LXXIII. Missionnaires de la Chine
Ce qui faisait la plus grande partie des nouvelles contenues dans les lettres de M. Bonnet, était ce qu’on apprenait de quelques missionnaires envoyés dans le vaste empire de la Chine, comme on a dit ci-devant, feu M. Watel, dans sa lettre du 1er janvier 1705, en avait déjà marqué quelques circonstances, les ayant apprises lui-même par des lettres de Mrs. Appiani et Mullener, datées du 5 8bre 1703. Le premier avait une fièvre double tierce, toutefois il travaillait avec son compagnon, dans le vicariat de Mgr l’évêque de Rosalie, connu autrefois sous le nom de l’abbé de Lyonne, qui était à Rome, et depuis à Paris, où il assista à l’ouverture du tombeau de M. Vincent. Ils y ont souffert diverses persécutions de la part des gouverneurs, des préfets de milice et de leurs subdélégués, sans être abandonnés de Dieu, qui avait béni leurs travaux. Ils faisaient leur résidence ordinaire dans une petite maison, en la ville de Chung-King-fou, où était une petite église, ou oratoire dédié au grand empereur du ciel. M. Appiani n’avait eu garde d’y souffrir l’inscription du ciel même, selon l’usage des Chinois, condamné depuis à Rome comme superstitieux, lui qui s’unit si fort au cardinal de Tournonpour la condamnation de toutes ces cérémonies.
Les villages et bourgs circonvoisins, continue M. Watel, leur ont construit deux autres habitations à la campagne, avec des cannes de jonc, ou de la paille. Un ermite païen s’était rangé parmi leurs catéchumènes, et leur offre le temple qu’il desservait, pour en faire une église. Cette nouvelle chrétienté est composée d’environ cent personnes seulement, toutes très ferventes et patientes, élevées par ces messieurs dans la simplicité et pureté des mœurs des premiers chrétiens ; ils ont eu la consolation de voir huit petits enfants baptisés avant leur mort, et un vieillard mourir dans la détestation du culte des idoles qu’il avait adorées étant jeune, et fort contrit. Ils se voyaient alors paisibles dans l’exercice de leur ministère, et une grande porte ouverte à la prédication de l’Évangile, demandant avec instance des hommes vertueux et zélés pour les aller aider dans leurs travaux.
Dès 1704, M. Théodore Pedrini1 partit d’Italie, vint en France et alla ensuite s’embarquer à Brest, avec un frère, pour l’Amérique ; de là il passa aux Manilles, puis à la Chine, où il arriva heureusement. Le pape Clément XI, sachant les brouilleries qui troublaient les missionnaires de divers ordres dans la Chine, au sujet des superstitions des Chinois, que quelques-uns prétendaient être seulement des honneurs civils, et par conséquent tolérables, prit la résolution d’y envoyer en qualité de légat a latere, Messire Charles-Thomas Maillard de Tournon, originaire d’une famille illustre en Piémont, qu’il fit pour cet effet patriarche d’Antioche et depuis cardinal. Les travaux et la mort sainte de ce grand homme sont connus de tout le monde. Quand il fut arrivé dans la Chine, il fit à M. Appiani, prêtre de la Mission, l’honneur de le choisir pour interprète à la cour de l’empereur. Et il eut beaucoup de part aux peines et fatigues de cet illustre légat. Il fut chargé de sept chaînes à cause de sa fermeté dans la foi de son obéissance au St.-Siège, et transféré ainsi de Pékin à Macao, avec seize satellites. Le mandarin en le condamnant, se servit de ces termes bizarres : Tu voudrais vivre et tu ne vivras pas ; mourir et tu ne mourras pas ; rester là et tu ne resteras pas ; t’en aller et tu ne t’en iras pas. Expressions qui sont ambiguës et où personne n’entend rien, marquant pourtant que ce méchant juge était animé d’une fureur outrée contre ce bon prêtre. On le rappela depuis malgré lui de la prison de Macao à celle de Pékin, et ensuite on se contenta de le garder à vue sans l’enchaîner, ne lui donnant liberté d’écrire ni de recevoir aucune lettre. Il est fait mention des persécutions de ce bon serviteur de Dieu, dans les mémoires des Messieurs des Missions étrangères, présentés à Rome, en faveur de messireCharles Maigrot2, évêque de Comon, qui, le premier, par un mandement épiscopal, s’était déclaré juridiquement contre les cérémonies des Chinois.
Quant à M. Mullener, Mgr l’évêque de Rosalie disait de lui qu’il était à peu près semblable d’esprit et de corps à St François de Sales. Il éprouva l’assistance particulière de Dieu, promise par Notre-Seigneur à ses apôtres, de leur mettre dans l’esprit et la bouche ce qu’ils avaient à dire, quand on les ferait comparaître devant les tribunaux des juges de la terre ; il soutint pour la vérité de notre sainte religion, devant un seul homme, cinquante interrogatoires, et une autre fois 46, sans jamais se couper, ni rien dire de répréhensible, selon les lois de l’empire, ni même de rien faire d’indigne d’un zélé prédicateur de l’Évangile ; et pour une telle fermeté il fut bannidu royaume.
Il écrivait tout ceci à M. Watel de Batavia, ajoutant que M. Pedrini n’avait pu encore entrer dans la Chine, et était aux îles Manilles en bonne santé ; qu’il craignait fort pourtant, qu’étant de petite complexion, il ne mourût de fatigue en chemin. Le Pape écrivit un bref de Rome à M. Appiani, pour l’encourager dans ses souffrances, le féliciter de sa constance à la foi et l’exhorter d’y persévérer jusqu’à la mort. On envoya les copies de ce bref dans les maisons de la Congrégation, et M. Bonnet marquait qu’il avait quelque ressemblance avec l’Exhortation de saint Cyprien au martyre. De Pékin, il fut mené en prison à Canton, plus près de la mer, du coté de Macao, et il écrivit de là au général, le 3 décembre 1711, disant que cinq ans de prison n’avaient point, par la grâce de Dieu, affaiblison corps ni son esprit ; il paraissait toujours content et rempli de l’esprit apostolique.
M. Mullener revint de la Chine et se tint caché à Canton ; il en sortit pour aller servir les pauvres, tant chrétiens que païens, dans les montagnes du Su-Tchuen, province de la Chine, où M. Appiani avait travaillé avant son emprisonnement. M. Pedrini alla des Manilles droit à Pékin, où il fut fort bien reçu à la cour par l’empereur, parce qu’il était organiste dans le monde et jouait très bien des instruments, chantant avec hardiesse et bonne grâce des airs chinois sur la basse de viole et le clavecin ; sur quoi M. Bonnet fait cette judicieuse réflexion : Il faut demander à Dieu que ces petits talents, qui ne sont guère apostoliques, servent de moyen à introduire la foi, et que ce cher confrère, qui se trouve en cettecour dans un état bien différent du nôtre, il était pareillement tout autre que celui où on avait mis M. Appiani, et ils étaient trois missionnaires dans une situation bien différente, comme le remarque le même M. Appiani, dans une lettre, et après lui M. Bonnet. Ils ne perdent rien de l’esprit de la Mission, et qu’il se serve du crédit qu’il a auprès du prince, pour préparer les voies à d’autres ouvriers, qu’ils nous demandent avec instance. Les missionnaires d’Italie pensaient qu’on pouvait en envoyer ; mais le général voulut, comme il dit, aller bride en main et attendre que les différends de la religion fussent absolument terminés, outre que les bons sujets se trouvaient utilement et saintement occupés en Europe et ailleurs.
On a dit ci-dessus que M. Bonnet fit la visite des maisons de Bretagne en 1713. Étant à St.-Malo, il y reçut à propos des nouvelles de la Chine, par leretour du Dauphin, vaisseau de cette ville. M. Appiani écrivait de sa prison de Canton du 20e janvier 1712, marquant se servir d’un écrivain français de ce vaisseau, de qui il avait reçu toutes sortes d’honnêtetés pour faire tenir ses lettres en France et en recevoir de la Congrégation, dont il n’avait eu aucune nouvelle depuis l’année 1706, toutes celles qu’on lui écrivait étant interceptées et, lui, roulant depuis 7 ans de prison en prison, tantôt chargé de chaînes à la cour et ailleurs, tantôt non, pour n’avoir pas voulu, dit-il, vendre sa conscience aux plaisirs de ceux qui tout semble permis, un d’entre eux trouva mauvais que cet écrivain lui parla. Et l’ayant aperçu, il lui dit fièrement, savez-vous bien que cet homme est excommunié, et je vous excommunierai moi-même si vous continuez à le fréquenter. Il était en prison en Canton depuis 1710. Il ajoutait que l’empereur de Chine avait reçu un bref du Pape, dont il était fort content. Toutefois que ceux qui auront dû appuyer le zèle de sa sainteté, et la bonne volonté de l’empereur, se servaient de leur autorité et de celle de leurs amis pour troubler tout, et soutenir les cérémonies chinoises. Ces expressions d’un homme qui était sur les lieux sont fortes, et on voit assez sur qui elles tombent. Je désespère presque, continue-t-il, de recouvrer la liberté. J’ai quasi perdu l’usage du bras gauche ; cependant, je ne déplore pas mon sort, mais seulement de voir l’innocence opprimée, la vérité haïe, la cause de Dieu mal menée, et le St.-Siège désobéi ; et un horrible mélange de Dieu et de Bélial ayant pour auteur ceux-là même qui seraient obligés de procurer davantage la gloire de Dieu. Ce sont là les choses qui me percent le cœur. Ensuite son extrême désir, qu’on lui donnât avis de la réception de ses lettres, ils étaient trois en prison, mais en trois différents endroits, sans avoir la consolation de se voir. Il écrivait enfrançais qu’il avait autrefois appris et, pour recevoir plus facilement les lettres de ses amis, il avait changé de nom. Voilà quel est cet homme ferme dans la foi et toujours inébranlable dans les persécutions qu’on lui a suscitées pour l’attirer au mauvais parti.
Le général trouva dans le même paquet des lettres de deux autres missionnaires. M. Pedrini était toujours avec l’empereur, mais à Géhol, en Tartarie, d’où il écrivait sa lettre, et disait que quoiqu’il eût protesté de vouloir obéir au mandement du cardinal de Tournon et au bref du Pape qui le confirme, l’empereur l’avait toujours voulu avoir à sa suite à cause de sa musique et du talent qu’il a de jouer des instruments. M. Bonnet lui répondit de très bon sens : Votre prospérité me fait plus de frayeur que les disgrâces de vos confrères ; et disait, en effet, qu’il avait plus de besoin d’être soutenu d’unegrâce spirituelle, quoiqu’il fût sage et vertueux, pour ne pas s’amollir dans les délices. M. Mullener écrivait de Sou-Nan-Fou du 11e août 1712. Il était là au milieu de 40 petits États libres, quoique enclavés dans l’empire, et y travaillait en cachette, s’étant toutefois enhardi depuis peu à bâtir une petite église où il faisait publiquement les fonctions du culte divin : Ces messieurs, ajoute M. Bonnet, demandent toujours des ouvriers, et je leur réponds que nous ne pouvons nous résoudre à y en envoyer jusqu’à ce qu’on sache à quoi s’en tenir pour les affaires de la religion sans se commettre avec personne.
Ces trois messieurs écrivirent derechef des lettres, savoir : M. Appiani, toujours en prison à Canton, du 2 janvier 1713. Il y avait été malade dangereusement et puis sujet à diverses infirmités qui lui rendaient la vie onéreuse. M. Mullener, de Chung-King-fou, en date du 12 août 1713, où il marque comment, étant revenu de Batavia à la Chine, il n’avait pu, sansgrande douleur, voir son église ruinée par les païens. Il en avait fait bâtir trois autres en divers endroits de l’État, pour instruire les nouveaux fidèles, en ayant cinq cents très fervents et parmi eux des vierges qui embrassent avec ferveur le célibat et en accomplissent les devoirs tout de même que les anciens chrétiens. M. Appiani mandait dans sa lettre, au sujet de M. Mullener, qu’il était un vrai apôtre, s’étant avisé, pour pénétrer plus aisément dans les lieux de sa mission, de s’habiller en portefaix ou en mercier, afin d’instruire et de convertir les infidèles, plutôt que pour leur vendre ses petites merceries, dont il semblait trafiquer. M. Pedrini écrivait encore de Géhol que l’empereur continuait à l’honorer de ses bonnes grâces et lui avait confié le soin de trois de ses enfants, dont l’aîné est héritier présomptif, et qu’il se voyait tellement occupé de mathématiques et de musique, qu’à peine pouvait-il trouver quelque moment pour nous donner deses nouvelles ; faveur, dit M. Bonnet, qui nous ferait trembler, si nous n’espérions qu’il ne s’en laissera pas éblouir, mais qu’il s’en servira dans les occasions, comme il l’a déjà fait, pour le bien de la religion, ainsi que fit Joseph auprès de Pharaon. Le prince le choisit pour lui interpréter la lettre de N[otre] S[aint] P[ère] le Pape ; il le fit avec la fidélité convenable, ce qui ne servit pas de peu pour rendre l’empereur favorable à la religion et donner de bonnes espérances à Rome.
M. Appiani fut traité un peu plus doucement à Canton ; on lui ôta ses chaînes et on lui donna la liberté de prendre quelquefois l’air, avec permission de ses gardes ; toutefois, son geôlier le suivait toujours de près quand il allait et venait dans la ville, et il était surtout fort gêné pour ses lettres. Il ne laissa pas d’écrire de temps en temps quand il en trouvait la commodité ; il se servit de celle d’un marchandde Siam, qui, parti de Canton à la fin de l’année 1715, apprenant à M. Bonnet l’état de son infirmité, qui était toujours grande et l’affaiblissait étrangement, mais sans altérer son courage. Il parlait de M. Mullener comme d’un apôtre et d’un vrai saint qui allait déguisé, à pied, dans les montagnes, pour y gagner les âmes à Dieu, convertir les infidèles et affermir les chrétiens, disant peu de chose, travaillant beaucoup et ne disant jamais : C’est assez ! Le Pape le fit vicaire apostolique et évêque de Myriophyre ; mais il n’en avait point encore de nouvelles, et écrivait toujours en simple prêtre missionnaire. M. Pedrini, au milieu de sa faveur, se trouva réduit à l’extrémité par la violence d’une longue colique ; il en revint par les soins du médecin de l’empereur etl’assistance des princes ses élèves. Le général écrit que ce qu’il fait de meilleur en cour est de ménager les bonnes grâces de l’empereur en faveur de la religion, tant pour protéger les missionnaires dans leur résidence, que pour faciliter la liberté de la prédication, conformément aux décrets du St.-Siège.
Dans une lettre suivante, M. Appiani écrivait de sa prison qu’il craignait que M. Mullener ne fût rencontré par les commissaires impériaux qui allaient trouver l’évêque de Pékin à l’occasion du praeceptum : Super omni modo, donné en 1716. Il lui avait envoyé ses bulles qu’il avait reçues à Canton, le priant d’aller au plus tôt vers le prélat le plus voisin se faire sacrer évêque de la province pour obéir au Pape, ce qui ne l’empêcherait pas de porter la malle comme un courrier, de suivre des bœufs et d’avoir par-là occasion de prêcherl’Évangile, devant être un évêque de l’esprit de ceux de la primitive Église ; que, pour lui, il était résolu de persévérer jusqu’à la mort, dans l’état où il a plu à Dieu de le réduire, quoiqu’il n’eût tenu qu’à lui de s’en tirer, en profitant des offres que lui avaient faites généreusement des capitaines français de le repasser en France.
M. Mullener alla à Pékin se faire sacrer, mais il fut trois fois en danger de se noyer sur la rivière du Su-Tchuen. Il se plaignait d’avoir été proposé au Pape pour évêque et vicaire apostolique, disant qu’il ne s’était résolu d’obéir qu’après avoir considéré que ces nouvelles dignités ne l’empêcheraient pas d’être missionnaire ni d’en faire les fonctions comme ci-devant ; il persistait à demander des ouvriers pour l’aider. Ces messieurs envoyèrent avec ces lettres une chasuble brodée, qui avait été donnée à M. Appiani, disant qu’il n’en pouvait faire un meilleur usage quede la consacrer à Dieu, sur le tombeau de M. Vincent, dans l’espérance qu’elle pourrait servir à l’office de sa béatification, pour obtenir aux missionnaires de la Chine la force d’esprit et le zèle de la religion, que M. Vincent avait fait paraître au milieu des adversités. Ce présent de la chasuble fut accompagné de trois peaux d’ours de la Chine, de différentes espèces, qui ont des propriétés pour guérir diverses maladies, lesquelles M. Appiani expliquait. Dans le canton de M. Mullener il y avait un prince qui se disposait à embrasser la religion, nommé le prince de Tunkunsu, lequel l’avait reçu favorablement, agréant ses présents. Il donna un terrain et les matériaux nécessaires pour bâtir une église ; il lui avait même préparé une demeure avec des meubles, s’offrant de fournir à sa dépense. M. Mullener n’accepta que le logement, ne voulant pas, dit-il, mettre obstacle à la prédication de l’Évangile. Il lui déclara diverses fois, et à son peuple, qu’il n’était venu que pour leur annoncerle royaume céleste, et que le plus grand présent qu’il pouvait lui faire était de lui faire naître des occasions de l’entretenir dans la loi de Dieu. Le prince lui promit de l’entendre sitôt qu’il se serait débarrassé d’une affaire importante. Les peuples que M. Mullener pressait d’embrasser le christianisme qu’il leur prêchait, avaient l’œil sur le prince, lequel a droit de vie et de mort, sans être obligé de recourir à l’empereur ; mais le prince et ses officiers ayant différé de donner l’audience promise à M. Mullener, celui-ci a laissé là deux de ses catéchistes, pour prendre soin de quelques-uns qui, malgré tous les obstacles, s’étaient faits chrétiens, et il s’était tourné du côté des États du prince du Su-Tchuen.
M. Pedrini était revenu à Pékin avec la cour, dont il écrivait en date du 15 8bre 1716 qu’il n’y était pas exempt de tribulations, lesquelles, sans avoir l’éclat de la prison et des liens, ni par conséquent l’avantage de la compassion, ne laissaient pas d’être très sensibles et que s’il ne peutcourir beaucoup d’endroits pour y prêcher l’Évangile, il fait néanmoins beaucoup de chrétiens de côté et d’autre.
Les enfants de l’empereur continuaient de lui être très affectionnés, et un d’eux, étant entré dans sa chambre, qui n’a pas plus de dix pieds, l’interrogea sur le crucifix qu’il y trouva ; ceci donna occasion à M. Pedrini de lui expliquer les mystères de la religion, comme il a fait plusieurs fois aux princes ses frères. Ces messieurs persistaient toujours à demander des ouvriers, entre autres Mgr Mullener, qui continuait ses travaux apostoliques dans son territoire ; on lui en avait proposé deux ou trois selon son désir, mais M. Couty envoya de Rome à Paris un mandement de Mgr l’évêque de Pékin, qui fit juger à M. Bonnet que, selon la prudence chrétienne, il fallait attendre le succès de la mission de Mgr Mezzabarba3, prélat sicilien envoyé depuis peu à la Chine, par N[otre] S[aint] P[ère] le pape Clément XI, en la même qualité que l’avait étéautrefois le cardinal de Tournon. Il y est arrivé heureusement au commencement de 1720. M. Appiani restait dans sa prison de Canton gardé à vue. M. Pedrini tomba malade et manqua de perdre la tête par une intrigue maligne dont Dieu seul le tira, ainsi que marquait M. Bonnet dans une lettre du 26 décembre 1719. Toutefois, après de grandes secousses et de grands périls auxquels il fut exposé pour la religion, il était toujours favori de l’empereur, précepteur de plusieurs de ses enfants, et par conséquent toujours à portée d’écarter le mal et de favoriser le bien de la religion, ainsi qu’il l’écrivit lui-même de Géhol, en Tartarie, selon la relation de M. Bonnet en 1720. M. Appiani qui écrivit aussi, marquait que dans sa prison de Canton il avait recouvré quelque liberté d’aller et de venir, servant volontiers tous les missionnaires et les passants, qui s’en louaient fort, comme d’un homme qui honorait son ministère.
Mgr Mullener, de son côté, continuait de vivre en apôtre des premiers siècles, dans ses montagnes, y travaillant avec fruit et bénédictions à la conversion des infidèles, en attendant avec une sainte impatience des ouvriers qu’il demandait depuis si longtemps. Toutes ces différentes relations qui roulent sur trois missionnaires dans des états si dissemblables l’un et l’autre, font honneur à l’Église et à la Congrégation.