à Angers
De La Chapelle, ce jour, Sainte-Anne (26 juillet 1640).
Monsieur,
Je me suis bien aperçue de vos fréquentes visites hors la ville, et me semblait bien y avoir en nos filles un peu de détraquement*; je ne sais si Monsieur Lambert1 y aura été, si il va, je vous supplie, très humblement, Monsieur, prendre la peine de lui parler bien ouvertement de leur état, tant en général qu’en particulier. Je loue Dieu de tout mon cœur que cette bonne fille se soit donnée au service des Pénitentes. Je vous assure que si j’avais été sur les lieux et qu’elle m’en eût parlé, je crois que je lui aurais persuadé si j’eusse pu, comme vous savez que, y étant je ne lui ai point du tout parlé de demeurer avec nous, ni à d’autres que j’eusse bien désirées pour la seule considération de cet établissement. N’est-il pas raisonnable, Monsieur, de servir toutes les âmes que Dieu a rachetées ? Celles qui sont à Angers me sont aussi chères que celles d’ailleurs, et si j’osais je dirais un peu plus. Mais il y va de mon intérêt pour l’honneur et charité que j’y ai reçus. Donc Monsieur, que la très sainte volonté de Dieu se fasse en nous, et de nous, au temps et en l’éternité. Je n’ai point aucune pensée pour les filles dont votre charité me fait l’honneur de m’écrire je ne sais si ce n’est point que mon esprit s’attend que vous prendrez la peine de m’en donner plus de connaissance. Il me semble que je redouterais presque également un esprit qui, par je ne sais quel mouvement, n’appréhenderait rien, comme celui, qui par prudence humaine, voudrait un peu connaître pourvu qu’elle cédât. J’appréhende les personnes qui ont servi, et demeurent dans des villes; néanmoins l’esprit de Dieu s’épand partout.
Je n’ai point eu l’honneur de voir celui que vous avez chargé d’avoir les Psaumes de feu Monsieur de Marillac2. Je ne sais s’il s’en vend encore, car pour ses œuvres de Job, elles n’ont point eu de lumière3. Mon fils m’a dit que Monsieur votre neveu s’en retournait bientôt, je le chargerai du livre que j’ai, si je n’en puis recouvrer d’autre. Voyez, Monsieur, avec quelle liberté je vous parle, et dont j’use à votre endroit. Je serais bien aise à votre retour de d’apprendre de vous quelque vérité de ce lieu-là. Permettez-moi de recommander toujours nos pauvres filles à votre charité. Je crois que Monsieur Tonnelier4 ne gâtera rien. Croyez-moi toujours en l’amour de Jésus Crucifié, Monsieur, Votre très humble fille et obéissante servante .
- Monsieur Lambert, voir p. 27.
- Michel de Marillac (1563-1632) le garde des Sceaux*. Homme d’une grande profondeur spirituelle il travailla dans sa prison à Châteaudun à un traité sur la vie éternelle. Il entreprit aussi la traduction du livre de l’lmitation de Jésus-Christ, des Psaumes et du livre de Job. Sa belle-fille qui l’avait rejoint à Châteaudun se chargea de la publication des livres.
- La publication n’est pas encore faite.
- Monsieur Tonnelier, confesseur des Sœurs à l’hôpital d’Angers.