En l’année 1623, le jour de sainte Monique, Dieu me fit la grâce de faire vœu de viduité si Dieu appelait mon mari.
Le jour de l’Ascension en suivant, j’eus un grand abattement d’esprit pour le doute que j’avais, si je devais quitter mon mari, comme je le désirais fortement pour réparer mon premier vœu1
et avoir plus de liberté de servir Dieu et le prochain.
Je doutais encore que l’attache que j ‘avais à mon directeur2 m’empêchât d’en prendre un, lui absent pour longtemps, et craignais y être obligée.
Et j’avais encore une grande peine pour le doute de l’immortalité de l’âme. Ce qui me fit être, depuis l’Ascension jusqu’à la Pentecôte, en une peine incroyable.
Le jour de la Pentecôte3, oyant la Sainte Messe ou faisant l’oraison à l’église4, tout en un instant, mon esprit fut éclairci de ses doutes.
Et (je) fus avertie que je devais demeurer avec mon mari, et qu’un temps devait venir que je serais en état de faire vœu de pauvreté chasteté et obéissance, et que je serais en une petite communauté où quelques-unes feraient le semblable. J’entendais lors être en un lieu pour servir le prochain, mais je ne pouvais entendre comme cela se pourrait faire à cause qu’il y devait avoir allant et venant.
Je fus encore assurée que je devais demeurer en repos sur mon directeur et que Dieu m’en donnerait un5 qu’il me fit voir, ce me semble, et sentis répugnance d’accepter, néanmoins j’acquiesçai et me semblait que c’était pour ne pas encore devoir exécuter ce changement.
Ma troisième peine me fut ôtée par l’assurance que je sentis en mon esprit que c’était Dieu qui m’enseignait ce que dessus, et que, y ayant un Dieu, je ne devais douter du reste.
J’ai toujours cru avoir cette grâce du Bienheureux Monseigneur de Genève6, pour avoir, avant sa mort, grandement désiré lui communiquer ces peines et, depuis, y avoir senti une grande dévotion, et reçu par ce moyen beaucoup de grâces, et en ce temps j’eus quelque sujet de le croire dont il ne me souvient pas maintenant.
- Louise de Marillac (12 août 1591-15 mars 1660) avait désiré être religieuse capucine. Elle en avait, sans doute, fait la promesse à Dieu. Mais le Père de Champigny, son premier conseiller, lui déclara que sa santé ne lui permettait pas d’être religieuse.
Sur les conseils de sa famille, Louise épousa le 5 février 1613 Antoine Legras, secrétaire de la reine Marie de Médicis. Son fils Michel naquit le 18 octobre suivant.
- Pierre Camus, Evêque de Belley, proche des Marillac et ami de François de Sales.
- Le dimanche 4 juin 1623.
- Eglise Saint-Nicolas-des-Champs, rue Saint-Martin, la paroisse de Mademoiselle Legras.
- Vincent de Paul était alors précepteur chez les de Gondi dont l’hôtel était situe sur la paroisse Saint-Sauveur.
- François de Sales, Évêque de Genève et fondateur de la Visitation, venait de mourir en décembre 1622