Jesus missionnaire (III)

Francisco Javier Fernández ChentoFormation VincentienneLeave a Comment

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Author: Antoine Douaihy .
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C. L’Esprit de l’evangelisation

christ_and_the_poorDans une lettre à M. Alméras à Rome, Saint Vincent semblait relativiser le fait que d’autres compagnies portent le nom de «Congrégation de la Mission» ou de «missionnaires». Et il concluait :

«Il vaut mieux commettre cela à Dieu et tâcher de nous distinguer des autres seulement par une grande soumission et déférence et par l’usage des vertus qui font un vrai missionnaire» (SV. IV, 57).

Ce qui distingue le Lazariste des autres missionnaires qui font les mêmes oeuvres que lui, c’est une certaine manière de les faire, un style particulier – et le style c’est l’homme – une certaine façon d’agir et de se comporter. Ce style spécifique, cet «homo vincentianus» est celui qui se caractérise par ce que Saint Vincent appelle «les facultés de l’âme» de la Compagnie qu’il a fondée et de chacun de ses membres. Ce sont : la Simplicité, l’Humilité, la Douceur, le Zèle et la Mortification.

Une vertu c’est une force, une puissance qui agit ; dans l’homme, c’est une manière d’être acquise et durable, explique Aristote. C’est l’effort que fait l’homme pour se bien conduire. Car le bien n’est pas à contempler, mais à faire.

C’est pour cela que Saint Vincent a transformé nos cinq vertus d’ascétiques en missionnaires. C’est-à-dire qu’il les a voulues comme l’expression EXISTENTIELLE de l’Esprit de Jésus Christ dont le missionnaire doit se revêtir. Autrement dit, comme Jésus Christ a agi selon ces cinq vertus, ainsi doit agir le missionnaire :

«Enfermons-nous dans ces cinq vertus, comme les limaçons dans leur coquille… Avec cela nous irons partout, nous viendrons à bout de tout ; sans cela, nous ne serons que des missionnaires en peinture» (SV. XII, 322).

Je passerai en revue ces cinq vertus m’attardant davantage sur leur aspect actuel que sur celui que Saint Vincent leur avait donné, surtout dans son explication des Règles Communes (Voir surtout : XII, 114ss ; 167ss ; 182ss ; 195ss ; 211ss ; 273ss ; 298ss ; 311ss).

1. La Simplicité

Avec l’humilité, la simplicité est la vertu vincentienne par excellence. C’est celle que Saint Vincent affectionne au point de l’appeler son « évangile » : «J’ai une particulière dévotion à dire les choses comme elles sont», dit-il à ses Filles. Tout gascon qu’il soit, c’est celle qu’il pratique – non sans risque – et qu’il cultive – non sans quelque progrès. Dans une lettre à M. du Coudray, il se défend de dire autre chose que ce qu’il pense :

«Jésus, mon Dieu ! Serais-je réduit à ce malheur qu’il me fallût faire ou dire quelque chose à votre égard contre la simplicité ! Oh ! Dieu m’en garde, Monsieur, et à l’égard de qui que ce soit ! C’est la vertu que j’aime le plus et à laquelle je fais plus d’attention dans mes actions, si me semble ; et, s’il m’est loisible de le dire, je dirai que cela se fait avec quelque progrès, par la miséricorde de Dieu» (SV. I, 284).

La simplicité, est son « évangile » parce que c’est elle qui rapproche le plus des vrais pauvres qui, eux, sont simples et premiers destinataires de l’Évangile ; celle qui rapproche Dieu de nous et celle qui nous rappelle que Dieu aime les simples (SV. XII, 171). La simplicité est comme la mère de toutes les vertus vincentiennes de telle sorte qu’on pourrait se poser la question si on ne pourrait pas réduire les quatre autres vertus à celle de la simplicité, vécues chacune dans son propre champ d’application.

On pourrait réduire la vertu de simplicité à trois attitudes fondamentales :

  1. Dire ce qu’on pense
  2. Faire comme on dit
  3. Devenir ce qu’on est

a) Dire ce qu’on pense

Ce n’est pas la haine qui est le plus grand péché contre la charité. Mais c’est bien le mensonge. Celui-ci, en effet, dénie à l’autre, l’être même ; alors que la haine le fait plutôt exister comme son objet.

1. Dire ce qu’on pense c’est, d’abord, éviter le mensonge, cet acte conscient, libre, démoniaque, diviseur et destructeur (Jean 8,44 ; Genèse 3,4-5)

2. Dire ce qu’on pense c’est, ensuite, éviter l’hypocrisie et l’affectation sous toutes ses formes et dans tous les domaines : la prédication, la tenue, la science, les affaires… Car, conclut Saint Vincent :

«L’on ne croit point un homme pour être bien savant, mais pour ce que nous l’estimons bon et l’aimons… Faisons ce que nous voudrons ; l’on ne croira jamais en nous, si nous ne témoignons de l’amour et de la compassion à ceux que nous voulons qu’ils croient en nous» (SV. I, 295).

3. Dire ce qu’on pense, c’est avoir un jugement droit, du bon sens. C’est être neuf à tout instant pour coller au réel et l’accueillir dans sa simplicité originelle. C’est choisir d’aller au plus simple dans notre raisonnement : Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple, long quand on peut faire bref, obscur quand on peut faire clair ?

L’intelligence n’est-elle pas l’art de ramener du complexe au simple ? Ou bien on veut faire obscur parce que l’obscurité protège de la critique et provoque l’admiration des naïfs ?

«Quand on prend la simplicité pour une vertu particulière et proprement dite, dit Saint Vincent aux missionnaires, elle comprend non seulement la pureté et la vérité, mais encore une propriété qu’elle a d’éloigner de nos paroles et actions, toute tromperie, ruse et duplicité» (SV. XII, 172)

4. Dire ce qu’on pense, c’est éviter la duplicité, le double langage :

«Si nous parlons, il faut que ce ne soit jamais à double entente» (SV. XII, 174).

«Le monde surnage de duplicité. À peine voit-on aujourd’hui un homme qui parle comme il pense ; le siècle est tellement corrompu qu’on ne voit partout qu’artifice et déguisement ; cela passe même – le dirai- je ? – cela passe la grille… La duplicité c’est la peste du missionnaire ; la duplicité lui ôte son esprit ; c’est le venin et le poison de la Mission, que de n’être point sincère et simple aux yeux de Dieu et des hommes. (SV. XII, 303). Car l’âme du mensonge c’est la mauvaise foi, c’est-à-dire le contraire de la pureté d’intention» (cf. SV. XII, 172).

b) Faire comme on dit (Engagement)

  1. C’est éviter ce que beaucoup de nos jours reprochent à l’Église – et donc à nous – la dichotomie entre ce que nous prêchons et ce que nous vivons. Cette aberration est déjà sévèrement stigmatisée par Jésus (Matthieu 23).
  2. La simplicité est ainsi l’oubli de soi, l’anti-narcissisme, le contraire de la prétention et de la suffisance.

«Nous sommes si chétifs et misérables, dit Saint Vincent, que nous voulons avoir de l’honneur ! Et qu’est-ce que cela ? C’est une fumée qui est dans l’esprit, qui se dissipe en un instant. La plupart se moquent de nous, et cependant nous nous rendons idolâtres d’estime ; c’est être insensé, c’est être fou, c’est être comme ceux qui s’imaginent être papes, rois ; c’est une folie que cela, une pure rêverie» (SV. XII, 318).

c) Devenir ce qu’on est

Cet aspect rejoint quelque peu le précédent. Mais il insiste davantage sur la fidélité à son projet fondamental de vie, à sa propre vérité :

«On voit beaucoup de gens, remarque Fénelon, (cité par André Compte-Sponville dans son ‘Petit Traité des Grandes vertus, p. 204) qui sont sincères sans être simples : ils ne disent rien qu’ils ne croient vrai, ils ne veulent passer pour ce qu’ils sont, mais ils craignent sans cesse de passer pour ce qu’ils ne sont pas ; ils sont toujours à s’étudier eux-mêmes, à compasser (mesurer avec un compas) toutes leurs paroles et toutes leurs pensées, et à repasser tout ce qu’ils ont fait dans la crainte d’avoir trop fait ou trop dit… Ils ne sont point à leur aise avec les autres, et les autres ne sont pas à leur aise avec eux ; on n’y trouve rien d’aisé, rien de libre, rien d’ingénu, rien de naturel ; on aimerait mieux des gens moins réguliers et plus imparfaits, qui fussent moins composés. Voilà le goût des hommes, et celui de Dieu est de même : il veut des âmes qui ne soient point occupées d’elles».

«La simplicité est spontanéité, coïncidence immédiate à soi-même, désintéressement, détachement, dédain de prouver, de l’emporter, de paraître… La simplicité est la vertu des sages et la sagesse des saints»

La simplicité n’est cependant pas stupidité. Elle est plutôt discrétion et pudeur. Elle ne dit, elle ne fait rien qui puisse blesser l’amour. Elle est prudente, de cette prudence qui a nom délicatesse, sensibilité, tact et respect. Elle sait choisir ses dires, ses actions et le moment opportun de les accomplir.

«Son office (la prudence) est encore de faire ce qu’on fait, prudemment, sagement et pour un bon motif non seulement quant à la substance de l’action, mais en ses circonstances, en sorte que le prudent agit comme il faut, quand il faut, et pour la fin qu’il faut» (SV. XII, 175).

2. L’Humilité

Pour Saint Vincent l’humilité est «le mot du guet» de la Compagnie (XII, 206). Elle est la soeur aînée de la simplicité, et à la fois, la mère et la fille de la charité (SV. X, 530 : SV. XII, 273 – 274) et c’est elle qui «amène en l’âme toutes les autres vertus» (SV. XII, 206 ; 210) ; «et qui les garde» (SV. XI, 2).

L’homme moderne vit dans une angoisse endémique et est en quête de sens : il se prend réellement pour Prométhée. Fort de ses découvertes, il croit pouvoir dominer la matière, se rendre maître de la vie jusqu’en ses sources et devenir à lui- même sa propre raison d’être. Il reste, cependant, esclave de trois idoles dominantes : l’Avoir, le Pouvoir et le Savoir. Pris de vertige, il a perdu cette lucidité qui lui montrerait ses limites et lui ferait prendre conscience qu’il n’est pas dieu, et encore moins un dieu tout-puissant. Il a oublié qu’il n’est que créature, donc limité, fini, et à jamais dépendant d’un Autre.

À ce vertige, un antidote : l’humilité.

L’humilité est authenticité à l’égard de soi, des autres et du monde. De sorte que notre jugement est marqué par la vérité.

L’humilité est simplicité parce qu’elle s’enracine dans la lucidité sur soi et sur les autres et évite à l’homme le ridicule de se prendre pour ce qu’il n’est pas et ne sera jamais : un surhomme.

L’humilité est, enfin, miséricorde envers soi-même et envers les autres. Car on ne peut pardonner à l’autre ou lui demander pardon, sans nous être pardonnés nous-mêmes.

Bref, être humble consiste à accepter notre manque ontologique et s’ouvrir à l’Esprit pour qu’il nous remplisse de ce qu’il veut, quand il le veut et comme il le veut.

«L’humble qui ne s’adjuge rien, écrit Vladimir Jankélévitch, l’humble qui ne croit pas au bonheur comme à une chose due, reçoit les moindres bienfaits avec la reconnaissance infinie d’un coeur nu et puéril ; tout lui est chance merveilleuse, clémence inespérée, remise de peine et miraculeux pardon : il a plus que quiconque le sens du cadeau facultatif et du don gracieux, puisqu’il croit n’avoir rien mérité et ne s’arroge aucun droit» («Les vertus et l’amour» Volume 1, p. 397).

3. La Douceur

Dans sa conférence du 28 mars 1659 aux missionnaires, Saint Vincent donne à la douceur trois aspects :

Un aspect volontaire, viril et masculin, celui de réprimer les mouvements de l’amour-propre blessé ;

Un aspect accueil, bienveillant et féminin qui facilite la communication et rapproche les coeurs :

«IL faut quelqu’attrait et un visage qui plaît pour n’effaroucher personne» (SV. XII, 189) ;

Un aspect miséricorde et divin, celui du pardon :

«Ayant reçu déplaisir de quelqu’un, on passe outre, on n’en témoigne rien ; on détourne sa pensée du grief prétendu» (SV. XII, 191).

Je m’attarderai surtout sur son aspect accueil et c’est ce qui en fait surtout une vertu missionnaire. Comme son ami Mgr. de Genève, Saint Vincent pense qu’on attire plus de mouches avec une cuillerée de miel qu’avec un tonneau de vinaigre. Pour cela, il donne à la douceur le visage de l’amour affectif, ce en quoi elle est féminine :

«L’amour affectif, explique-t-il aux Filles de la Charité, procède du coeur… C’est la tendresse dans l’amour» (SV. IX, 475 ; 592).

Saint Vincent donne aussi à la douceur les traits de la cordialité :

«C’est une joie qu’on sent dans le coeur quand on voit une personne qu’on aime, et qu’on témoigne en second lieu par le visage ; car, quand une personne a de la joie au coeur, elle ne la saurait cacher ; vous la voyez bien sur son visage» (SV. X, 487).

La douceur est une vertu missionnaire dans la mesure où elle est «un courage sans violence, une force sans dureté et un amour sans colère». C’est la force de la tendresse maternelle qui apaise, rassure, tranquillise. C’est la confiance en acte. C’est pour cela que Matthieu met un lien entre la peine de l’homme et la douceur du Christ :

«Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et remettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes» (Matthieu 11,28-30).

Bref, la douceur c’est l’amour dans sa générosité et sa bienveillance effectives.

4. Le Zèle

«Si l’amour est un feu, le zèle en est la flamme» (SV. XII, 307).

Pour Saint Vincent, le zèle est ce que nous appellerions aujourd’hui le don de soi ou l’esprit missionnaire.

Avoir l’esprit missionnaire c’est d’abord sortir de sa coquille et élargir son regard aux dimensions de l’univers. Sinon on est des missionnaires de petite périphérie ou des «carcasses de S. Lazare» (SV. XI, 17).

«Notre vocation est d’aller, non en une paroisse, ni seulement en un évêché, mais par toute la terre ; et quoi faire ? Embraser le coeur des hommes, faire ce que le Fils de Dieu a fait, lui qui est venu mettre le feu au monde afin de l’enflammer de son amour» (SV. XII, 262).

C’est, ensuite, dans une dynamique centrifuge, ne jamais être satisfait de ce qu’on réalise, ni s’installer dans une confortable médiocrité. Saint Vincent ironise :

«On cherche l’ombre ; on ne voudrait pas sortir au soleil ; nous aimons si fort nos aises ! En mission du moins on est dans l’église à couvert des injures du temps, de l’ardeur du soleil, de la pluie, auxquelles ces pauvres gens sont exposés. Et nous crions à l’aide si l’on nous donne un tant soit peu plus d’occupation qu’à l’ordinaire. Ma chambre, mes livres, ma messe ! Est-ce là être missionnaire ?» (SV. XI, 201).

Saint Vincent voudrait plutôt que nous ayons le désir du martyre :

«Plaise à Dieu, Messieurs et mes frères, que tous ceux qui viennent pour être de la Compagnie, y viennent dans la pensée du martyre, dans le désir d’y souffrir le martyre et de se consacrer entièrement au service de Dieu, soit pour les pays éloignés, soit pour celui-ci, en quelque lieu que ce soit où il plaira à Dieu se servir de la pauvre petite Compagnie !» (SV. XI, 371).

C’est enfin, établir, en mission, une qualité de relation telle que l’Évangile se répande dans le respect des «Semences du Verbe» :

«Dès qu’on sort de soi, écrit le P. Congar, dès qu’on se donne à un bien qui nous dépasse, dès qu’il y a vraiment amour, il y a possibilité de rencontrer, sous les espèces d’un absolu, le Dieu caché qui veut nous attirer et nous sauver».

Se méfier, cependant, du zèle indiscret, à la façon des sectes : Témoin de Jéhovah.

Jean-Paul Il rappelle, enfin, dans «Redemptoris Missio» que le véritable zèle missionnaire est synonyme de sainteté :

«L’appel à la mission découle par nature de l’appel à la sainteté. Tout missionnaire n’est authentiquement missionnaire que s’il s’engage sur la voie de la sainteté» (n° 90).

5. La Mortification

De nos jours, ce mot n’a pas bonne presse. D’ailleurs il sonne faux à nos oreilles. Car se « mortifier » (se donner la mort) semble contraire à l’Évangile qui est «vie en surabondance» (Jean 10,10). De fait on ne doit tuer en nous et autour de nous que ce qui est intrinsèquement mauvais. Or il n’y a rien de vraiment mauvais ni en l’homme, ni dans la créature (Genèse 1,31). Mais tout est ambigu (GS, 13).

Cependant, cette ambiguïté n’est pas dans les choses, mais plutôt dans l’homme lui-même :

«Je le sais, écrit S. Paul, j’en suis convaincu par le Seigneur Jésus : rien n’est impur en soi. Mais une chose est impure pour celui qui la considère comme telle» (Romains 14,14). D’un autre côté, Jésus affirme : «La lampe de ton corps c’est Quand ton oeil est sain, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ; mais si ton oeil est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres» (Luc 11,34-35).

Au lieu de dire « mortification », nous dirions aujourd’hui plutôt « ascèse » (lutte, exercice, discipline de vie) ou « tempérance » :

«Un athlète est tempérant en tout», écrit S. Paul (1 Corinthiens 9,25).

L’ascèse est l’ensemble des efforts que l’homme s’impose afin de se débarrasser du vieil homme et garder la maîtrise de ses sens afin de rester disponible à l’action de la grâce en lui. Exemple : l’eau a plus d’énergie quand elle est comprimée.

Saint Vincent qui, selon le témoignage de son secrétaire, se donnait la discipline le matin à son lever et portait des chaînettes, conseillait la prudence dans l’utilisation d’une telle ascèse.

Pour lui, la mortification n’est pas un but en soi, mais une vertu qui doit rendre le missionnaire dans une égalité d’âme face aux efforts, aux privations, aux fatigues, aux emplois et aux exigences du travail missionnaire. Il veut des missionnaires libres et libérés, n’ayant aucune attache ni à eux-mêmes, ni à leur volonté, ni à leurs aises, ni aux choses (Luc 9,23) :

«Plaise à Dieu, dit-il aux missionnaires, de nous faire la grâce de nous rendre semblables à un bon vigneron qui porte un couteau en sa poche, avec lequel il coupe tout ce qu’il trouve de nuisible à sa vigne ! C’est ainsi que nous devons incessamment couper avec le couteau de la mortification les mauvaises productions de la nature gâtée… afin qu’elles n’empêchent Jésus Christ de nous faire fructifier abondamment dans la pratique des saintes vertus» (SV. XII, 225).

La mortification est aussi une forme de solidarité avec le pauvre et une participation effective à son style de vie :

«La mortification doit être inséparable d’un missionnaire, pour agir non seulement avec le pauvre peuple, mais aussi avec les exercitants, ordinands, forçats et esclaves. Car, si nous ne sommes mortifiés, comment souffrir ce qu’il y a à souffrir dans ces divers emplois ?» (SV. XII, 307).

La mortification est, enfin, indispensable pour une vie harmonieuse en communauté. C’est ce qu’il appelle le support :

«Où est-ce que l’on trouvera deux personnes qui se ressemblent des traits du visage, qui agissent l’une comme l’autre ? … Vous n’en trouverez pas… Ainsi tous ont besoin de cette vertu de support, tant pour se supporter eux-mêmes que pour supporter les autres» (SV. XII, 35).

C’est l’acceptation de la différence.

La mortification est l’art de se tellement simplifier qu’on peut se contenter de peu et du nécessaire, le reste demeurant le bien des pauvres.

Si la mortification n’a pas bonne presse aujourd’hui, ai-je dit, c’est parce que c’est une vertu difficile. Car, selon S. Thomas, elle porte sur les désirs les plus nécessaires à la vie de l’individu qu’il s’agit de contrôler, de régler et de maintenir en paix et en harmonie. C’est un travail à recommencer sans cesse.

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