Saint Vincent De Paul, Maître d’Oraison. Chapitre VII

Francisco Javier Fernández ChentoVincent de PaulLeave a Comment

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Auteur: Abbé Arnaud d’Agnel · Année de la première publication : 1929.
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Chapitre VII

Vertues requises pour faire avec fruit l’oraison mentale

La question de méthode, dans l’oraison mentale, comme en tout autre mode d’activité, est loin d’être négligeable. C’est à l’honneur des grands directeurs de conscience de s’en être tous préoccupés. A l’exemple de saint Ignace et de saint François de Sales, M. Vincent y attache beaucoup d’importance. Pourtant l’essentiel, à son avis, est moins de suivre de bons procédés dans cet exercice que de l’entreprendre et de s’y livrer avec l’état d’esprit voulu. Mais cet état ne s’obtient ni en un instant ni sur commande. Il ne suffit pas de vouloir le posséder pour qu’aussitôt on l’obtienne de la miséricorde divine.

L’Esprit-Saint veut bien mettre en nous les dispositions requises au succès de l’oraison ; toutefois la Providence entend faire de nous ses collaborateurs. Cet apport de bonne volonté s’impose.

Combien de fidèles tiennent l’oraison pour un acte tout à fait distinct des autres. Illusion profonde autant que dangereuse, et contre laquelle les maîtres de l’ ascétisme s’ élèvent avec force. Réduire l’oraison mentale à une heure par jour et, d’ordinaire, à un temps de moindre durée, c’est la considérer comme l’ accessoire de la vie chrétienne, alors qu’ elle en est le principal.

Le Bienheureux Pierre Le Fèvre, un ardent des Exercices de saint Ignace, montre les conséquences de cette fausse conception1 : « Ceux qui ne veulent prier qu’au son de la cloche, certainement n’ auront pas de solide dévotion ; il y faudrait un miracle… Celui-là ne récitera pas le saint office comme il sied qui n’y songe pas avant et après, qui ne se ménage pas un moment pour se recueillir en vue de l’heure canoniale qu’il aura bientôt à dire. » Vraie de la récitation du bréviaire, ces lignes le sont davantage de cet acte de concentration intellectuelle et morale qu’ est l’oraison ou plutôt qu’ elle devrait être.

« A l’instant marqué pour cette pratique – écrit le Père Alexandre Brou2 – l’on doit faire simplement, exclusivement, et avec plus d’intensité, de conscience, ce qu’on a pris l’habitude de faire à toutes les heures du jour et en pleine action, ce qui est déjà et doit devenir de plus en plus l’âme de la vie extérieure. Courte et prolongée, pour être efficace, l’oraison doit baigner dans une atmosphère déjà saturée de prière. »

Signalons une autre erreur qui se rattache d’ailleurs à la précédente. Convaincus du rôle de l’oraison mentale, des esprits faux et des caractères faibles, sous prétexte qu’ils s’y livrent chaque matin, croient s’ acquitter par là de leurs devoirs envers Dieu, et du coup surveillent mal leur conduite et tombent dans un relâchement funeste. Saint Pierre d’Alcantara s’indigne de ce qu’une telle mentalité puisse exister chez des personnes de dévotion3. Et pourtant elle existe chez plusieurs au moins à l’état de germe. Prenons garde de n’être pas de ce nombre.

L’oraison mentale ne se tient pas en l’air sans point d’appui. C’est une construction solide qui repose sur toutes les vertus chrétiennes. Otez-lui ce fondement, elle n’ est plus qu’un corps sans âme. Ce n’est qu’un fantôme, une chimère. Veillons, par nos bonnes mœurs, à ne pas jeter par terre ce bel édifice de l’oraison. Pierre d’Alcantara dit qu’il en est de cet exercice comme d’une lyre, dont les vertus sont les cordes. Supprimer une de ces dernières serait détruire l’ harmonie de l’ ensemble.

M. Vincent partage cette manière de voir. L’ oraison mentale est selon lui un arbre qu’ on reconnaît à ses fruits : sont-ils nombreux et d’ excellente qualité, elle est bonne ; sont-ils peu abondants et de qualité ordinaire, elle est médiocre ; enfin sont-ils nuls ou véreux, elle est mauvaise.

Trois vertus sont particulièrement demandées par le saint aux âmes désireuses de progresser dans la pratique en question : l’humilité, la confiance en Dieu et la mortification. La plus essentielle des trois est la première. L’originalité de Vincent est d’insister particulièrement sur cette vérité d’ordre pratique. A lire ses arguments et ses conseils, on sent qu’il met tout son cœur dans cette démonstration. Il estime très justement qu’une fois cette victoire remportée, d’autres le seront à leur tour. Tout est facile aux humbles puisque Dieu, par sa grâce, les grandit et les élève à mesure qu’ils s’abaissent et se rapetissent à leur propres yeux.

L’ humilité seule ouvre l’ intelligence aux lumières de l’oraison. Il n’ est pas de cette dernière comme des recherches scientifiques où la compétence et les efforts personnels jouent un rôle prépondérant. Ce n’ est ni une étude proprement dite, ni une gymnastique de l’ esprit. Toutes les facultés intellectuelles y concourent : imagination, mémoire, jugement, raison.

Mais cette mise en commun de leurs efforts n’est qu’un des côtés de l’oraison mentale, et le moindre, son côté psychique, comme on l’a vu au commencement de cet ouvrage.

Le principal facteur de l’oraison, son élément essentiel qui la distingue des méditations philosophiques, littéraires, artistiques, c’est l’ opération de l’ Esprit-Saint dans l’ âme. C’est bien le Maître qui propose à l’attention tel ou tel objet et qui l’éclaire d’une lumière surnaturelle.

Le tout est d’apporter au Maître les dispositions qu’il requiert. Pas de doute à cet égard.

L’ Ecriture et la Tradition, organes infaillibles de l’ Esprit-Saint, affirme que les lumières divines sont réservées aux humbles. Le bon plaisir de Dieu est de s’entretenir avec les petits. C’est un fait d’ expérience : les belles et grades pensées sont plus souvent inspirées aux femmes vraiment dévotes qu’ aux hommes, si ce n’est aux simples et aux modestes4.

M. Vincent déclare hautement que les Filles de la Charité, qui ne savent ni lire, ni écrire, feront mieux oraison, pourvu qu’ elles soient humbles, que ne feraient celles humainement instruites de la méthode qu’il convient de suivre dans cet exercice, si leur savoir ne s’ accompagne pas d’ humilité5.

Si Dieu prend ses délices à se communiquer aux ignorants, c’est pour nous montrer que toute la science du monde n’est qu’ignorance auprès de celle qu’il départ à quiconque s’ efforce de le rechercher par la voie de la sainte oraison6.

Le Fondateur des Prêtres de la Mission admire journellement cette merveille chez les frères de son Institut. « Nous sommes étonnés des lumières que Dieu leur donne ; – écrit-il7 – et il paraît bien que c’est lui tout seul, car ils n’ ont aucune science. Ce sera un pauvre cordonnier, ce sera un boulanger, un charpentier, et cependant ils nous remplissent d’étonnement. Nous en parlons quelquefois entre nous, avec confusion de n’être pas tels que nous les voyons. Nous nous disons les uns aux autres : « Voyez ce pauvre frère ; n’avez-vous point remarqué les belles et bonnes pensées que Dieu lui a données. Cela n’est-il pas admirable ? Car ce qu’il dit, il ne le dit pas pour l’avoir appris auparavant ; c’est depuis qu’il fait oraison qu’il le sait. »

Vincent aime à baser ses conseils sur des exemples. Mais au lieu de les puiser dans des livres, il met en scène des personnes qui lui sont familières, ou tout au moins dont la sainteté bien connue de son temps est incontestable. L’un de ces derniers est un Carme du XVIIe siècle d’une telle ignorance, qu’il ne put jamais apprendre à dire l’office, et qui puisa dans l’oraison un savoir si profond qu’il devint l’un des penseurs les plus éclairés de son temps.

Comment se fit pareille transformation ? Le saint de l’expliquer en ces termes8 : « Il se présentait à Notre-Seigneur et disait : « Seigneur, voici un pauvre ignorant qui implore votre grâce pour faire oraison. Je ne sais rien. Mais, Seigneur, dites-moi quelque chose. Laisserez-vous là votre pauvre serviteur sans rien lui dire ? Seigneur, que dira tout le Ciel s’il voit que vous n’écoutez pas la prière que je vous fais. Souffrez, mon Seigneur, que je vous dise que je ne sortirai que vous ne m’ayez donné la grâce que je demande. »9

L’ humilité n’est pas de rigueur seulement chez les petites gens, voire même chez ceux de condition moyenne. Loin d’ en être ainsi, cette vertu doit se développer à mesure qu’ un homme prend plus d’importance aux yeux de ses frères. Indispensable à l’obéissance chez les inférieurs, elle est tout aussi nécessaire au commandement chez les chefs. Sans sa présence, dans un cas, comme dans l’ autre, pas d’ esprit chrétien.

Pénétré de ce principe, le Fondateur de la Mission quelque ministère important doivent fuir la vaine gloire. Qu’ils n’agissent ni pour plaire au monde, ni pour gagner son estime. « A Dieu ne plaise que j’ôte la gloire que je lui dois, ni que je fasse quelque chose pour m’acquérir l’affection de ceux avec qui je travaille ! – écrit le saint10. – Mais je veux que tout ce que je ferai, dirai ou penserai soit pour l’amour de Dieu. Sortir de l’oraison sans prendre quelqu’une de ses résolutions, ce n’est pas la faire comme il faut. »

L’humilité indispensable à l’autorité, l’est tout autant à la science. S’il est une catégorie d’hommes tentés de se complaire en eux-mêmes et de compter les autres pour quantité négligeable, c’est bien l’élite intellectuelle. La bêtise humaine, dont ils sont témoins journellement, leur donne une conscience de plus en plus aiguë de leur supériorité. Ce sentiment est renforcé par l’impression d’isolement qu’ils éprouvent même dans les milieux les plus brillants. Personne ne parle du savoir humain avec plus de justesse et de modération que Vincent. D’une part une vaste érudition et, de l’autre, une humilité presque sans limites le renseignent très exactement sur ses avantages et sur ses périls.

Médecin, philosophe, théologien, exégète, le saint insiste sur l’obligation pour les prêtres eux-mêmes d’être savant11. Directeur de conscience expérimenté, il ne se méprend pas sur les dangers trop réels auxquels expose une certaine supériorité d’ordre intellectuel. Les conseils suivants donnés aux étudiants de Saint-Lazare sont intéressants à ce double point de vue12 : Il faut de la science, mes frères, et malheur à ceux qui n’emploient pas bien leur temps ! Mais craignons, et, si j’ose dire, tremblons et tremblons mille fois plus que je ne saurais dire ; car ceux qui ont de l’esprit ont bien à craindre : scientia inflat13 ; et ceux qui n’en ont point, c’est encore pis, s’ils ne s’humilient. »

M. Vincent n’attribue pas au savoir lui-même l’orgueil qui l’accompagne chez plusieurs. Se demandant si la science empêche notre sanctification, il répond sans hésiter14 : « Non, ce sont nos propres misères. »

Si l’enrichissement de l’esprit n’est pas cause d’orgueil, il en est souvent l’occasion. Des mesures sont à prendre en vue de cette éventualité. La principale est d’être fidèle à son oraison du matin et d’en faire un exercice d’humilité. Plus on est tenté de se croire savant, plus il convient de l’entreprendre et de la poursuivre avec de bas sentiments de soi-même. Et comment ne pas les avoir devant cette source de toutes les sciences qu’est l’oraison mentale comme le saint se plait à l’appeler.

Désireux de faire aimer et rechercher cette manière divine de s’instruire, Vincent l’oppose aux procédés purement humains, aux méthodes exclusivement rationnelles15 : « D’où vient que vous voyez des gens sans lettres parler si bien de Dieu, développer les mystères avec plus d’intelligence que ne ferait un docteur ?

« Un docteur qui n’a que sa doctrine parle de Dieu vraiment en la manière que sa science lui a apprise ; mais une personne d’oraison en parle d’une toute autre manière. Et la différence des deux vient de ce que l’un en parle par simple science acquise, et l’autre par une science infuse toute pleine d’amour, de sorte que le docteur, en ce rencontre, n’est point le plus savant. Et il faut qu’il se taise là où se trouve une personne d’oraison, car elle parle de Dieu tout autrement qu’il ne peut le faire. »

Le saint s’effraye de voir certains hommes courir fiévreusement après les connaissances scientifiques tout comme si notre bonheur ici-bas en dépendait. Son étonnement et sa tristesse sont plus grands d’en voir d’autres mettre dans leur estime l’intelligence des affaires au-dessus de tout et n’avoir pas d’autre ambition que de l’acquérir. Il plaint ces commerçants aux yeux desquels rien n’existe en dehors de leur négoce, parce que Dieu leur refuse la pénétration des vérités chrétiennes16.

Ces savants orgueilleux de leur savoir et ces hommes fiers d’être si bien au courant des choses de ce monde, feraient-ils oraison, chaque matin, qu’ils n’en retiraient aucun fruit jusqu’au jour où, touchée par la grâce, leur âme deviendrait humble et docile.

La curiosité intellectuelle trop grande est dangereuse au point de vue scientifique. S’il est bon de se passionner pour l’étude afin de ne pas lâcher pied dès le premier obstacle, il faut rester suffisamment maître de soi pour contenir et canaliser cette ardeur afin qu’elle ne dégénère pas en manie de tout découvrir et de tout connaître.

Cette fièvre du savoir est encore plus funeste au point de vue moral parce qu’elle est une des formes les plus pernicieuses de l’orgueil. Vincent l’explique dans les lignes suivantes17 : « Comme naturellement nous nous désirons apprendre quelque chose de nouveau, si nous n’émoussons ce désir et cette curiosité, il n’y aura pas une feuille de lecture qui ne puisse servir à la vanité ; et commençant par l’esprit, nous finissons par la chair ; désirant de paraître, nous repaissant de fumée, voulant l’emporter par dessus les autres, être estimés subtils, de bon sens, de bon jugement ; et voilà où cela va ! »

La conclusion qui se dégage de cet aperçu sur la science infuse ou divinement inspirée, c’est qu’il est impossible, sans humilité, d’acquérir la seconde, posséderait-on la première dans sa plénitude. L’Esprit-Saint éclaire les seuls esprits vides d’eux-mêmes et pour ainsi dire anéantis sous son action. Il importe au début de l’oraison de se dire : je suis indigne de parler à Dieu et d’ouïr intérieurement sa parole. Si je me dispose à le faire, c’est sur son ordre, et en union d’esprit et de cœur avec Jésus-Christ dont la vie temporelle a été une oraison parfaite d’un bout à l’autre18.

L’ estime des lumières d’ ordre surnaturel et la conviction qu’ elles l’ emportent sur les éclairs du génie nous aideront à leur sacrifier notre amour-propre. Il n’ est pas de texte, où soient exposés, avec plus de précision, de profondeur et de poésie, les caractères de l’action éclairante du Saint-Esprit dans l’oraison, que ce compte rendu d’un entretien de M. Vincent19, nous le reproduisons malgré sa longueur. Rien de plus clair, ni de plus probant ne pourrait être donné.

« Voyez la différence qu’il y a entre la lumière du feu et celle du soleil : pendant la nuit, notre feu nous éclaire, et par le moyen de sa lueur nous voyons les choses, mais nous ne les voyons qu’imparfaitement, nous n’en découvrons que la superficie, et cette lueur ne va pas plus avant. Mais le soleil remplit et vivifie tout par sa lumière ; il ne découvre pas seulement l’extérieur des choses, mais, par une vertu secrète, il pénètre au dedans, il les fait agir et les rend même fructueuses et fertiles, selon la qualité de leur nature.

« Or les pensées et les considérations qui viennent de notre entendement ne sont plus que de petits feux qui montrent seulement un peu le dehors des objets, et ne nous produisent rien davantage. Mais les lumières de la grâce, que le Soleil de justice répand dans nos âmes, découvrent et pénètrent jusqu’au fond et au plus intime de notre cœur, qu’ elles excitent et portent à faire des productions merveilleuses. Il faut donc demander à Dieu que ce soit lui-même qui nous éclaire et qui nous inspire ce qui lui est agréable.

« Toutes les considérations hautes et recherchées ne sont point oraison ; ce sont plutôt quelquefois des surgeons de la superbe ; et il en va de même de ceux qui s’y arrêtent et qui s’y plaisent, comme d’un prédicateur qui se pavanerait en ses beaux discours, qui prendrait toute sa complaisance à voir les assistants satisfaits de ce qu’il leur débite ; en quoi il est évident que ce ne serait pas le Saint-Esprit, mais plutôt l’esprit de superbe qui éclairerait son entendement et qui pousserait au dehors toutes ces belles pensées ; ou, pour mieux dire, ce serait le démon qui le ferait parler de la sorte.

« Il en va de même en l’oraison, lorsqu’ on recherche de belles considérations, qu’ on s’ entretient en des pensées extraordinaires, particulièrement lorsque c’est pour les débiter au dehors en rapportant son oraison, afin que les autres en aient de l’ estime. C’est là une espèce de blasphème ; c’est, en quelque façon, être idolâtre de son esprit ; car, en traitant avec Dieu dans l’oraison, vous méditez de quoi satisfaire à votre superbe, vous employez ce saint temps à rechercher votre satisfaction et à vous complaire dans cette belle estime de nos pensées, vous sacrifiez à cette idole de la vanité20. »

Cette analyse si poussée de sentiments mal connus du sujet, quand ils ne sont pas inconscients, suppose chez Vincent une expérience consommée des âmes et des voies mystérieuses par lesquelles Dieu les achemine vers la perfection. Elle est non seulement à lire, mais à méditer. Ne serait-ce pas le comble de l’orgueil de ne découvrir en nous aucun trait de ressemblance avec ces dévots, dont la vanité secrète est mise magistralement à découvert. Peut-être avant la lecture de ces pages, avions-nous la naïveté de tenir toute pensée pieuse pour divinement inspirée. Le problème de l’ origine de ces pensées était résolu d’avance, plus exactement, il nous était complètement étranger. Grande était notre complaisance en nous-mêmes d’autant plus redoutable qu’ elle était mieux cachée sous les faux dehors de la piété.

Il est certain qu’avec une mentalité semblable, l’orgueil empire nécessairement de jour en jour, et, sauf le cas d’une grâce particulière de Dieu, à mesure qu’il grandit, l’illusion augmente et le fortifie encore davantage. Nous serions effrayés s’il nous était donné de voir combien le mal signalé par Vincent est répandu même et surtout parmi les âmes réputées les meilleures. Notre émoi grandirait à la vue du préjudice immense qu’il leur cause. Si l’œuvre de la sanctification est retardée, compromise chez les chrétiens fidèles à l’oraison quotidienne, il ne faut pas en chercher ailleurs que là l’explication.

Profitons de l’expérience du saint et de son diagnostic si précis pour rechercher ce mal. Que nous en soyons atteints, pas de doute à cet égard. Qui ne se complaît quelque peu dans la facilité merveilleuse avec laquelle il médite, dans le tour nouveau qu’il donne à un thème banal.

Cette complaisance, loin d’être un péché mortel, est plutôt une imperfection qu’une faute. Sans être coupable, elle est dangereuse en raison du genre d’orgueil qu’elle renferme. Il dépend de nous de tuer ce germe en désavouant tout de suite cette complaisance et en l’écrasant sous le poids d’un acte d’humilité. Par contre, si le remède n’est pas appliqué sur l’heure, le mal se fixera au dedans de nous et stérilisera bientôt l’oraison mentale et les divers exercices de piété.

Par bonheur pour nous, M. Vincent, après avoir signalé le péril en termes si clairs qu’il est impossible aux âmes de bonne volonté de s’y méprendre, indique avec autant de netteté la manière de le conjurer à coup sûr. Prêtons de nouveau l’oreille aux avis du cher médecin de l’âme, décidés à suivre ponctuellement ses ordonnances21 : « Ah ! mes frères, gardons-nous bien de ces folies ; reconnaissons que nous sommes tout remplis de misères ; ne recherchons que ce qui peur davantage humilier et nous porter à la pratique solide des vertus ; abaissons-nous toujours dans l’oraison jusqu’au néant ; et dans nos répétitions d’oraison, disons humblement nos pensées ; et s’il s’en présente quelques-unes qui nous semblent belles, défions-nous beaucoup de nous-mêmes, et craignons que ce ne soit l’esprit de superbe qui les produise, ou le diable qui les inspire. C’est pourquoi nous devons toujours nous humilier profondément quand ces belles pensées nous viennent en faisant oraison…

« Le Fils de Dieu pouvait ravir tous les hommes par son éloquence toute divine, et il ne l’a pas voulu faire. Mais, au contraire, en enseignant les vérités de son Evangile, il s’est toujours servi des expressions et paroles communes et familières ; il a toujours aimé d’être plutôt avili et méprisé, que loué et estimé.

« Voyons comment nous pourrons imiter Jésus ; et pour cela retranchons ces pensées de superbe dans l’oraison et ailleurs. Suivons en tout les traces de l’humilité de Jésus-Christ : usons de paroles simples, communes et familières ; et quand Dieu le permettra ainsi, soyons bien aises qu’on ne tienne pas compte de ce que nous dirons, qu’on nous méprise, qu’on se moque de nous, et tenons pour certain que, sans une véritable et sincère humilité, il nous est impossible de profiter ni à nous, ni aux autres. »

Trois mesures à prendre se dégagent des conseils qu’on vient de lire. Premièrement se méfier des pensées dont la profondeur, l’originalité ou la beauté de forme plaisent à l’esprit et, en quelque sorte le fascinent ; au lieu de les tenir à priori pour d’inspiration divine, les regarder plutôt comme des élucubrations personnelles et sans intérêt, ni valeur au point de vue religieux.

Cet état d’esprit porte à les désavouer, et puisque ces pensées, par l’attrait qu’elles exercent, mettent en péril d’orgueil, le mieux est de leur opposer immédiatement de bas sentiments de soi-même, un franc et simple aveu de ses misères et de son néant, en un mot de les attaquer par leur contraire.

La dernière mesure à prendre en vue de renforcer les autres est de s’efforcer d’être plus humble dans sa conduite vis-à-vis du prochain et surtout dans ses paroles. Si l’on est d’ordinaire orgueilleux avec ses semblables, en vertu de l’habitude, on court grand risque de l’être d’une certaine manière avec Dieu. Si l’on s’écoute et si l’on s’admire en conversant avec sa famille, ses amis et les étrangers, comment ne pas s’admirer quand, au cours de l’oraison quotidienne, on se parle à soi-même dans le secret de son cœur ! Voilà pourquoi Vincent s’adressant à ceux qui tirent leur amour-propre de leurs méditations, leur recommande de penser et de parler simplement et bonnement en toutes circonstances.

Constatons une fois de plus l’influence de la conduite sur l’oraison. Si cet exercice aide à vivre chrétiennement, inversement mener une existence vraiment chrétienne facilite cet exercice et, l’ on peut dire, en assure d’ avance l’ efficacité.

Le Fondateur de la Mission préconise un moyen pratique pour s’accoutumer à faire humblement oraison, c’est de donner, chaque mois, l’humilité pour objet de cette pratique. Il presse son assistant, M. Alméras de tenir la main à ce qu’on fasse une méditation mensuelle sur cette vertu requise pour s’entretenir fructueusement avec Dieu. Son espoir, fondé sur l’expérience de la psychologie humaine, est qu’ à force de méditer sur ce sujet, ses missionnaires finissent par se défaire de leur orgueil ou de leurs petites vanités22.

Le mépris et la défiance de soi ne sont qu’un des facteurs de l’humilité. Seuls ils engendreraient le découragement et seraient par là cause d’affaiblissement moral. A force de se répéter : « Je suis incapable de faire le bien, indigne d’exister », l’on cesserait bientôt d’agir. Un contre-poids est nécessaire à cette mentalité déprimante. Ce contre-poids est la confiance en Dieu.

Quand le saint recommande de commencer et de poursuivre l’oraison avec de bas sentiments de soi-même, il ne manque jamais de montrer Dieu paternellement penché vers les humbles et attentif aux requêtes qu’ils lui présentent. Après avoir insisté sur l’ignorance de la plupart des Filles de la Charité, Vincent termine son entretien par ces paroles réconfortantes23 : « Si vous faites votre possible pour vous mettre en la sainte pratique de bien faire l’oraison, vous aurez un crédit auprès de Dieu pour obtenir toutes les grâces que vous lui demanderez… Je dis bien plus, mes Filles, celles d’entre vous qui ne sauraient ni lire, ni écrire feront mieux l’oraison, pourvu qu’ elles soient humbles, que ne le feraient celles qui auront appris la méthode de la faire par la science, si cela n’est accompagné d’humilité. » Et le saint de rassurer pleinement ses auditrices en les comparant aux petites gens sans éducation, ni fortune, dont Notre-Seigneur a bien voulu faire ses apôtres.

Vincent demande, comme première disposition pour progresser sur la bonne voie, de se reconnaître pauvre, chétif, incapable d’ aucun bien et d’ accepter d’ être considéré comme tel. Mais tout aussitôt après cette réflexion sur son indignité, il faut se relever par un acte d’amour de Dieu et dire : « Encore que je ne sois pas digne de faire telle chose, parce que Dieu le veut, je la ferai pourtant afin de lui plaire, puisqu’il la désire de moi24. »

Le moyen d’ être humble sans découragement et confiant sans présomption, c’est de s’ unir d’ esprit et de cœur à Jésus et de vouloir faire l’oraison mentale comme lui-même faisait la sienne. Ce bon Maître nous inspirera ses sentiments de souverain respect, de confiance et d’humilité. L’un des privilèges de cette vertu est d’établir l’âme de quiconque la cultive dans une douce familiarité avec Notre-Seigneur. Ainsi s’ explique l’ audace des humbles. Ils ne doutent de rien tant ils se sentent aimés de bon Dieu.

Le saint donne une idée de cet amour dans le texte suivant25 : « Croyez-moi, la paresse n’éloigne pas le Fils de Dieu de nous ; il n’a point à faire de la grandeur, il est la grandeur même, mais il veut des cœurs simples, humbles. Et quand il les a trouvés, oh ! qu’il le fait beau voir y faire sa résidence ! Il se vante dans les Saintes Ecritures que ses délices sont de converser avec les petits. Oui, le plaisir de Dieu, le contentement de Dieu, la joie de Dieu, s’il faut ainsi dire, c’est d’être avec les humbles et simples qui demeurent dans la connaissance de leur bassesse. Grand sujet de consolation et d’espérance pour nous, et grand motif de nous humilier ! »

La troisième vertu requise pour devenir homme d’ oraison est la mortification. M. Vincent représente cette dernière comme la sœur de l’oraison, sœurs vivant en si bonne intelligence qu’elles ne vont point l’une sans l’autre. « La mortification va la première, et l’oraison la suit ; dit-il aux Filles de la Charité26 – de sorte que, si vous voulez devenir filles d’oraison, comme il vous est nécessaire, apprenez à vous mortifier, à mortifier les sens extérieurs, les passions, le jugement, la propre volonté, et ne doutez point qu’en peu de temps, marchant par ce chemin, vous ne fassiez grand progrès en l’oraison.

« Dieu vous gardera, il considérera l’humilité de ses servantes, car la mortification vient de l’humilité ; et ainsi il vous rendra participantes des secrets qu’il a promis de découvrir aux petits et aux humbles. »

Le Fondateur de la Mission se demande souvent pourquoi plusieurs membres de son Institut font si pu de progrès dans l’oraison, alors qu’ils s’y livrent régulièrement chaque matin. Laissons-le communiquer lui-même le résultat de ses recherches sur cette anomalie27 : « Il y a sujet de craindre que la cause de ce mal ne soit qu’ils ne s’exercent pas assez en la mortification et qu’ils donnent trop de liberté à leurs sens. »

L’avis du saint est basé sur la doctrine des maîtres de l’ascétisme et de la mystique qui considèrent la pratique de cette vertu comme une disposition nécessaire à l’oraison. D’après cet enseignement, dont Vincent se fait l’écho : il faut mortifier non seulement ses yeux, sa langue, ses oreilles et ses autres sens extérieurs, mais aussi les facultés de son âme, l’entendement, la mémoire et la volonté.

Conformément à sa tactique, le saint recourt à des exemples qu’il connaît bien pour les avoir vus de ses yeux et entendus de ses oreilles. « Nous avions un de nos frères – dit-il28 – qui parlant de l’oraison, disait : voyez-vous, Monsieur, quand il plaît à Dieu que je me mortifie en quelque chose, au boire, au manger, au parler ou à voir, oh ! pour lors j’ai de bonnes pensées à l’oraison, elles viennent en foule, de sorte que j’ai plutôt besoin de choisir celles qui me sont plus propre, qu’autre chose. »

Le cas de ce frère est un sujet d’admiration pour son Général ravi d’y trouver la confirmation éclatante d’une des lois de la vie spirituelle. Rien de plus certain, en effet, que l’heureuse influence de la mortification sur l’oraison. Rien de mieux constaté que la réciprocité de services qu’elles se rendent l’une à l’autre.

L’âme a d’autant plus de facilité à vivre d’union avec Dieu qu’elle surmonte davantage les obstacles qui l’en détourne. Cette fille du Ciel est inclinée vers la Terre par les appétits et les passions de l’homme animal. Qui l’arme contre ces forces ennemies ? La mortification dont le rôle conforme à son non est d’amoindrir la vitalité des mauvaises tendances au profit des aspirations d’ordre supérieur.

Il n’est pas un acte de cette vertu qui ne serve, d’une façon ou d’une autre, la cause de l’oraison. Si je mortifie mes sens, le recueillement me deviendra plus facile puisque ma curiosité sera de moins en moins vive. L’ambiance extérieure ne distraira plus mon esprit de l’objet de ses méditations.

En réfrénant mon imagination et ma mémoire, je supprimerai partiellement les deux principales sources de dissipation dans mes entretiens avec Dieu.

Mortifier mon jugement et ma raison, n’est-ce pas accroître mon esprit de foi et préparer en quelque sorte mon âme aux lumières et inspirations de l’Esprit-Saint ?

Discipliner ma volonté par mon opposition à ses caprices, c’est la rendre plus docile à Dieu durant l’oraison et la prédisposer à prendre de fermes résolutions.

A son tour, l’oraison soutient l’âme dans cette voie du sacrifice : elle lui en montre la raison d’être et la souveraine beauté par la méditation fréquente des souffrances et de la mort du Christ Jésus, en même temps qu’elle inspire au cœur et à la volonté un attrait pour la mortification en la lui présentant comme un trait de ressemblance avec le Verbe fait chair et comme le meilleur moyen de lui témoigner son amour.

Enfin, l’oraison, par le goût de la paix intérieure qu’elle donne à l’âme, la détache de tout ce qui pourrait troubler cette paix, c’est-à-dire des créatures, toutes causes d’inquiétude et d’agitation quand elles sont trop passionnément aimées. Sur le sommet de la contemplation et même sur les pentes de la simple méditation, les peines sont reçues de la main de Dieu, et, du coup, leur amertume se transforme en douceur.

Une dernière preuve de la nécessité de se mortifier pour bien faire oraison est qu’il est impossible, sans cette vertu, de persévérer dans cet exercice. Ce dernier est par lui-même une épreuve rendue plus pénible par sa répétition quotidienne. Autant les caractères faibles acceptent de fournir un effort extraordinaire, autant ils se dérobent quand on leur demande de faire régulièrement, chaque jour, un effort moyen. M. Vincent ne dissimule pas à ses filles et fils spirituels qu’il faut l’esprit de sacrifice pour persévérer dans l’oraison mentale.

Cette pratique met l’intelligence à une rude épreuve par la concentration qu’elle exige. Encore si l’heure de recueillement pouvait être, à son gré, remise au lendemain, la peine serait moindre. Le plus difficile, en effet, n’est-ce pas de méditer lorsqu’on en a nulle envie ?

Laborieux au point de vue intellectuel, cet exercice l’est d’autant, sinon davantage, au point de vue affectif. Il s’agit de donner Dieu pour unique objet à des sentiments et des passions dont l’objet ordinaire est une créature de chair ou quelque chose de visible et tangible. Cette mère de famille, par exemple, dont la tendresse se limite à son foyer, doit imposer silence, pendant une demi-heure, à son aimante sollicitude pour converser amoureusement avec Dieu seul. Sans doute, il lui est permis de parler de son époux et de ses enfants à condition toutefois de se maintenir le plus possible sur le terrain surnaturel. Ce qui ne peut être obtenu sans grands efforts : c’est la lutte entre la grâce et le plus naturel des instincts chez la femme, l’instinct maternel.

Cet homme d’affaire, lui, passionnément épris de son industrie, de sa banque ou de son négoce, devra faire trêve à ses préoccupations habituelles et reporter sur Dieu ses désirs orientés vers la matière. Ce n’est qu’en se faisant violence à lui-même, que cet assoiffé des biens de ce monde pourra sentir le besoin des biens du Ciel.

Il n’est pas jusqu’à la volonté qui ne soit éprouvée par l’oraison. Elle l’est de manières différentes suivant les personnes et les jours. A certains moments, l’inaction lui est recommandé, alors qu’elle est fébrilement impatiente d’agir ; et à d’autres, il lui faut sortir de son repos, alors qu’elle n’aspire qu’à y rester. Son principal tourment est de se livrer à une tâche mystérieuse, dont les résultats lui demeurent d’ordinaire inconnus : aussi a-t-elle l’impression de travailler dans le vide.

Il est une mortification qu’exige le succès de l’oraison, d’après M. Vincent, c’est l’obligation de se lever à une heure matinale et régulière, quand même le sommeil aurait-il été coupé d’insomnies plus ou moins longues. La plupart d’entre nous s’astreignent très difficilement à cette discipline pourtant si favorable à l’hygiène du corps et de l’âme. L’on a constaté précédemment l’importance qu’elle a aux yeux du Fondateur de la Mission et des Filles de la Charité.

La persévérance dans l’oraison surtout au cours des premières années exige de tels efforts qu’il ne suffit pas, pour y réussir, d’être humble et mortifié, il faut en plus être un homme de courage et de grand courage. Le saint en est convaincu, et cette conviction lui est commune avec saint Ignace de Loyola. S’il ne classe pas cette force d’âme parmi les vertus préparatoires à l’oraison et nécessaires à son succès, comme la classe le Fondateur de la Compagnie de Jésus, c’est qu’elle ne fait qu’un dans sa pensée avec la mortification et l’humilité, tant ces trois vertus s’appellent, se tiennent au point d’être inséparables.

On l’a vu, au cours d’un chapitre précédent, seul un courage héroïque triomphe des sécheresses et dégoûts de l’oraison ainsi que de l’insuccès apparent de cet exercice.

  1. Monumenta Fabri, p. 509, juin 1542, p. 37.
  2. Saint Ignace, maître d’oraison, Paris, 1925, p. 72.
  3. Or et Médit. IIa Pars, cap. V, 7.
  4. IX, 220, n° 21. Conférence du 22 janvier 1645 sur la pratique du règlement.
  5. X, 577, n° 103. Conférence du 13 octobre 1658 sur l’oraison.
  6. IX, 422, n° 37. Conférence du 31 mai 1648 sur l’oraison.
  7. Ib.
  8. X, 575, n° 103.
  9. Cf. Arnaud d’Agnel. Saint Vincent de Paul, directeur de conscience, 5′ édit., Paris, Téqui, ch. XVI, M. Vincent et les Supérieurs : Comment il comprend leur direction.
  10. X, 572, n’ 103. Conférence du 13 octobre 1658 sur l’oraison.
  11. XI, 126-128, n° 98 . Répétition d’oraison d’octobre 1643 sur l’étude.
  12. Ib. 128.
  13. Première Epître aux Corinthiens.
  14. XII, 64, n° 191. Entretiens du 23 octobre 1658. Conseils à de jeunes étudiants prêts à commencer leur philosophie.
  15. IX, 423, n° 37. Conférence du 31 mai 1648 sue l’oraison.
  16. XII, 170, n° 20 1. Conférence du 14 mars 1659 sue la simplicité et la prudence.
  17. XI, 127, n° 69. Répétition d’oraison d’octobre 1643 sur l’étude.
  18. X, 133, n° 71. Conférence du 18 octobre 1655 sur la fin de la Compagnie.
  19. XI, 85, 86, n° 69. Extrait d’entretien sur l’oraison.
  20. XI, 85, 86, n° 69. Extrait d’Entretien sur l’oraison.
  21. Ib. 86-87.
  22. XI, 187-188, n° 120. Conférence du 11 juin 1655 sur la Superbe.
  23. X, 576-577, n° 103. Conférence du 13 octobre 1658 sur l’oraison.
  24. X, 129, n° 71, Conférence du 18 octobre 1655 sur la fin de la Compagnie.
  25. IX, 392, n° 36. Conférence du 1er mai 1648 sur le bon usage des instructions.
  26. IX, 427-428, n° 37. Conférence du 31 mai 1648 sur l’oraison.
  27. XI, 90-91, n° 72. Répétition d’oraison sur l’oraison.
  28. X, 279, n° 81. Conférence du 17 juin 1657 sur la pratique de ne rien demander et de ne rien refuser.

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