Louise de Marillac, Lettre 0033: à Monsieur Vincent

Francisco Javier Fernández ChentoÉcrits de Louise de MarillacLeave a Comment

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Author: Louise de Marillac .
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Ce jour, Saint-Denis (1640).

Monsieur,

Les amis de la mère d’un de nos enfants presse fort d’accorder* les poursuites que l’on a commencées contre elle, quoique absente, et demande que l’on leur propose ce que l’on désire pour la sortir d’affaire ; il y a un bénéficier1 qui s’en mêle et le maître de ladite femme; j’ai promis de dire la réponse, savoir, si pour servir d’exemple aux autres l’on procédera par les voies de la justice, qui la scandalisera tout à fait; ou bien si l’on prendra la voie plus douce qui est de demander qu’elle paie les frais, qu’elle reprenne son enfant, en baillant personne solvable, qui réponde qu’elle ne fera aucun mal à l’enfant mais qu’elle l’élèvera, comme elle est obligée, et qu’elle donne à la maison quelque aumône et s’il vous plaît me mander * de quelle somme.

Je crois que ceux qui s’en mêlent la paieront, c’est pourquoi je pense qu’il la faudrait demander bonne; ou bien, Monsieur, avant de faire ces demandes, leur demander qu’ils se taxent eux-mêmes, s’il vous plaît, sans déférence à d’autres, prendre la peine me mander tout cela, car Monsieur Leroy2 m’a mis cela entièrement à ma disposition.

J’entends toujours agir en cette œuvre après votre obéissance, comme en ayant charge des dames que je désirerais bien se trouver toutes les semaines à la maison, si vous êtes d’avis, après la résolution que vous m’aurez donnée je les avertirai d’y venir pour la résolution de cette affaire; ou vous prendrez la peine de faire dire à notre Sœur qu’elle les avertisse de se trouver demain qui est mercredi, d’y venir à onze heures, qui est l’heure que Monsieur Bret doit venir prendre la réponse que j’attendrai de votre charité.

Madame Turgis3 est arrivée, trouvez-vous bon que la bonne Sœur qu’elle a amenée avec elle fasse ici la retraite, avec celle qui vous a parlé à Saint-Marie, ou chez Monsieur le Commandeur défunt4. J’ai dit à la bonne Sœur de Saint-Germain5 que nous ne pouvions pas tenir à la maison des personnes mécontentes, ni qui mal édifiassent les autres Sœurs, et que si elle y voulait demeurer il fallait qu’elle changeât cela, et qu’elle ne fit point état d’aller servir les pauvres au moins de plusieurs années.

Notre argent est tout en monnaie de France, et fort peu d’or qui est de poids j’ai bien désir que Dieu s’en veuille servir, si c’est sa sainte volonté. J’ai vu Madame de Villeneuve6 qui m’a dit que l’on lui enseignait une maison à La Chapelle, je n’en sache point, si ce n’est la nôtre, s’il vous plaît d’y penser, qu’il serait nécessaire que nous vous disions toutes les incommodités et ce qui peut y accommoder, avant d’en sortir7 afin que nous n’y eussions point regret. Je supplie la bonté de Dieu que rien n’empêche ses desseins, et que je sois véritablement Monsieur, Votre très obéissante fille et servante.

  1. Bénéficier: possesseur d’un bénéfice ecclésiastique.
  2. Monsieur Leroy, l’un des Administrateurs de l’œuvre des Enfants Trouvés.
  3. Élisabeth Turgis arrive d’Angers (voir p. 17 et 39).
  4. Le commandeur de Sillery, mort le 26 septembre 1640.
  5. Paroisse de Paris.
  6. Madame de Villeneuve amie de Louise de Marillac, fonda en 1641 la congrégation des Filles de la Croix. Elle mourut le 15 janvier 1650.
  7. Il est question d’acheter une maison proche de Saint-Lazare pour y transférer la Maison-Mère des Filles de la Charité (Coste 11.130,133).

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