8.- EN GUISE DE CONCLUSION : VISIONS ET REVES.
Avec la Mère Guillemin, nous pouvons dire que nous ne trouvons pas d’esprit plus remarquable que celui de Saint Vincent. Pour elle ce fut une des plus grandes découvertes et une des plus grandes merveilles durant le Concile. Elle exprimait cette idée comme suit :
« Chaque fois qu’une idée similaire était avancée, je me disais profondément touchée et heureuse : “C’est Saint Vincent qui nous l’a enseigné”… Il n’a peut-être pas utilisé le même vocabulaire lorsqu’il exprimait l’idée en utilisant les mots de son époque. Mais cette pensée avait une pureté, une clarté et une authenticité qui n’a jamais été contredite ou censurée par l’enseignement de l’Eglise… Réjouissons-nous d’être les enfants d’un tel père ».[1]
Je serais très heureuse si, relativement parlant, ceci est le sentiment que chacun de nous renforce ce matin.
J’ose vous inviter à approfondir l’étude de la DES car elle nous aide à maintenir quatre grandes fidélités essentielles à notre vie :
- Fidélité à l’homme et à notre temps
- Fidélité au Christ et à l’Evangile
- Fidélité à l’Eglise et à sa mission dans le monde
- Fidélité au charisme de nos Fondateurs.
Après le trésor de la foi, nous avons un autre grand trésor qui est notre propre charisme et, paraphrasant Saint Paul, en ce moment de l’histoire, « nous portons ce trésor en des vases fragiles » (2 Co 4,7). Prenons le temps de nous interroger dans le concret de notre vie : nous sommes PROPHETES, qu’annonçons-nous ? TEMOINS de qui ? De quoi ? Confrontons nos réponses à la vie prophétique de nos Fondateurs, aux « prophètes de chez nous » que nous avons mentionnés et à tant d’autres que nous connaissons au sein de la Famille Vincentienne.
Rappelons-nous que le prophète est celui qui a le courage de lever les yeux et de les fixer dans les yeux de Dieu, qui rencontre Dieu face à face, comme Moïse, mais qui retire ses sandales devant le buisson ardent, c’est-à-dire, qui perd ses certitudes, ses sécurités, et se tourne vers d’autres points de référence comme l’a fait Marie de Nazareth. Comme le potier de Jérémie, il accepte de perdre ce qui ne lui sert pas. Il contemple Yahvé et ne meurt pas. Le prophète supporte le regard de Dieu… parfois il est intimidé. En entendant l’appel, tous ont peur et veulent fuir : Moïse, Isaïe, Jérémie, Jonas… Elie espérait la mort dans le désert…. Mais, devant l’appel de Dieu, ils finissent par dire : « Me voici, envoie-moi », « Tu m’as séduit ».
Nous sommes appelées à reproduire avec courage, l’audace, la créativité et la Sainteté de nos Fondateurs, répondant aux signes des temps qui surgissent en notre monde, avec une fidélité dynamique à notre charisme adapté aux situations et aux nécessités de notre temps[2].
Le Concile nous dit :
« L’avenir de l’humanité appartient à ceux qui sauront donner aux générations futures des raisons de vivre et des raisons d’espérer » [3].
Jean Paul II nous a dit :
« C’est l’heure d’une nouvelle “imagination de la charité” » [4]
Nous offensons le Créateur et le Sauveur quand nous nous abandonnons aux pessimismes historiques : pour rien au monde le pessimisme ne favorise la philosophie de la vie chez les personnes qui ne croient pas en Dieu.
Dans l’esprit de Jésus, nous devons cultiver cette espérance qui nous permet, comme l’affirme Paul dans sa lettre aux Romains, de regarder avec confiance l’avenir de la création et de l’humanité qui, bien que gémissant dans les douleurs de l’enfantement, est en chemin vers la libération. (Cfr. Rm 8,18-23). L’espérance du Royaume ne se vérifie pas dans la résignation passive mais dans l’anticipation de ce Royaume à travers les libérations concrètes, partielles, si petites qu’elles soient, mais ouvertes à un avenir de plénitude.
Souvenons-nous que le prophète n’est pas seulement celui qui voit ; dans sa vie, il essaie aussi de rapprocher la réalité du rêve et ceci est l’espérance, l’utopie chrétienne. Pour cela, Il est disposé à perdre la vie d’un coup ou goutte à goutte.
Le prophète a une sensibilité distincte ; en son cœur s’allume la certitude que la créativité de Dieu ne peut demeurer captive. Il s’agit d’être toujours attentifs, réveillés, regardant la réalité avec des yeux nouveaux, parce que à tout moment peut jaillir l’inespéré, le surprenant [5].
Ecoutons le prophète Joël :
« Les jeunes auront des visions, les anciens des songes » (Jl 3,1).
Rappelons-nous que pour le peuple d’Israël, les « visions », les « songes » étaient des communications divines. Notre monde, les pauvres, l’Eglise, ont le droit et ont besoin de nos visions et de nos songes. Ce texte du prophète Joël, nous invite à rêver avec Dieu les songes que Dieu rêve pour son peuple, à pré-voir un monde meilleur et à travailler de toutes nos forces pour que ces rêves deviennent réalité. N’est-ce pas ce qu’a fait Vincent de Paul, ce qu’ont réalisé tant de prophètes qui nous ont précédés dans le charisme vincentien ?
Quand il nous semble avoir des visions, quand nous rêvons de choses meilleures pour les pauvres que Dieu nous a confiés et que cela nous semble impossible, reconnaissons en elles les rêves de Dieu et luttons pour qu’elles deviennent réalité. Approfondissons la Parole de Dieu, approfondissons la DSE, approfondissons notre charisme et nous verrons comme cela nous stimulera pour que nos songes et visions soient grands et soient le meilleur pour chacun des pauvres que Dieu nous a confiés.
Qu’il en soit ainsi.
[1] Idem, 363.
[2] V.C.37
[3] G.S. 31
[4] N.M.I, 50
[5] B. GONZALEZ BUELTA, Voir ou périr.