1656 et 1659. Deux Conseils sont tenus sous la présidence de Monsieur Vincent et en tous deux, il recommande instamment l’humilité : « si les Filles de la Charité veulent que Dieu continue ses bénédictions sur elles et sur leur Compagnie ». En 1659, il insiste encore : « Mes Filles, une des choses que vous devez remarquer et tenir pour maxime dans la Compagnie est qu’il paraisse douceur et humilité dans les Filles que vous recevez ; je dis même naturelle ; car c’est une grâce, quoi que dans la nature — et vous devez tenir cela comme des dispositions nécessaires pour être Filles de la Charité, qui doivent tellement être humbles qu’il n’y ait point de lieu assez bas pour elles, parce que, comme il n’y a point de Compagnie qui soit plus recherchée que la vôtre, aussi n’y a-t-il personne plus obligée à pratiquer cette vertu que tes Filles de la Charité”. (R)
1830. À Paris , se déroule la translation solennelle des reliques de saint Vincent de Paul. La châsse d’argent contenant les précieux restes a été transportée, la veille, dans l’après-midi, de l’Archevêché (tout proche) à Notre-Dame dont le portail, la nef et le choeur, sur l’ordre du roi, ont été tendus de riches draperies. Depuis, la basilique métropolitaine n’a pas désempli d’une foule avide de s’approcher des reliques du «Père des pauvres». Ce matin, le nonce apostolique, Mgr Lambruschini, a célébré la grand’messe pontificale en présence de l’archevêque et d’une dizaine d’évêques. L’après-midi, à trois heures, le cortège quitte Notre-Dame. Des associations d’hommes, de nombreux Frères des Écoles chrétiennes, les séminaires de Saint-Sulpice, d’Issy, de Saint-Nicolas, du Saint-Esprit et des Irlandais, les prêtres du diocèse, huit cents Filles de la Charité avec cinquante orphelines, précèdent la châsse. Entourée des Prêtres de la Mission, elle est portée par dix hommes. Derrière elle, s’avancent deux cents autres Filles de la Charité avec cinquante orphelins, puis les chanoines, les chapelains du roi, dix-sept évêques et l’archevêque. Tandis qu’un peloton de gendarmes ferme le cortège, quatre compagnies de grenadiers et quatre de voltigeurs marchent le long des rangs du clergé. En sortant de la cathédrale, la procession, au chant des cantiques et au son des musiques militaires, s’engage sur le Petit-Pont et, par la rue Taranne, la rue du Dragon et le carrefour de la Croix-Rouge, atteint la rue de Sèvres. Le long du parcours, les maisons sont décorées. Dans la chapelle de la Maison-Mère, où n’ont pu entrer, comme le réglait le cérémonial, que les Filles de la Charité, les curés, le chapitre de Notre-Dame et les évêques, la châsse est placée sur une estrade au milieu du choeur. Mgr de Quélen, en une touchante allocution, déclare au supérieur général, M. Salhorgne, qu’il lui remet avec joie le précieux dépôt. Le successeur de saint Vincent répond. L’heure tardive, — six heures du soir — ne permet pas à Mgr Cottret, évêque de Caryste, et chanoine de Saint-Denis, de prononcer le panégyrique prévu. C’est par la bénédiction pontificale que s’achève cette belle journée. En des temps moins troublés par la politique, et si la presse n’avait pas entretenu l’animosité contre Charles X et donc plus ou moins indisposé contre une manifestation religieuse autorisée par le gouvernement, la multitude des curieux qui, massés sur les trottoirs, avaient regardé passé l’imposant cortège, aurait sans doute montré son enthousiasme : elle fit preuve de respect, certes, mais aussi de froideur. Du haut du ciel, l’humilité de saint Vincent devait, au fond, se réjouir du caractère incomplet de ce triomphe que seule une partie du peuple parisien décernait à son corps, à ce corps que son âme avait tant de fois entraîné dans ce Paris dont il fit une Capitale de la Charité (1).
1945. En Hongrie , Soeur Visitatrice est appelée dans la chambre du « surveillant » installé à la Maison Provinciale : elle y trouve un délégué du conseil des ouvriers qui lui remet une nouvelle déclaration à signer : « je désire entrer au service de la République Soviet et je me soumets à tous ses ordres ». Si quelque citoyen hongrois ne signe pas, il sera expatrié ; et les personnes religieuses étrangères qui ne veulent pas signer doivent immédiatement se rendre au couvent des Dames Réparatrices où dès le 26 avril à midi, elles devront être toutes réunies pour être rapatriées ». Soeur Visitatrice prend conseil du Père Directeur et du Prince-Primat qui, tous deux conseillent de signer mais en résistant au premier ordre qui violerait les droits de la conscience. Le Prince-Primat donne même un billet écrit : « Les Soeurs peuvent signer tranquillement ta déclaration et je les prie et les engage à la signer pour rester au service de l’humanité souffrante ». Interdiction fut faite ensuite aux Soeurs de faire la cuisine pour les Missionnaires et de blanchir leur linge. Le 28 avril au soir, on ferme la chapelle de la Maison Provinciale. Pour la Messe, il fallait que les Soeurs se rendent à celle des Missionnaires. Celles qui ne pouvaient se déplacer voyaient un prêtre venir en cachette leur porter la sainte communion dans l’infirmerie. Le 30 avril, le « surveillant » annonce qu’au lieu d’une maternité, il a été décidé de confier aux Soeurs des enfants de un à douze ans. Et le portier déclara aux visiteurs que la Maison n’abrite plus de Filles de la Charité. (R)
- 1) Vandamme, Le Corps de saint Vincent de Paul , pp. 111-123.