XXV. Encore autres mémoires pour le bien des sujets de la Compagnie.
La confession des sujets de la Congrégation parut trop importante à l’assemblée générale de 1673, pour ne pas prendre des résolutions sur ce sujet. M. Jolly en envoya un mémoire avec les autres, qui porte : Que ceux qui les entendent doivent se persuader que l’avancement des particuliers dans la vertu et le bon ordre des maisons dépend encore plus de leurs bons avis et de leur zèle que du soin des supérieurs, à qui les seules fautes extérieures, qui sont souvent moindres, sont connues ; tandis qu’ils ont connaissance eux-mêmes des intérieures et secrètes. Ils doivent donc s’étudier, entre autres choses, d’aider ceux qu’ils entendent à se corriger des défauts notables, ne rien omettre de ce qui peut dépendre d’eux propre à les avancer dans leur perfection, contribuer de leur mieux à faire observer les règles de l’obéissance et maintenir les maisons dans l’ordre et l’union, que pour cela, il leur faut être eux-mêmes les plus exemplaires, donner ainsi de la force à leur parole et les faire écouter avec respect. Joignant á l’exemple une continuelle communication avec Dieu, où ils puiseront des lumières et exciteront en eux des sentiments de componction pour les communiquer aux autres, destinés comme eux à diriger le prochain, ne passer pas légèrement des fautes notables. S’ils en entendent, comme violer les règles avec scandale, ou mépris, être lâche dans la plupart des exercices de piété, murmurer souvent des supérieurs, leur résister, former des partis, faire des ligues, troubler la paix, &c, ils en doivent représenter la gravité avec vigueur, et prudence, bien tenir la main à l’observance des vœux, surtout de pauvreté, empêchant de leur mieux la propriété ; de s’introduire dans la Congrégation des abuses. Ceux qui par une fausse opinion estimeraient légères certaines fautes font misérables aux particuliers, et à tout le corps. Ne pas donner des pénitences peu compatibles avec le train ordinaire, mais aussi qui ne soient pas toujours les mêmes, ou trop légères pour les fautes qu’ils entendent, obliger ceux qu’ils auraient scandalisés à réparer les scandales. Celui qui en avait offensé un autre à se réconcilier, un négligeant être assidu aux exercices, &c, et si quelqu’un se rendait incorrigible, user pour lors de tout le pouvoir que Dieu donne aux confesseurs.
Quand même ils entendraient le supérieur, ils doivent lui parler avec une vigueur suave dans le besoin, lui faire connaître avec une liberté respectueuse la qualité, et les suites de leurs défauts, pareillement représenter à tous l’obligation mutuelle à l’état, d’être gens d’oraison, détachés du monde, humbles, zélés pour la gloire de Dieu, et le salut du prochain, mortifiés, exempts de plusieurs défauts qu’on supposerait en des personnes du monde. Remarquer leur progrès dans la vertu, leur fidélité à la grâce de la vocation pour contribuer à l’avancement de tous suivant leur besoin et remédier au relâchement, et à la décadence dont il est malaisé de revenir comme l’expérience le montre, de plus observer si on s’accuse toujours des mêmes fautes, si c’est avec un esprit de componction, si on ne suit pas les avis reçus dans les confessions précédentes, si on ne s’étudie à s’amender, crainte qu’on néglige ce grand sacrement, et peut être qu’on ne le profane, s’appliquer à connaître le fonds des âmes. Découvrir les passions dominantes, les défauts plus dangereux, les attachements trop grands à la santé, aux emplois, aux personnes, aux aises, aux parents. Et puis donner des avis et des remèdes propres à arrêter le mal dans sa source, et à retrancher dans la racine la multitude des autres défauts, bien exhorter comme disent les règles, où sont renfermés les moyens de la perfection. D’être fidèle aux oraisons, examens de conscience, préparations, et actions de grâces à la messe, lectures spirituelles, exercices de la présence de Dieu, pratique de pénitence, &c., et empêcher tant qu’on peut que l’indévotion et la sensualité, sources de tous les pêchés ne se glissent parmi les missionnaires.
Outre cela ils fortifieront charitablement un chacun dans les tentations dangereuses surtout contre la vocation ajoutant à cet effet aux exhortations des mortifications et prières qui attirent à ces particuliers la grâce de vaincre leurs peines et de persévérer. Il faut qu’ils sachent eux-mêmes bien les règles, et en prennent bien l’esprit, pour en inspirer aux autres l’estime, l’amour et l’observance, l’obéissance, le respect aux supérieurs, la charité envers les égaux, la douceur et le support envers les inférieurs. Maintenir la paix et l’union dans les familles, en s’opposant à la naissance des amitiés particulières qui troubleraient la charité commune, et produiront les plaintes, murmures, médisances, et autres fautes tout à fait opposées à l’esprit d’une communauté. Reprendre vivement ceux qui seraient libres à parler, trouver à redire aux règles, blâmer les supérieurs, et leur intention, révéler les fautes d’autrui, et dire indifféremment tout ce qui leur vient en tête, sans prendre garde aux mauvais effets, qui s’en ensuivent dans les maisons au scandale, à l’indisposition des esprits, ne faire des remontrances qui selon les besoins jamais trop longues, mais avec une autorité douce, et les assez souvent quelquefois d’un passage de l’écriture court et bien appliqué. Ce sont là d’excellents avis pour des confesseurs de gens de communauté, et s’il y en avait toujours de tels, on en pourrait que tirer de merveilleux avantages pour le profit spirituel et le salut de tous les particuliers des maisons. Et c’est avec raison que ce mémoire conclut en disant que ces avis doivent être lus de temps en temps avec attention, afin que si les confesseurs remarquent n’y avoir pas été fidèles, ils en demandent pardon à Dieu, et la grâce de les observer mieux à l’avenir.
Il reste un sixième mémoire dressé par ordre de la même assemblée, qui contient des moyens pour les supérieurs afin de remédier aux fautes que les inférieurs commettent ordinairement contre certaines règles. Il fallait que les députés en eussent déjà observé quelques-unes unes qui leur paraissent d’une suite dangereuse pour les obliger à requérir qu’on y remédiât, ainsi par des moyens particuliers. On avertit donc les supérieurs de considérer souvent leurs obligations essentielles, d’avertir et de corriger d’une façon utile ceux qui n’observent pas les règles, proposant de temps en temps pour sujets de conférences spirituelles les vertus qui y sont recommandées, quand ils observent du relâchement, et en faisant parler plusieurs de la famille sur chaque sujet pour une plus grande persuasion de tout le monde, y parlant eux-mêmes avec force et onction, s’appliquer pareillement à l’instruction bien de la manière de rendre utile à toute la famille. La retraite annuelle qui est un des principaux moyens pour la renouveler dans la vertu, et l’esprit de l’état. De même à rendre fréquente la pratique de se faire avertir de ses défauts, avertissant ceux qui ne le font que rarement, priant les inférieurs de les faire avertir eux-mêmes par leur admoniteur. Ils doivent surtout maintenir l’obéissance comme l’âme des communautés bien réglées, et en donner l’exemple par une soumission parfaite au général et au visiteur ; travailler continuellement à exprimer dans leur vie les vertus de J.-C., dont ils représentent la personne, et spécialement sa douceur, son affabilité. De plus, à connaître les diverses dispositions des sujets, leur témoigner de la bonté pour ce qui regarde leurs besoins de l’âme et du corps ; leur donner une liberté honnête dans leurs emplois, et veiller seulement qu’ils s’en acquittent bien, les avertir quand ils manquent, sans vouloir faire, hors du besoin, ce qui est de leur office. On leur recommande de faire lire de temps en temps, à table, quelque traite de l’obéissance, faire régner la Charité fraternelle dans la maison, et en bannir de leur mieux les aversions, en obligeant les coupables à se réconcilier promptement en obligeant les coupables, je dis, étant fort attentifs eux-mêmes à ne pas parler des défauts de leurs inférieurs, sauf à leurs consulteurs, en cas de nécessité, évitant en faisant quelque correction, de donner à connaître ceux de qui on peut avoir apprit la faute. S’éloigner de toute amitié particulière avec quelqu’un de la maison, et de toute singularité en leur façon d’agir dont les autres pourraient avoir de la peine. Gagner tant qu’ils pourront l’affection d’un chacun afin que tous les membres soient unis à leur chef, prévenir de tout leur pouvoir l’indévotion, et la négligence dans l’avancement spirituel, comme opposé à la fin de l’institut, et suivi ordinairement d’une attache déréglée aux satisfactions du corps, et de quantité d’autres défauts, et par conséquent avoir grand soin d’en retrancher les occasions, et veiller que chacun s’acquitte fidèlement des exercices de piété qui entretiennent la dévotion s’occupent utilement sans avoir trop de loisir de songer à la santé, à la communication avec les externes, ou à la recherche des nouvelles du monde. Maintenir bien l’observance de la pauvreté comme un des meilleurs moyens pour empêcher les relâchements dans les communautés et pour cela veiller à ce qu’on demande et fournisse exactement les besoins, visiter de fois à autre les chambres, et en ôter ce qui est inutile et contre la règle. Empêcher que les particuliers ne fassent rien faire aux tailleurs, cordonniers, ou à d’autres, n’achètent ne donnent, ne reçoivent, quoique ce soit pour leur usage, ou celui des autres sans permission. Les supérieurs se serviront toujours de ces moyens pour obvier aux fautes qui se glissent insensiblement dans les familles contre la pratique des règles.
Tous ces différents mémoires furent envoyés aux maisons par M. Jolly, avec la lettre dont nous avons parlé, où il ajoute encore plusieurs ont désiré les règles pour quelques offices domestiques : du préfet de la bibliothèque, du portier, etc. Il prenait soin de les faire dresser exactement et de les communiquer ensuite à son premier loisir. Il en envoya quelque temps après, ayant déjà fait tenir les règles particulières des offices principaux, comme de supérieur, de l’assistant, procureur, et Consulteur ; qu’on obligea de les transcrire dans un livre exprès, en chaque maison, pour y avoir recours en cas de besoin, outre les copies qu’on en donnait à ceux qui se trouvent pourvus de ces offices. On avait demandé le sens de ces paroles des règles du supérieur cap. 5 & 2. Il n’enverra aucun de sa maison dehors sans lettres patentes. Et M. Jolly répondu que selon le sentiment de l’assemblée cela doit s’entendre quand le supérieur envoie quelqu’un dans un lieu éloigné, ou même assez proche s’il n’est pas suffisamment connu. Et s’il y doit rester quelque temps, ou dresser pour cela un modèle de patentes qu’on a toujours suivi jusqu’à présent. Sur la représentation que quelques changements, ou même des fautes, s’étaient glissés dans plusieurs copies du Catéchisme de la Mission, il fut résolu de l’examiner et de le corriger soigneusement avec l’abrégé qui est à la fin, pour en distribuer ensuite aux maisons des imprimés ou des copies correctes, et éviter ainsi les changements dans la suite. De même, pour les prédications de mission, qu’on avait changées ou altérées en les transcrivant ; l’assemblée désira qu’on en donnât quelques-unes de solides et méthodiques aux jeunes prêtres, afin de se former. Et le général avoue avec raison qu’il serait utile de donner un cours complet de sermons pour les missions, promettant d’y faire travailler sitôt que quelqu’un en aurait le temps ; mais, dit-il cet ouvrage peut aller loin. On ne l’a vu, en effet, que longtemps après. En attendant, on peut prêter aux jeunes prêtres les meilleurs sermons qu’on a dans les maisons pour en tirer des copies, et les étudier.
Je suis chargé, continue M. Jolly, de vous recommander de les former de bonne heure à la prédication et de les y exercer. Le sermon de l’impureté étant difficile à faire devant le peuple, et les manquements qui peuvent y survenir, étants sujets à causer du scandale dans les esprits faibles, l’assemblée a cru qu’on en devait composer une pièce pour l’envoyer aux maisons. Ce qu’on fera au plus tôt, on a demandé si l’usage était que le visiteur seul sans le supérieur signa les ordonnances de la visite, et le général répond qu’oui. De plus s’il fallait permettre aux frères la lecture du nouveau Testament, on en a toujours fait difficulté pour de bonnes raisons, dit M. Jolly. Et on doit s’en tenir là à moins que ce ne soit dans les cas rares, quand le visiteur est assuré que cela ne nuira pas à celui qui demande permission, ni que cet exemple ne jouera pas à conséquence pour les autres.
On avait observé qu’en certaines maisons quelques-uns se faisaient rarement avertir au chapitre. Cette pratique se néglige aisément. L’esprit de l’homme étant naturellement porté à vouloir oublier ses défauts, il est bon que chacun sache, dit Mr. Jolly, que l’assemblée l’a jugé assez importante pour en renouveler la recommandation après laquelle je vous prie de sa part que si quelqu’un des vôtres la néglige trop de l’en avertir en particulier. Et s’il n’en tient compte, d’en écrire au visiteur pour y remédier.
Il veut en fin que le supérieur tienne la main à deux choses, par rapport au temporel des maisons ; à savoir, que les archives fussent pourvues de titres et papiers qui regardent chaque famille ; et qu’outre cela, il y en ait des copies authentiques dans les archives de St.-Lazare pour y recourir en cas de besoin. À cet effet, faire des inventaires sommaires, contenant la nature, date et signatures de chaque pièce desquels inventaires on fera un double ; l’un pour envoyer à St.-Lazare, l’autre pour le garder à la maison.