Section v : quelques exemples des fruits provenus de ces exercices en France
Le premier témoignage que nous produirons ici sera du même M. Vincent, dans une lettre qu’il écrivit à un prêtre de sa Compagnie qui était à Rome en l’année 1655, où il lui parle de l’abondance de son cœur, des bénédictions que Dieu versait sur ces exercices des ordinands dès leurs premiers commencements.
« Il faut que vous sachiez, lui dit-il, ce que je pense ne vous avoir pas encore écrit, qu’il a plu à la bonté de Dieu donner une bénédiction toute particulière, et qui n’est pas imaginable, aux exercices de nos ordinands; elle est telle que tous ceux qui y ont passé, ou la plupart, mènent une vie telle que doit être celle des bons et parfaits ecclésiastiques. Il y en a même plusieurs qui sont considérables pour leur naissance, ou pour les autres qualités que Dieu a mises en eux, lesquels vivent aussi réglés chez eux que nous vivons chez nous, et sont autant et même plus intérieurs que plusieurs d’entre nous, n’y eût-il que moi-même. Ils ont leur temps réglé, font oraison mentale, célèbrent la sainte messe, font les examens de conscience tous les jours comme nous; ils s’appliquent à visiter les hôpitaux et les prisons, où ils catéchisent, prêchent, confessent, comme aussi dans les collèges, avec des bénédictions très particulières de Dieu. Entre plusieurs autres, il y en a douze ou quinze dans Paris qui vivent de la sorte, et qui sont personnes de condition; ce qui commence à être connu du public. Or, ces jours passés, un d’entre eux, parlant de !a manière de vie que menaient ceux qui avaient passé avec lui par les exercices des ordinands, proposa une pensée qu’il avait eue de les lier ensemble par manière d’assemblée ou de compagnie, ce qui a été fait avec une satisfaction particulière de tous les autres. Et la fin de cette assemblée est de vaquer à leur propre perfection, à moyenner que Dieu ne soit point offensé, mais qu’il soit connu et servi dans leurs familles, et à procurer sa gloire dans les personnes ecclésiastiques et parmi les pauvres: et cela sous la direction d’une personne de céans, où ils doivent s’assembler tous les huit jours. Et parce que Dieu a béni les retraites que plusieurs curés de ce diocèse ont faites ici, ces messieurs ont désiré faire de même, et ont en effet commencé. Or, il y a sujet d’espérer de grands biens de tout ceci, s’il plaît à Notre-Seigneur donner sa bénédiction à son œuvre, que je recommande particulièrement à vos prières. »
Voila quels ont été les premiers fruits des exercices des ordinands, que M. Vincent a eu la consolation de recueillir des premiers services qu’il leur a rendus, qui ont eu des suites si avantageuses à l’Église que ces exercices ont toujours continué depuis ce temps-là, non seulement à Paris, mais aussi en plusieurs autres diocèses, tant de France que d’Italie, même à Rome, où il y a des prêtres de la Congrégation de la Mission, lesquels, animés de l’esprit de leur saint fondateur et instituteur, et dressés de sa main, travaillent avec la même bénédiction pour procurer que l’Église soit remplie de bons prêtres; ce qui s’est même répandu en beaucoup d’autres lieux où les prêtres de la Mission ne sont point encore établis, et où MM. les prélats font faire les exercices de l’ordination, à l’exemple et sur le modèle de ceux que M. Vincent a commencés et que les siens continuent en tous les lieux où ils travaillent.
Nous joindrons au témoignage de M. Vincent celui de quelques autres ecclésiastiques.
Messire Henri-Louis Chastaigner de la Roche-Pozay, évêque de Poitiers, ayant envoyé ses ordinands à Richelieu, où les prêtres de la Mission leur firent faire les mêmes exercices qu’à Paris, le supérieur de Richelieu en écrivit à M. Vincent au mois de juin 1649 en ces termes: « Nous n’avons, dit-il, que quarante-trois ordinands, dont la modestie commence à donner une merveilleuse édification, en sorte que les peuples qui les voient à l’office divin ne peuvent retenir leurs larmes de tendresse, voyant l’ordre, la décence, la dévotion avec laquelle ils y assistent; si bien qu’il semble à ces bonnes gens voir non des hommes, mais des anges du Paradis. A Dieu seul en soit la gloire, et à M. le cardinal de Richelieu, qui nous a établis ici, le mérite et la récompense; et à nous, la honte et la confusion devant les puissances célestes et terrestres, d’être employés à un si haut ministère. »
Au mois de décembre de l’année suivante 1643, M. Vincent reçut une lettre de la part de Mgr l’évêque d’Angoulême, par laquelle, entre plusieurs autres considérations, pour le porter à consentir à l’établissement des prêtres de sa Congrégation dans son diocèse, il lui représente la bénédiction que Dieu avait donnée aux exercices des ordinands commencés le même mois, laquelle bénédiction il dit avoir été si grande, qu’il n’y avait personne dans la ville d’Angoulême qui n’en louât et bénit le saint nom de Dieu, et qui ne souhaitât la continuation d’un si grand bien.
En la même année 1643, M. Eléonor d’Estampes, archevêque de Reims, ayant désiré que M. Vincent lui envoyât de ses prêtres pour faire les mêmes exercices aux premières ordinations qu’il devait faire en ce diocèse, où il était nouvellement établi, lui écrivit en ces termes: « Je ne saurais assez vous remercier de la faveur que vous m’avez faite, de m’envoyer de vos Missionnaires pour faire faire les exercices à mes ordinands. Je vous assure que j’en avais un très grand besoin, et ils ne pouvaient aller en lieu où ils fussent plus nécessaires. Ils vous feront eux-mêmes le rapport des grands fruits qu’ils y ont faits. »
En la même année 1643, les mêmes exercices des ordinands ayant été commencés par les prêtres de la Mission en la ville de Noyon, les ecclésiastiques de la conférence de cette même ville en écrivirent à M. Vincent en ces termes: « Si les actions de grâces doivent correspondre à la grandeur des bienfaits reçus, la compagnie ne peut qu’ellee ne demeure court dans les devoirs qu’elle est obligée de vous rendre pour l’édification singulière qu’elle a reçue de vos prêtres en la conduite et instruction des ordinands. Il y a bien longtemps que nous souhaitions cette bénédiction de votre part; mais maintenant que la compagnie en a ressenti les effets avantageux, elle les estime et les chérit à si haut point, qu’elle manque de paroles pour vous en exprimer ses sentiments. »
Et un très vertueux ecclésiastique de cette même conférence, dans une lettre particulière qu’il écrivit à M. Vincent sur le même sujet: « Je voudrais, lui dit-il, pouvoir trouver des termes qui fussent suffisants pour exprimer la consolation et l’édification qu’ont reçue, non seulement les ordinands, mais encore ces messieurs de la conférence, des entretiens que nous a faits M. N. de votre compagnie. Il a tellement touché les cœurs, que ces messieurs ne se sauraient lasser d’en parler. Et, parmi les ordinands, il y en avait plusieurs, lesquels, fâchés de ce qu’on les assujettissait à faire ces exercices, s’étaient proposé, avant d’y entrer, de ne point faire du tout de confession générale, et d’autres de ne la point faire à vos prêtres; mais après avoir entendu les entretiens, ils en ont été si fortement touchés, qu’ils ont avoué et déclaré tout haut, en la présence des autres, leurs mauvaises intentions, et ensuite la résolution contraire qu’ils avaient prise de faire leur confession générale, et même de la faire aux prêtres Missionnaires, ce qu’ils disaient tous, fondant en larmes, tant ils étaient touchés. Je vous rends donc des actions de grâces infinies pour votre grande charité envers nous, tant de ma part que de celle de ces messieurs, qui m’ont chargé de vous écrire pour vous témoigner la satisfaction qu’ils en ont reçue. »
Au mois de mai de l’année 1644, M. Vincent avait envoyé deux prêtres de sa Congrégation à Chartres au sujet des mêmes exercices que messire Jacques Lescot, qui en était pour lors évêque, désirait que l’on fit à ses ordinands; ils y travaillèrent avec tant de bénédiction, que ce grand prélat lui en fit des remerciements par lettre en ces termes: « Les deux Missionnaires que vous m’avez fait l’honneur de m’envoyer ici, pour les ordres de la Pentecôte, sont des ecclésiastiques très honnêtes, sages, capables, soigneux et zélés: aussi ont-ils fait, grâce à Dieu, de très grands fruits, dont je vous en suis infiniment obligé, avec tout ce diocèse, que je trouve assez porté au bien; mais il nous faut de l’assistance,. que j’attendrai, s’il vous plaît, Monsieur, de votre charité, qui est si générale et si grande que vous ne la refusez à personne. »
Au mois de mars I645, Mgr l’évêque de Saintes écrivant à M. Vincent pour le remercier des prêtres de sa Congrégation qu’il lui avait envoyés pour les mêmes exercices: « Nos ordinands, lui dit-il, vont avec une merveilleuse bénédiction, et il y a maintenant autant de presse pour être reçu à ces exercices qu’il y avait ci-devant de difficulté dans les particuliers pour les y faire entrer. »
Il faudrait des volumes entiers si l’on voulait rapporter en détail tous les bons effets que ces exercices ont produits en tous les lieux où ils ont été mis en usage, et toutes les grâces et bénédictions qu’ont reçues ceux qui n’y ont point mis empêchement, lesquelles ont paru même à l’extérieur, après leur ordination, dans le changement de leur vie et dans la pratique de toutes les vertus ecclésiastiques. Il nous suffira de dire que ces exercices ont été tellement approuvés et goûtés par les prélats de ce royaume, qu’il a été impossible à M. Vincent, faute d’ouvriers, de satisfaire à tous ceux qui lui en ont demandé pour travailler à ces exercices dans leurs diocèses, et qu’une approbation si générale de ce bien est une marque évidente de son excellence et de son utilité.