Services rendus par M. Vincent au feu roi Louis XIII, de glorieuse mémoire, en sa dernière maladie, pour le bien spirituel de son âme.
Quoique la dignité des rois les élevé au-dessus de la condition des autres hommes, jusqu’à un tel point que l’Écriture sainte les appelle des dieux, en tant qu’ils sont les lieutenants et les vivantes images de Dieu sur la terre: cette même Ecriture néanmoins, après leur avoir donné un titre si sublime et si glorieux, les avertit au même endroit qu’ils ne doivent pas oublier qu’ils sont hommes, et par conséquent obligés de payer le commun tribut de la nature et de mourir comme les autres hommes
Cette loi est indispensable, et comprend aussi bien les plus sages et les plus vertueux princes, que les autres qui ne sont pas tels: avec cette différence toutefois, que la mort est aux bons rois, comme l’Église le déclare, un heureux échange d’une souveraineté temporelle et terrestre, en un royaume céleste et éternel: et aux autres tout au contraire, elle est le terme de leurs vices, aussi bien que de leur vie, et le commencement de la punition que la puissance de Dieu leur en fera ressentir.
Si les vertus et qualités toutes royales de Louis XIII, de très glorieuse mémoire, l’ont fait reconnaître pendant sa vie pour l’un des plus grands monarques de la terre, sa piété s’est particulièrement signalée au temps de sa mort. Ce n’est pas ici le lieu de rapporter tout ce que ce prince vraiment très chrétien a fait et dit pendant sa dernière maladie; par où il a donne à connaître combien son cœur royal était détaché des choses de la terre, et quel était son zèle pour procurer la conversion des hérétiques et des pécheurs, et pour faire, autant qu’il était en lui, que Dieu fut de plus en plus connu, honoré, servi et glorifié, en tous les lieux de son obéissance. Il suffira de remarquer ici, que ce bon roi, ayant ouï parler de la vertu et sainteté de vie de M. Vincent, et de tous ses emplois charitables pour le bien spirituel de ses sujets, lui demanda de le venir trouver à Saint-Germain en Laye, au commencement de sa dernière maladie, pour être assisté en cet état de ses bons et salutaires avis, et pour lui communiquer aussi quelques desseins de piété qu’il méditait, particulièrement pour procurer la conversion des hérétiques de la ville de Sedan. Le premier compliment que M. Vincent fit de premier abord à Sa Majesté, fut de lui dire ces paroles du Sage. Sire, timenti Deum, bene erit in extremis; à quoi Sa Majesté, toute remplie des sentiments de sa piété ordinaire, qui lui avait fait lire et méditer souvent ces belles sentences de l’Ecriture, répondit en achevant le verset, et in die defunctionis suœ benedicetur.
Et un autre jour, comme ce saint homme entretenait Sa Majesté du bon usage des grâces de Dieu; ce grand roi faisant réflexion sur tous les dons qu’il avait reçus de Dieu, et considérant l’éminence de sa dignité royale, à laquelle sa providence l’avait élevé, les grands droits qui y sont annexés, et particulièrement celui de nommer aux évêchés et prélatures de son royaume.
O Monsieur Vincent ! lui dit-il, si je retournais en santé, les évêques seraient trois ans chez vous; voulant dire qu’il obligerait ceux qui seraient nommés aux évêchés de se disposer à s’acquitter de leurs charges, par la fréquentation des lieux et des personnes qui pourraient leur être utiles à cette fin. En quoi ce grand prince rendit un témoignage signalé des sentiments qu’il avait touchant l’importance de la charge épiscopale, à laquelle il jugeait qu’il fallait se bien disposer; et de l’estime qu’il faisait tant de l’Institut de M. Vincent, que des moyens qu’il employait pour le bien spirituel des ecclésiastiques, les jugeant très propres et très convenables pour préparer les mêmes ecclésiastiques, à soutenir avec honneur et mérite la charge très pesante de ces grandes dignités .
M. Vincent demeura cette première fois environ huit jours à Saint-Germain, où il eut plusieurs fois l’honneur d’approcher le roi, et de l’entretenir des paroles de salut et de vie éternelle; à quoi Sa Majesté témoignait prendre une particulière satisfaction.
Enfin la maladie du roi s’augmentant de plus en plus, et surmontant tous les remèdes, ce prince très chrétien voyant que Dieu voulait le retirer de ce monde, manda derechef M. Vincent pour l’assister en ce dernier passage. Il retourna donc à Saint-Germain, et se rendit auprès de Sa Majesté trois jours avant son décès: où étant, il demeura presque toujours en sa présence, pour lui aider à élever son esprit et son cœur à Dieu, et à former intérieurement des actes de religion et des autres vertus propres pour se bien disposer à ce dernier moment, duquel dépend l’éternité.
Ce grand prince ayant ainsi fini sa vie par une mort très chrétienne, qui arriva le 14 mai de l’année 1643, et M. Vincent voyant la reine dans les saisissements d’une extrême douleur, et hors d’état de recevoir aucune consolation de la part des hommes, s’en revint aussitôt à Saint-Lazare, afin de faire prier Dieu pour Leurs Majestés; bien affligé d’un côté, de la perte d’un prince si juste et si pieux, mais. d’autre part, consolé des dispositions très bonnes dans lesquelles il l’avait vu mourir: étant mort très chrétiennement, après avoir vécu comme un prince très chrétien. Le lendemain, il fit faire un service solennel dans l’église de Saint-Lazare, et offrir le saint sacrifice de la messe par tous les prêtres de la maison pour le repos de son âme.