LXXVI. Affaires temporelles de la Congrégation
Depuis que nous avons fait mention en cette Histoire de l’élection de M. Bonnet au généralat, nous n’avons parlé que des fonctions spirituelles exercéespar les missionnaires sous son gouvernement. Il faut dire à présent quelque chose du temporel, dont la connaissance n’est pas à négliger pour ceux qui souhaitent bien savoir le progrès de l’institut. Les maisons n’y sont fondées que pour la subsistance d’un petit nombre des ouvriers nécessaires pour s’acquitter des fonctions pour lesquelles on les a appelés en divers endroits, sans que le chœur, les messes, les sermons, ou autres emplois y apportent aucun émolument, comme dans les autres communautés. Ces fonctions consistent ordinairement en quelques pensions ou bénéfices unis, dont le revenu fasse à peu près cent écus par an pour chaque prêtre, et moins pour les frères, ce qui doit ensuite fournir à la subsistance des ouvriers, tant en santé qu’en maladie, aux changements, voyages, frais communs, et autres dépenses indispensables à un corps composé de plusieurs communautés dispersées. La modicité de ce revenu a obligé les premiers supérieurs générauxet les supérieurs particuliers de veiller exactement à conserver le temporel, nécessaire d’ailleurs pour maintenir le bon ordre et la régularité parmi les sujets, lesquels n’ayant pas leur nécessaire, murmurent immanquablement, et se goûtent de l’observance de la règle.
Tout ce temporel allait assez son train sous le généralat de M. Watel, tant de la part de ceux qui devaient payer, que du côté des missionnaires, au soin desquels l’administration en était confiée. Il n’en fut pas tout à fait de même sous son successeur. La mort du roi Louis XIV mit du dérangement, et les dépenses superflues de quelques-uns avaient mis certaines maisons fort à l’étroit. M. Bonnet voulant pourvoir à cette conservation, donna l’ordre suivant aux maisons, à qui il écrivit, pour cet effet, du onze mars 1716 : Quoique nous ne soyons pas riches, mais au contraire pauvres dans toutes nos maisons, nous ne laissons pas de croire qu’il faut nous appliquer sérieusement à conserver le peu que Dieu nous a donné, et ne le pas dissiper par desprocès mal concertés ; et pour cela nous avons pris la résolution d’avoir ici, à Paris, un conseil de trois des plus célèbres avocats, avec lesquels nous consulterons une fois par mois céans, toutes nos affaires temporelles, celles des autres maisons et même celles des particuliers, afin de bien défendre les bonnes, accommoder les douteuses, et n’en entreprendre jamais de mauvaises. Ainsi, quand on voudra plaider, soit pour attaquer, soit pour défendre, il faudra, à moins qu’on ne soit bien pressé, envoyer un sommaire de l’affaire dressé par un procureur ou autre homme de métier, pour en délibérer avec ces messieurs, desquels on enverra ensuite l’avis. M. Vincent avait établi, de son temps, un semblable conseil, et ne faisait presque aucune affaire sans la lui communiquer. Les principales communautés de Paris en usent de même, et cela fait un bon effet dans les tribunaux où il faut plaider. Les juges voyant qu’on n’entreprend rien que par l’avis des plushabiles avocats. Ils sont mieux disposés à nous traiter favorablement ; au lieu que s’ils remarquaient qu’on plaide légèrement, ils seraient plus en garde et auraient plus lieu de se défier. Cela demande un peu plus d’assiduité et de diligence, on tâchera, de part et d’autre, à n’en pas manquer.
On voit que M. Bonnet, outre l’attention qu’il paraît avoir au temporel, voulait ramener toutes les pratiques usitées sous M. Vincent. Nonobstant cette manière d’agir du général à l’égard du temporel, on se plaignit qu’en certaines maisons, il y avait de la dissipation, jusqu’à engager les fonds par des emprunts, quelques-uns disaient même qu’à St.-Lazare, il s’était fait des dépenses à planter des arbres, &c. , qui n’avaient pas été de grande utilité. La mauvaise administration faisait crier ailleurs en certains endroits on fut accusé auprès des évêques, et même devant des tribunaux séculiers, de dissiper, et ne pas faire bon usage, du bien affecté pour le séminaire. M. Bonnet se vit obligé d’y remédieren écrivant une lettre circulaire à toutes les maisons sur ce sujet, en date de 18 mai 1719, où il représente que certains supérieurs disposaient du temporel de leur maison à leur gré, sans la participation d’aucun des officiers domestiques, et prétendaient même avoir de droit d’en disposer despotiquement, tout comme fait un père de famille, des biens qui lui sont propres. Ce qui avait jeté quelques maisons dans un très pauvre état, et l’avait embarrassé lui-même pour leur faire éviter la honte d’une banqueroute, leur conserver du crédit, et les faire subsister honorablement après ces représentations, il ajoutait que ce désordre venait souvent de ce que les supérieurs reçoivent l’argent de la maison, au lieu que cela appartient au procureur, selon les règles, soit de ce que l’ayant ainsi reçu, ils le gardaient chez eux dans leur chambre. Et c’est le procureur qui doit le garder dans un coffrebien fermé de deux différentes clés, dont l’une soit entre les mains du supérieur, et l’autre chez le procureur comme disent les mêmes règles, soit qu’ils disposent de cet argent à l’insu du procureur sans l’avis des consulteurs, et en font des dépenses inutiles, et quelque fois peu convenables à la frugalité, modestie, et pauvreté dont on fait profession. Ce que les règles des supérieurs défendent.
Le général veut qu’on remédie incessamment à cela, et que les supérieurs remettent au coffre-fort l’argent de la maison, n’en gardant qu’une clef ; que tout l’argent passe ainsi dans le coffre et n’en soit tiré que par le supérieur et le procureur ensemble, pour être employé aux besoins de la famille selon la règle, sans jamais disposer de rien de considérable, qu’après en avoir délibéré avec les consulteurs et obtenu la permission du visiteur ou du général, obéissant en ceci à sa règle ; que dans la consulte on ne conclue jamais qu’aux dépenses absolumentnécessaires ou évidemment utile au plus grand bien de la maison et, en cas que les supérieurs s’écartent de cette conduite, les officiers de la maison en écriront sans délai aux supérieurs majeurs, afin d’arrêter le désordre dans son principe, et empêcher que la mauvaise administration ne dégénère en une ruine entière du temporel et, par une suite nécessaire, du spirituel de leur maison. Les visiteurs, dans le cours de leurs visites, ne doivent pas se contenter de régler par manière d’acquit les livres de recettes, de dépenses, de mis et de tiré du coffre, mais examiner à fond en quel état sont les maisons pour le spirituel et le temporel, et s’informer exactement des dettes actives et passives, pour en envoyer l’état au général, suivant leur propre règle. Après tous ces moyens, continue M. Bonnet, qui dépendent des officiers, supérieurs et visiteurs, il en reste un plus efficace que tous les autres, entre les mains du général, c’est dene pas laisser en place des personnes propres à ruiner les familles qu’ils sont obligés d’édifier en toutes façons, et pour le spirituel et pour le temporel. On ne peut disconvenir que M. Bonnet n’eut très grande raison d’obliger ainsi tous les supérieurs à se conformer exactement aux règles des officiers, et qu’autrement c’est un sujet de tentation, même pour la fidélité, d’avoir seul en maniement et en sa disposition, le bien d’une communauté, tandis qu’il n’est pas permis à raison des vœux, de garder ou de disposer de son propre sans dépendance. Il radoucit un peu sa lettre sur la fin, laquelle paraît d’un style vigoureux : Je présume volontiers, que vous n’en n’avez pas besoin, mais comme le mal devint commun, il ne paraissait donc pas dans une seule maison, il ne faut pas attendre à y remédier, qu’il soit général, et toutefois irréparable. Il répéta le même avis en peu de mots :par sa lettre du 1er janvier 1719 : Quelques maisons, dit-il, se sont endettées, non seulement par le malheur des temps, mais encore par des emprunts notables pour des choses inutiles, et seulement par plaisir. Les supérieurs n’en feront pas, désormais, d’un peu considérables, soit par eux-mêmes, soit par leur procureur, ou tout à la fois ou successivement, sans auparavant nous en dire les raisons et obtenir notre permission, à quoi les visiteurs tiendront la main dans le cours de leurs visites.
Un autre accident, comme on dit ci-dessus, dérangea le temporel des maisons, savoir la mort du roi Louis XIV, que chacun sait avoir été, pendant toute sa vie, un protecteur déclaré de la Congrégation, qu’il aimait et estimait. Une grande partie des maisons avaient presque tout leur temporel en rente sur la ville de Paris, et elle avait toujours payé, excepté dans les dernières années de ce long règne, où les grands besoins de l’état obligèrent S[a] M[ajesté] à faire retarder les payements. Après la conclusion de la paix, le roi fit publier un édit, au mois de décembre 1713, portant érection, en principal, de ces rentes arréragées, réduction desdites rentes désormais au denier 24 et suppression même des deux cinquièmes du fonds, en cas que les contrats fussent nouveaux, ce qui commença à affliger les maisons de la Compagnie. Celle de St.-Lazare avait d’anciens privilèges pour le sel et les entrées de vin à Paris. La Congrégation avait pareillement dans toute l’étendue du royaume ses causes commises au Grand Conseil, auquel on évoquait toutes les affaires qui étaient suscitées en province. Cela ne faisait pas plaisir aux Parlements et à celui de Bretagne en particulier ; soit que quelques supérieurs des maisons de cette province n’eussent pas répondre honnêtementaux exploits qui lui étaient signifiés de la part du parlement, se souvint des anciennes brouilleries qu’on avait eues dans la maison de St.-Méen, à l’occasion des religieux de cette abbaye où d’autres Bénédictins ayant voulu rentrer dans la mense, avaient fait intervenir le Parlement pour en chasser les missionnaires, dont il y en avait eu quelques-uns uns d’emprisonnés, et on avait interposé l’autorité royale pour terminer cette affaire, et tirer d’autorité ceux qui étaient en prison après la mort du roi. Ces messieurs écrivirent fortement a S[on] A[ltesse] R[oyale] le duc d’Orléans, régent, pour faire casser ces committimus odieux aux cours du pays.
On suscita même à cette maison de St.-Méen des affaires très épineuses, et on y accusa les missionnaires de pas moins que d’avoir suborné des habitants pour se mettre en possession de la paroisse, corrompu des témoinspour appuyer ses intérêts, abusé de son ministère, dominer despotiquement sur le temporel et spirituel de la paroisse. Les procédures furent très irrégulières. La plupart de mission[nai]res de la maison, ayant été décrétés d’ajournement personnel, sans aucune information préalable, et 16 monitoires publiés, sans rien trouver qui chargea. Le parlement qui était piqué, ne laissa pas de condamner par arrêt aux dépens, épices, et retrait d’arrêt, et de donner d’autres arrêts flétrissants, M. Hamon1, supérieur de cette maison, en soutint vivement les intérêts ; étant allé à Paris par permission de M. Bonnet, il présenta la requête au Conseil privé du Roi pour la cassation desdits arrêts et faire nommer les calomniateurs. Elle fut admise, puis signifiée au procureur général du Parlement, et ces arrêts solennellement cassés. Cette cour fit bien autrement mortifiée dans cemême temps, car ayant tenté de publier un arrêt ensuite de ce qui s’était passé dans les états, où l’intention du roi pour le payement des droits, n’avait pas été agrée, pourtant défense sous peine de concussion de faire leur ancien dénier sans ordre exprès des états, onze conseillers furent exilés, qui d’un côté, qui d’un autre, le conseil privé du roi cassa l’arrêt, et fit signifier le sien, par un huissier de la reine, avec ordre d’assembler les chambres, biffer des registres desdits arrêts pour mettre en place celui du conseil, et le faire afficher aux portes de toutes les chambres et du greffe.
M. Bonnet ayant appris toutes ces plaintes qu’on faisait en province, marqua, dans une lettre en date du 1er janvier 1717, ce que lui avait représenté là-dessus Mgr le chancelier Voisin. Je dois vous avertir, dit-il, que quelques Parlements se sont adressés à Mgr le duc d’Orléans pour nous faire ôter ou réformer notre évocation au Grand Conseil, sous prétexte d’abus ou de trop grande étendue. Mr. le Chancelier, à qui la plainte a été envoyée, a eu la bonté de nous en avertir et j’ai promis à Sa Grandeur de ne nous en plus servir que dans les affaires d’importance et quand on ne pourrait pas faire autrement. Suivant quoi je vous prie, il parle aux supérieurs de toutes les maisons, de n’évoquer à l’avenir aucune cause sans notre permission, et de ne pas la demander pour des choses de peu de conséquence, mais seulement pour celles qui en valent la peine, accordant vos affaires à l’amiable, le plus que vous pourrez. Il fit pourtant si bien, qu’il obtînt des nouvelles lettres d’évocation, dont il informa la Compagnie le premier janvier 1719. Je vous envoie, dit-il, deux exemplaires de nos lettres d’évocation, qui nous avons fait renouveler, à l’exemple de la plupart des communautés de Paris. Et comme quelques parlements se sont plaints que par ces privilèges, il arrivait à quelques-unes de nos maisons d’intimider les pauvres parties, ou de les ruiner par de longs voyages à Paris. Mr. le chancelier Voisin, et puis son successeur, M. Dargenson, nous ont conseillés d’user de cette grâce fort sobrement, pour ne pas nous rendre à charge, et ne pas nous exposer aux suites de l’odiosité publique. Il renouvelle ce qu’il avait déjà recommandé aux supérieurs de ne point évoquer que des affaires considérables, avec la permission du général, et ajoute qu’afin que ce ménagement ne nuise pas à la Compagnie, M. Dargenson, gardedes Sceaux, lui avait obtenu de S[a] M[ajesté] de pouvoir appeler, des jugements où on serait lésé, au Grand Conseil, sans être obligé de poursuivre les parties victorieuses aux tribunaux supérieurs des lieux où ces parties auront été favorisées au préjudice de la Congrégation. C’était là jouir, en quelque manière, de la grâce entière de l’évocation, comme ci-devant la maison de St.-Lazare recouvra encore les premiers privilèges pour l’entrée du vin, &c.
Le général en donna avis à la Compagnie, le 26 9bre 1719, disant : S[on] A[ltesse] R[oyale] Régent du Royaume a eu la bonté de nous rendre notre privilège pour le sel et le vin ; M. Dargenson, garde des Sceaux, nous a beaucoup aidé à obtenir cette grâce ; il était, pour lors, en faveur auprès de Mgr le Régent après la disgrâce de M. le chancelier Daguesseau, et ancien ami de laCongrégation, qu’il avait honorée de sa protection, tandis qu’il a été lieutenant général de police de la ville de Paris.
On a pu remarquer ci-dessus que quand le Roi très chrétien mourut le 1er 7bre 1715, M. Bonnet, général de la Compagnie, était à Lyon, dans le cours de ses visites ; il devait encore aller de là à St.-Flour ; mais cette triste nouvelle l’obligea de se rendre en diligence à Paris. Et y étant arrivé, comme le roi Louis XV étant en minorité, il alla offrir ses respects à S[on] A[ltesse] R[oyale] Mgr le duc d’Orléans, régent, de qui il fut bien reçu, et ce prince eut la bonté de lui dire qu’il considérerait la Congrégation.
On se flatta d’abord que les rentes de la ville seraient mieux payées que ci-dessus. M. Dusaray2, encore pour lors procureur général de la Congrégation, l’écrivit ainsi aux maisons ; et, en effet, l’on commença bientôt à le faire. Toutefois l’argent, qui était revenu dans sa valeur intrinsèque, fut rare après la mort du roi, et sur diverses représentations des négociants, le Régent le remit sur le pied où il était pendant la guerre. Les grandes dettes de la couronne embarrassèrent pour y satisfaire. Le Régent taxa, par le moyen d’une Chambre de justice créée exprès, tous ceux qui s’étaient enrichis en temps de guerre dans les partis, et on croyait que cette taxe suffirait pour acquitter lesdites dettes. Bientôt après on jugea à propos de retrancher les privilèges de franc salé et d’entrées aux corps et aux communautés ; celle de St.-Lazare y perdait par an dix mille livres. La chose n’en demeura pas là ; le fameux Jean Law, étant mis à la tête de l’affaire, fit goûter son système sur le crédit des papiers qu’il prétendait faire rouler dans le royaume avec succès pour le roi et les sujets, en sorte que tout l’argent serait entre les mains du roi, qui ypourrait faire le gain que tous les négociants ensemble y font. Pour cela, on augmenta exorbitamment les espèces jusqu’à près de la moitié de leur valeur, et puis encore davantage ; on résolut de payer le capital de toutes les dettes du royaume, ce qui fut exécuté en papier au commencement de l’année 1720. Ces papiers furent bientôt après décriés par un édit du mois de mai 1720. Bien des gens avaient fait une fortune immense, mais une infinité d’autres, et surtout des communautés, se trouvèrent ruinés, étant remboursées en billets. Celles de la Congrégation ne furent pas plus épargnées que les autres : la seule maison de St.-Lazare perdit tout d’un coup plus de quatorze mille livres de rentes, les autres à proportion, n’y en ayant presque point qui n’eût une grande partie de son fonds sur la ville de Paris ou sur le clergé, et tout fut payé en papier. M. Bonnet écrivit le 1er janvier 1718 : Toutes les maisonsde France sont à l’étroit pour le temporel, et celle-ci à proportion plus que toutes les autres. Il faut pourtant espérer que Dieu ne nous laissera pas manquer du nécessaire, pourvu que nous soyons fidèles à nos règles, à nos vœux et à nos devoirs. Et en 1719 : Cette maison, quoique mise fort à l’étroit, n’a pourtant rien retranché des bonnes œuvres qui s’y font ; nous y sommes encore 35 prêtres, 61 étudiants, 35 séminaristes et 80 frères, tous, grâce à Dieu, appliqués aux fonctions ordinaires.
Au commencement de 1721, M. Bonnet écrivit encore à la Compagnie : Cette maison, aussi bien que la plupart des autres de France, est fort dégradée par rapport au temporel, étrangement diminué partout. C’est qu’on ne savait que faire de tous ces billets dont on se voyait chargé. Quelques maisons établies dans les grandes villes en firent des acquisitions ; on ne donna pas le temps aux autres d’en faire autant, selon que le procureur général manda que M. Bonnet en laissait la liberté aux maisons, pour remplacer ainsi leur capital ;on n’en trouvait pas non plus la commodité en plusieurs endroits, et les fonds n’avaient plus de prix. Ainsi l’on se vit obligé à remettre de nouveau son bien sur la ville, au denier qu’il plût au roi d’assigner. M. Bonnet continue : Nous espérons que Dieu nous soutiendra si nous lui sommes fidèles et qu’il augmentera nos biens spirituels, à proportion de la diminution des autres. Outre la sacrée personne du roi, signalé protecteur de la Comp[agn]ie, que toutes les maisons de France perdirent, la mort enleva quelques années après Mme. Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, fondatrice en particulier de la Maison royale de St.-Cyr. Elle décéda à St.-Cyr, où elle s’était retirée depuis la mort du roi, le 15 avril 1719, après une longue vie de 83 ans, qui avait été pleine de piété en toutes sortes de bonnes œuvres, très dégagée de l’esprit du monde et de toutes ses fausses maximes, toujours éloignée du vice, uniforme et constante dans la pratique des vertus : c’est l’éloge qu’en fit M. Bonnet, en la recommandant aux prières de la Congrégation, laquelle perdait une amie fidèle et constante et une protectrice également puissante et remplie de bonne volonté dans tous les temps et en toutes sortes d’occasions. Dans le commencement, Dieu donna à la Compagnie Mme. la duchesse d’Aiguillon, nièce du cardinal de Richelieu, tout-puissant en France, et M. Vincent avait toujours eu recours à elle dans ses besoins ; la Providence lui a donné de même, dans la suite, Mme. de Maintenon, dame la plus accréditée dans l’esprit du roi, et on s’adressait à elle quand on voulait représenter quelque chose à S[a] M[ajesté] ou obtenir quelques grâces nécessaires pour unir des bénéfices à certaines maisons. Celle de Lyon, trouvant des difficultés pour avoir le consentement de M. de Tessé, abbé de Savigny, afin de procéder à l’union du prieuré de Mornant, dépendant de cette abbaye, Madame de Maintenon en écrivit au maréchal, son père, qui était pour lors au fond de l’Espagne, lequel manda à M. l’abbé, son fils, de faire tout ce que Madame de Maintenon souhaiterait.