1915. À la Maison-Mère, dans la soirée, les médecins appelés en consultation, laissent entendre que le T.H.P. Fiat est proche de sa fin. Le lendemain matin, vers 7 heures et demie, le quinzième successeur de saint Vincent meurt… Les brebis paternelles qu’au sortir de ses classes, il menait paître dans la rocaille des monts du Cantal empanachés du feuillage des bouleaux, furent le premier petit monde d’Antoine Fiat. Après son entrée au Séminaire, le 26 février 1857, et l’ordination qu’il reçut à Saint-Sulpice, le 29 mai 1858, son deuxième petit monde, ce furent les séminaristes de Montpellier auxquels pendant huit ans, il enseigna l’histoire de l’Église et l’écriture sainte. L’année 1866 élargit son univers en le ramenant à la Maison-Mère où il devient sous-directeur du Séminaire : il lui fallut alors, dans le rayonnement de M. Chinchon, faire monter vers les cimes de la perfection un petit monde de quatre-vingts étudiants et cinquante séminaristes. De sous-directeur du séminaire, M. Fiat est fait, en 1871, assistant de la Maison-Mère ; ses responsabilités s’accroissent ; visiteur de France en 1876, vicaire général à la mort de M. Boré, le 3 mai 1878, c’est à lui que la vingt-quatrième Assemblée générale confie, après tant de petits mondes bien gérés, l’univers vincentien. Pendant trente-six ans — le plus long généralat de notre histoire — le Père Fiat a été le bon pasteur. Son gouvernement a été marqué par de grandes joies, très douces pour son âme si pieuse : la proclamation du patronage de Saint Vincent, les fêtes du troisième centenaire de l’ordination de notre bienheureux Père, la béatification de Jean-Gabriel Perboyre et de François-Régis Clet, le couronnement de la Vierge de la rue du Bac, l’établissement de la fête de la Médaille, la prospérité de.nos œuvres et l’ouverture de plus d’une centaine de maisons nouvelles. Les peines aussi n’ont pas manqué au Père Fiat : l’insurrection des Boxers en Chine, la révolution de 1910 au Portugal, et surtout les lois laïques qui fermèrent sur la terre de France nos grands et petits séminaires. Mais, dans les heures claires comme dans les heures sombres, le Père Fiat resta toujours le Père Fiat. Il fut avant tout «le Père» aimant. Son cœur de Père avait une dilection particulière pour la jeunesse, et c’est peut-être là le signe le plus évident de la durable fraîcheur de son âme d’enfant. Des Règles et les Constitutions, il fut le gardien vigilant qui, dans son gouvernement, consulte et consulte encore pour n’agir qu’en toute prudence. La surdité physique qui l’avait atteint depuis de longues années avait pour pendant cette surdité qui le rendait insensible à toutes les voix qui n’auraient été que l’expression de la vanité ou de la petite nature humaine trop encline à la facilité. Il est cependant une voix qu’il écouta toujours : celle de l’avenir ; le Père Fiat voulut que la double famille de saint Vincent, pût être de plus en plus belle (1).
- 1) Annales, t. 115, pp. 3-56, et t. 80. pp. 586-606.