Histoire générale de la Congrégation de la Mission (48)

Francisco Javier Fernández ChentoHistoire de la Congrégation de la MissionLeave a Comment

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Author: Claude-Joseph Lacour cm · Year of first publication: 1897.
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XLVIII. Caducité de M. Jolly. Sa mort

logocmLa santé de M. Jolly était devenue fort chancelante ; il ne pouvait plus à raison de l’incommodité de ses jambes et encore plus à cause de son grand âge et de sa caducité, sortir en ville, pour assister aux conférences des ecclésiastiques ; M. de Saint-Paul1, assistant de la maison, faisait cela pour lui. Ni même plus se trouver aux exercices de la communauté, comme il avait fait fort exactement. Il se vit enfin obligé de garder absolument la chambre et souvent le lit, ne laissant pas d’avoir toujours la tête fort libre, pour gouverner ainsi la Congrégation. La vieillesse fut pourtant l’occasion de quelques dérèglements, qui se glissèrent pour lors à St.-Lazare parmi les étudiants. Il sentait que M. Jolly n’était plus en état de les veiller, et on fut obligé d’en mettre plusieurs dehors. Mais le levain de cette dissipation et de ces irrégularités subsista encore longtemps. On priait dans toutes les maisons de la Compagnie, pour la conservation de ce digne supérieur général. Son infirmité était plutôt une caducité et une défaillance à raison de l’âge, qu’une vraie maladie ; ainsi il n’y avait pas de remède. Et elle traînait en longueur.

Il apprit que quelques missionnaires qui avant que d’entrer avaient servit dans les troupes sur terre et sur mer, avaient donné occasion d’introduire en certaines maisons l’usage du tabac en poudre. On ne parlait pas encore de fumer. Il en écrivit à un supérieur en ces termes : On a résolu dans l’assemblée générale de ne pas permettre l’usage du tabac en poudre sinon à ceux à qui le médecin le jugera nécessaire, auquel cas où ne le prendrait pas en public, mais dans la chambre. Il faut observer ce décret et faire entendre à ceux qui le violent, qu’ils doivent craindre de n’en être pas châtiés, de la dernière punition dont on use parmi nous. Il écrivait aussi quelques fois aux régents des séminaristes de ne pas tolérer cela dans les termes clairs, toutefois plusieurs particuliers continuèrent dans la suite à prendre du tabac. Et la coutume s’en introduisit même parmi les étudiants de St.-Lazare. Lesquels ne manquaient pas d’apporter la nécessité pour prétexte, et ajoutaient à cette faute une autre plus grave contre la pauvreté. Ils en achetaient furtivement en ville, sur la fin du généralat de M. Watel, et on chargea l’assistant de la maison de St.-Lazare de distribuer en certaines jours du tabac aux étudiants, à qui on le croyait nécessaire. M. Bonnet étant devenu supérieur général, on supprima avec raison cet usage.

Pour revenir à M. Jolly qui en écrivit ceci était sur la fin de sa vie, fut hors d’état d’aller aux exercices de la communauté, il les faisait lire en même temps dans sa chambre, quand on commençait l’oraison du matin, &c. Il faisait aussi lire à la table. Il dit la messe tant qu’il put dans la chapelle de l’infirmerie et ensuite il l’entendit, même la veille de sa mort qui arriva le 26 de mars, le lendemain de l’Annonciation de la sainte Vierge, en l’année 1697. À neuf heures du matin, il fut attaqué d’une grosse fluxion ; on lui donna le saint Viatique, puis l’Extrême-onction. M. de Saint-Paul, assistant de la maison, lui demanda sa bénédiction pour toute la Compagnie ; il la donna en ôtant son bonnet de la tête. Puis, M. Durand, pour la communauté des Filles de la Charité dont il avait soin. À l’agonie, il récitait à voix basse le De profundis ; pendant ce temps, il regardait un frère qui était là, comme pour l’inviter à le dire avec lui. Il mourut en récitant le Benedicite omnia opera, devers cinq heures du soir et le lendemain on l’enterra solennellement. Divers prélats et d’autres personnes de distinction de Paris, qui l’avaient connu, assistèrent à ses funérailles. On a écrit la vie de cet excellent supérieur général qui certainement a fait honneur à la Compagnie par sa conduite, et on voit sur sa tombe une inscription semblable à celle que l’on mit sur le tombeau de son prédécesseur, ce qu’on n’a pas fait ensuite pour les autres généraux. Il fut inhumé de l’autre côté du tombeau de M. Vincent.

Dés sa retraite de l’année 1693, il avait choisi M. Faure pour vicaire, l’indiquant pareillement avec M. Gouhier pour lui succéder, mais celui-ci le précéda dans la tombe. L’on fut surpris dans la Congrégation du choix qu’il avait fait de M. Faure ; car il avait peu employé ce Missionnaire dans les affaires de la Congrégation, et on ne voyait pas non plus en lui des talents extraordinaires. Mais M. Jolly qui estimait par-dessus tout la solidité de l’esprit et le bon sens, en avait sans doute remarqué dans ce bon Missionnaire qui était originaire des montagnes de Savoie, d’une famille de gens de la campagne. Il avait été fort estimé par son évêque, Mgr Jean d’Aranthon d’Alex2, évêque de Genève, mort en odeur de sainteté, lequel lui avait donné, à l’âge de 30 ans, une des meilleures cures de son diocèse et l’avait fait l’archiprêtre du détroit. Il la quitta de l’agrément du prélat qui eut bien de la peine à y consentir ; et après avoir fait son testament, comme pour aller dans un pays lointain, dont il ne reviendrait pas, il entra au séminaire interne de St.-Lazare. M. Jolly l’envoya depuis faire l’établissement de Sarlat, en Périgord, d’où peu après, il le tira pour le faire supérieur et curé de Fontainebleau. C’est là qu’il était à la mort de M. Jolly, et on l’y envoya chercher.

On peut penser combien il fut surpris, ne s’attendant pas à un tel office, encore moins que les autres, puisqu’il était un grand amateur, de la simplicité et de l’humilité. M. Jolly quelque éclairé qu’il fut, n’avait pas prévu qu’étant né étranger, on ne permettrait peut-être pas dans l’état qu’on le choisit pour général. Il avertit en son temps les maisons particulières de la mort de M. Jolly par une lettre datée du 7 mars 1697, où il fait connaître la grande perte qu’avait faite la Comp[agn]ie et la peine qu’il ressentait de l’emploi dont on l’avait chargé, demandant pour s’en bien acquitter, le secours des prières de tous les Missionnaires, avec celui des bons avis des visiteurs. Il conduisit en paix la maison de St.-Lazare et toute la Compagnie, pendant la vacance qui ne fut pas longue. Par une seconde lettre, il convoqua l’assemblée générale au premier jour du mois d’août prochain ; rappelant le souvenir d’un article des constitutions dont il dit qu’il faut faire lecture en la Communauté, au sujet de l’éloignement des brigues que quelqu’un pourrait faire pour le généralat ; et envoyant aussi un bref apostolique qu’on avait demandé et obtenu à Rome pour empêcher toute intrigue d’ambitions.

  1. Antoine de Vezins, dit “ de Saint-Paul ”, 1635-1718.
  2. † 1695.

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