Homélie pour la Fête de la Sainte Famille

Francisco Javier Fernández ChentoHomélies et réflexions, Année ALeave a Comment

CREDITS
Author: Patrice Sabater Pardo, cm · Year of first publication: 2013.
Estimated Reading Time:

« Lève-toi, Joseph et va !!! »

parole-dieu-parole-vie-2En ce dernier dimanche de l’année 2013, nous nous retrouvons au cœur de la Sainte Famille.

Rappelons-nous, il y a quelques jours c’était la fête à Bethléem. Chacun se félicitait de revoir parents et amis, et là-bas un peu plus loin, et toujours un peu plus bas au fond d’une grotte dans une mangeoire, un bébé vient d’ouvrir les yeux à la vie sorti de ce tabernacle que fut l’hymen de sa mère. Dieu nous fait la grâce de sa présence, enfant, vrai homme et vrai Dieu. Il a courbé son dos, s’est penché sur notre terre et, est venu partager notre existence. Ô combien je me rappelle encore des mots si beaux et si délicats de Sr Marie Keyrouz commentant une hymne de Noël ! Merci, ô Seigneur, d’être auprès de nous, avec nous, de partager notre vie !

Tout paraissait suivre un plan rondement bien mené. A défaut d’une auberge et d’un bon lit chaud une grotte avec une mangeoire et de la paille pour les animaux dont nous parlent les Evangiles apocryphes (un âne et un bœuf) ; et puis les bergers. Mais voilà qu’aujourd’hui sont présents dans cet endroit assez misérable – ah ! Il faut bien le dire !!! -, un endroit pauvre, avec des pauvres, pour des pauvres. Un lieu où viennent pourtant « des rois ». De ceux-là nous en parlerons une autre fois… Ils viennent adorer le Seigneur, et voilà que l’Ange omniprésent auprès de Marie, de Joseph est aussi à proximité de leur équipage. Tout le monde se sépare, d’un coup et d’un seul ! Les mages d’un côté, et la petite famille de l’autre. Joseph, averti en rêve, emmène Marie et le petit bébé si fragile encore en Egypte, loin du bras armé d’Hérode. Dans les siècles passés, Pharaon avait voulu mettre la main sur Moïse en tuant tous les enfants mâles en bas-âge, et voilà qu’aujourd’hui Joseph fait le chemin contraire pour qu’Hérode ne mette pas la main sur Jésus. Un drôle de raccourci : retourner en Egypte. Mais où ? Pour combien de temps ? Qui va les accueillir ? Joseph n’a pas le temps de tergiverser ni de chercher des excuses ou des renseignements. Il faut partir à la hâte comme les Hébreux, sans faire de bruit. Silence. On entend au loin les grincements de dents, les lames aiguisées, les hennissements des chevaux et le roulement des roues mal huilées de ces chars de malheur ! L’addition sera salée. La Basilique de Bethléem, dans la crypte, en porte la mémoire. Pourquoi donc Dieu a laissé par deux fois le bras vengeur de l’Homme s’abattre sur des innocents ? Dieu de malheur ! Dieu qui a soif du sang des pauvres sans défense, et qui laisse la souffrance et la guerre envahir notre monde… Le pensons-nous vraiment ? Dieu devrait-il toujours tout faire pour que l’Homme ne fasse rien ? Devrait-il arrêter la guerre en Syrie, les heurts en Egypte, les attentats en Irak et en Afghanistan, les exactions au Mali et en Centre Afrique, les viols ? Doit-il donner, sauver, panser, récompenser ? Et, nous qu’aurions-nous donc à faire ? Quelle responsabilité nous incomberait ? Pour quelle liberté ? Comme il serait facile d’attendre patiemment que TOUT vient de LUI, et rien – JAMAIS RIEN – de nous !!! Vous savez c’est un peu comme dans les familles. Maman par-ci et Maman par-là. Papa par-ci et Papa par-là… Maman « doit » ou Papa « faut que »… Et que dire encore dans les couples ? Et voilà, qu’à rien ne vaille, il faut partir !

Ce soir, je ne peux m’empêcher – en écrivant cette méditation – de penser à tous les exilés, à tous les migrants de la Terre, à ces centaines de milliers de réfugiés syriens, à ces pauvres diables « se collant » à proximité des réacteurs des avions ou des carlingues d’autocars, s’agglutinant dans des embarcations de fortune pour rejoindre les côtes européennes (quand ils y arrivent) à Lampedusa. D’autres encore, franchissant pour beaucoup (beaucoup trop) d’argent, collines et montagnes. Non, l’exil n’est jamais banal. Ne pas vivre chez soi et migrer ailleurs où l’on ne m’attend pas, ou peut-être je ne serais pas reçu ni apprécié à cause de mon physique et de ma langue, de mes habitudes et de mon accent, de ma religion et de mon faciès… Non ce n’est pas banal ! La Sainte Famille accepté ce défi et, a rejoint tous ceux qui sont sur les chemins, pauvres de tout.

Souvenons-nous de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale, quand des français se sont crus généreux de devoir faire du « marché noir » sur le dos d’une population affamée, inquiétée. D’autres encore, ont gagné pas mal d’argent en se faisant payer grassement pour un passage en Suisse, en Espagne ou en « Zone libre ». Aujourd’hui, c’est à peu près la même chose, non … ? Pour ces gens, la Vie n’est rien… La famille pas grand-chose, et les enfants alors, n’en parlons pas !!! Profiter de la misère humaine, de la tragédie dans une vie, du drame de toute une famille. Le Seigneur a été en exil avec le Peuple Hébreu à Babylone et en Egypte. Le Dieu de nos Pères a marché dans le désert, et s’est joint à chaque fois aux misères du monde. Il a envoyé des prophètes. Il a dit et a proclamé l’Evangile de la miséricorde, de l’Amour du Père, du Royaume des Cieux. Il a sauvé des vies, et a eu compassion des petits et des malades, des pauvres et des désespérés. Il marche avec nous le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Celui qui a permis à Moïse de sortir d’Egypte avec son Peuple avec qui il avait fait Alliance est le même, qui est en exil. Nous aussi, peut-être ce soir, sommes-nous dans cet exil intérieur au loin de nous-mêmes, très loin des autres tout en étant très près. Pour sortir de l’exil, il faut bien souvent très peu de chose(s). Sans doute, faut-il comme dans l’Evangile de ce jour, que quelqu’un me dise à moi-aussi : « Lève-toi ! ». Pierre et André avaient laissé les filets, Matthieu sa table de change et Zachée aussi. A la parole de Jésus Marie-Madeleine s’était levée, et la jeune fille aussi « Talitha Koum », et le paralytique… « Lève-toi et marche !!! ». « Lève-toi, va ta foi t’a sauvé ! ». Ici, encore c’est le même ordre dans la foi dite et dans la foi acceptée et assumée : « Lève-toi », et Joseph se leva pour l’Egypte. « Lève-toi », et à nouveau, Joseph le Juste et obéissant fils d’Israël, se leva pour ramener Jésus et la Vierge Marie en Israël, mais ce ne sera pas pour la Judée… Ils iront vivre simplement et humblement se cacher dans un endroit pauvre et désert loin de la route principale, la Via Maris ; et loin du Lac de Génésareth. L’Heure n’était pas encore venue. Dans l’attente, Jésus va grandir comme tous les enfants auprès de ses parents. Il va apprendre le métier de charpentier, et se préparer à être Celui qui va enseigner son Peuple, l’aimer, lui apprendre à aimer et à pardonner, à conduire son peuple à la Croix pour la Résurrection. Oui, de la Crèche à la Croix nous dira, dans l’effroi, d’Auschwitz Edith Stein ! Dans la nuit et dans les ténèbres du stalag, comme pour Saint Maximilien-Maria Kolbe, la lumière des Saints Innocents vient rejoindre celle de la Passion, de la Croix sur le Golgotha en attendant le lendemain de la Pâque du Seigneur.  Un seul mouvement et une seule foi ; et c’est ainsi que Jésus ne deviendra jamais « Jésus le béthléemite », mais bien « Jésus de Nazareth ». Un lieu où rien ne peut sortir de bien… Peut-être un jeune homme, un peu plus sage que les autres, moins tête-en-l’air, plus compatissant et très obéissant à ses parents, à la volonté de son Père et à la Torah. Jamais personne n’a rien dit de lui. Que de bonnes paroles ! On a commencé à chuchoter à son sujet dans la synagogue de Nazareth, et plus tard encore à capharnaüm ou dans le Temple. Un Saint de Dieu !!!

… Et demain, « que deviendra cet enfant ? ». « Que deviendra cet homme ? ». Seule sa Mère en portera silencieusement le secret en son cœur ; elle qui depuis l’Annonce de l’Ange a tout donné, et s’est elle-même donnée. Aujourd’hui, encore c’est au monde qu’elle offre « le Fruit de ses entrailles » auprès de Joseph le Bien-aimé. Elle nous le donne. Il encore si petit !!!

Joyeux Noël !!!
Père Patrice Sabater Pardo,
Barcelona, le 27 décembre 2013

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *