la ville qui voulut y prendre part. Ils ont fait de plus quantité de missions à diverses fois aux pauvres de l’hôpital de la Pitié et du Refuge. qui étant un lieu de retraite forcéee aux femmes et filles qui se trouvaient dans le désordre, il avait un particulier besoin d’être assisté pour le spirituel; c’était le principal motif pour lequel M. Vincent, qui avait grande compassion de ces pauvres misérables créatures, portait volontiers les ecclésiastiques de cette Compagnie, non seulement à leur faire des missions de temps en temps, mais encore à les visiter les dimanches et fêtes pour leur administrer les sacrements et leur prêcher la parole de Dieu, avec la permission et approbation de Mgr l’archevêque.
Ils ont fait aussi une mission à l’hôpital des Petites-Maisons, dans lequel, outre les pauvres aliénés d‘esprit auxquels la mission ne pouvait profiter, il se trouve quantité de pauvres familles avec lesquelles plusieurs habitants du faubourg prirent part aux instructions qui se firent. Ce fut en cette mission que l’on composa et rédigea l’Exercice du chrétien, en une feuille, d’une manière fort succincte et familière, afin que les plus simples et les plus ignorants le pussent mieux entendre et pratiquer. Et il a plu à Dieu y donner une telle bénédiction, que l’on en a depuis distribué dans toute la France et ailleurs jusqu’à des millions, en peu de temps, avec un fruit incroyable parmi les pauvres et autres personnes de toute sorte de condition.
Ils ont l’ait plusieurs missions à l’hôpital des galériens à la Tournelle. C’est le lieu où ces pauvres criminels sont conduits et gardés jusqu’au temps qu’on les mène aux galères: et comme leurs besoins spirituels sont pour lors extrêmes, aussi les instructions et assistances charitables qu’ils ont reçues de temps en temps de ces messieurs leur ont été de très grand profit.
Ils se sont encore employés en tout temps à rendre diverses assistances spirituelles aux pauvres malades de l’Hôtel-Dieu de Paris: car une des principales résolutions de leur Compagnie est de procurer le bien spirituel des pauvres, et cela ne se pouvant exécuter avec plus de fruit que dans l’Hôtel-Dieu de Paris, où il y en a un très grand nombre, il fut premièrement résolu entre eux d’y aller tous en corps,pour porter et disposer les pauvres malades à faire des confessions générales; ensuite ils députèrent de temps en temps quelques-uns d’entre eux, pour y aller tous les jours, et continuer cette même charité; et tous les vendredis il y a eu toujours quelques-uns de cette Compagnie qui ont été employés pour y faire des exhortations et des catéchismes aux convalescents. Enfin, ces messieurs, de l’avis de M. Vincent et par concert avec lui, y firent une mission entière en l’année I639, selon le désir qu’en avaient témoigné les supérieurs, tant pour les malades, officiers et serviteurs, que même pour les religieuses de cet hôpital, auxquelles ils faisaient des conférences spirituelles trois fois la semaine.
Enfin les pauvres mendiants furent renfermés dans l’Hôpital général, et le premier recteur de cet hôpital ayant été tiré de cette Compagnie, comme l’intention de tous ceux qui ont contribué à ce grand œuvre, et particulièrement de messieurs les administrateurs et directeurs nommés par le roi, était non seulement de pourvoir à la mendicité et de retrancher tous les désordres qu’elle produisait, mais aussi de procurer le bien spirituel des pauvres qu’on enfermait, et de travailler efficacement à leur salut, il fut jugé expédient et même nécessaire dès le commencement de cet établissement de faire des missions dans toutes les maisons de cet hôpital: à quoi messieurs les ecclésiastiques de cette Compagnie s’employèrent avec un très grand zèle, et un succès plein de bénédiction. Et comme il entre tous les jours de nouveaux pauvres dans cet hôpital, et qu’il en sort aussi plusieurs, on y a souvent réitéré les missions; Et outre les les assistances presque continuelles que les ecclésiastiques de cette Compagnie rendent pendant le cours de l’année dans toutes les maisons de cet hôpital, y allant ordinairement les dimanches et fêtes pour prêcher et confesser, et en d’autres occasions, auxquelles ils ont été conviés par celui qui a succédé au premier recteur, lequel a aussi été tiré de la même Compagnie, il ne s’est guère passé d’années qu’ils n’y aient fait quelque mission, selon que le recteur l’a jugé expédient pour le plus grand bien des pauvres.