Jesus missionnaire (I)

Francisco Javier Fernández ChentoFormation VincentienneLeave a Comment

CRÉDITS
Auteur: Antoine Douaihy .
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jesusCe nom de «Prêtres de la Mission» qui nous a été donné par le contrat de notre fondation signé entre Messire Vincent de Paul et M. et Mme de Gondi, le 17 avril 1625 (SV. XIII, 197), était si cher au coeur de Saint Vincent qu’il s’est, par exemple, battu pour empêcher d’autres Congrégations de le porter ou même de porter un nom apparenté (cf. IV, 292­296). Il a même voulu qu’on nomme « Mission » même les séminaires, car, pour lui ;

«Souvent les ouvriers tirent leur nom de celui de leurs ouvrages» (SV. III, 356)

En instituant la Compagnie, Saint Vincent a voulu faire ce que le Fils de Dieu est venu faire sur terre : Évangéliser les pauvres.

Je divise cette dernière partie en trois volets :

  1. L’objectif de l’évangélisation.
  2. Le contenu de cette évangélisation.
  3. L’Esprit de l’évangélisation

A. Objectifs de l’evangelisation

Pour Saint Vincent, évangéliser c’est :

1. Poursuivre l’oeuvre du Fils de Dieu

Il s’agit de pousser l’imitation du Christ non seulement jusqu’à l’identification personnelle à sa personne, mais aussi jusqu’à épouser le plan du salut conçu par le Père et entrer pleinement dans sa réalisation.

Certes, ce plan du salut s’étend à tous les hommes et à toutes les créatures, car il est Mystère d’amour qui appelle tous les hommes à se rassembler dans l’unité de la communion révélée en Jésus Christ. Cependant, Jésus a donné l’évangélisation des pauvres comme le signe de sa messianité et le sceau de la véridicité de son envoi par le Père (Matthieu 11,2-6). Et c’est cet aspect-là que retient essentiellement Saint Vincent :

«Notre Seigneur demande de nous que nous évangélisions les pauvres ; voilà ce qu’il a fait et ce qu’il veut continuer de faire par nous. Nous avons grand sujet de nous humilier ici, voyant que le Père éternel nous applique aux desseins de son Fils, qui est venu évangéliser les pauvres et qui a donné cela pour marque qu’il était le Fils de Dieu et que le Messie qu’on attendait était venu» (SV. XII, 79).

Cette oeuvre de l’évangélisation des pauvres doit être notre « principal », comme elle le fut pour Jésus. À un objecteur imaginaire qui ne voit pas la spécificité d’appartenir à la Congrégation de la Mission, puisque beaucoup de prêtres évangélisent les pauvres, Saint Vincent réplique :

«Cela est vrai, mais il ne se trouve en l’Église de Dieu aucune Compagnie qui ait pour son partage les pauvres et qui se donne toute aux pauvres pour ne jamais prêcher aux grandes villes ; c’est de quoi les missionnaires font profession ; cela leur est particulier d’être, comme Jésus Christ, appliqués aux pauvres. Notre vocation donc est une continuation de la sienne, ou, pour le moins, elle lui est rapportant dans ses circonstances… Faire connaître Dieu aux pauvres, leur annoncer Jésus Christ, leur dire que le Royaume des Cieux est proche et qu’il est pour les pauvres. Oh ! que cela est grand ! Mais que nous soyons appelés pour être consorts et participants aux desseins du Fils de Dieu, cela surpasse notre entendement» (SV. XII, 79­80).

De plus, ce travail revêt beaucoup d’importance puisque Dieu compte sur nous pour le réaliser :

«Malheur à nous, dit Saint Vincent à ses missionnaires, si nous nous rendons lâches à nous acquitter des obligations que nous avons de secourir les pauvres âmes ! Car nous nous sommes donnés à Dieu pour cela, et Dieu se repose sur nous» (SV. XI, 135).

Vouloir que le Christ continue à parler à travers lui et à travers la Compagnie et que se poursuive ainsi l’oeuvre du salut de l’homme, voilà le point focal de la vie de Saint Vincent. En effet, ni l’usure de l’âge, ni la maladie ne doivent être des empêchements à ce travail d’évangélisation des pauvres. Le succès missionnaire de l’un de ses confrères lui donne

«De si grands désirs de pouvoir, parmi mes petites infirmités, aller finir ma vie auprès d’un buisson, en travaillant dans quelque village, qu’il semble que je serais bien heureux, s’il plaisait à Dieu de me faire cette grâce» (SV., V, 204).

Le travail d’évangélisation des pauvres, de tout pauvre, est si important aux yeux de Saint Vincent qu’il n’a pas peur de le défendre avec une virulence qui frise parfois la violence verbale, contre ses détracteurs d’alors et contre ceux qui feront partie de la Congrégation de la Mission à l’avenir. Face au danger d’un éventuel objecteur qui voudrait bien évangéliser les pauvres, mais ne pas s’encombrer de la formation du clergé, ni de servir les Filles de la Charité, ni de la charge d’un hôpital, ni de s’occuper des aliénés, ni des enfants trouvés, ni des victimes de la guerre, ni des prisonniers, ni des missions «ad gentes», Saint Vincent appelle la Congrégation de la Mission à la plus grande vigilance, à la fidélité à sa vocation première et à se défendre avec force contre de tels détracteurs :

«Je vous en avertis, mes frères, avant que je vous quitte, j’ai connu que plusieurs d’entre vous s’élèveront pour séduire les autres ; ils feront ce que je vous défends et ne feront pas ce que je vous recommande de la part de Dieu. Gardez-vous bien de vous laisser surprendre… Après que je m’en serai allé, il viendra des loups ravissants, et d’entre vous se lèveront de faux frères qui annonceront choses perverses et qui vous enseigneront le contraire de ce que je vous ai dit ; mais ne les écoutez pas, ce sont de faux prophètes. Il se trouvera de même, mes frères, des carcasses de missionnaires qui tâcheront d’insinuer de fausses maximes pour ruiner, s’ils peuvent, ces fondements de la Compagnie ; à ceux-là il faut leur résister… S’il arrivait qu’on proposât ci-après en la Compagnie d’ôter cette pratique, de quitter cet hôpital, de rappeler les ouvriers de Barbarie, de se tenir ici, de n’aller pas là, d’abandonner cet emploi et de ne courir pas aux besoins éloignés, qu’on dise hardiment à ces faux frères : «laissez-nous en l’état où Notre seigneur était sur la terre ; nous faisons ce qu’il a fait ; ne nous empêchez pas de l’imiter…

«Qui sera-ce qui nous détournera de ces biens commencés ? Des esprits libertins, libertins, qui ne demandent qu’à se divertir, et, pourvu qu’il y ait à dîner, ne se mettent en peine d’autre chose… Ce seront des gens mitonnés, des gens qui n’ont qu’une petite périphérie, qui bornent leur vue et leurs desseins à certaine circonférence où ils s’enferment comme en un point ; ils ne veulent sortir de là ; et si on leur montre quelque chose au-delà, et qu’ils s’en approchent pour la considérer, aussitôt ils retournent en leur centre, comme les limaçons en leur coquille» (SV. XII, 90-93).

2. Rendre effectif l’Évangile

Saint Vincent était préoccupé, surtout au début de son engagement missionnaire, par l’ignorance dans laquelle était le peuple de France des Mystères du salut. Il croyait, comme on l’enseignait alors, que ceux qui ignoraient ces Mystères, alors qu’ils pouvaient les connaître, étaient irrémédiablement damnés. Il écrivait en 1631 à M. François du Coudray à Rome :

«Vous dévez faire entendre que le pauvre peuple se damne, faute de savoir les choses nécessaires à salut et faute de se confesser… Et que c’est la connaissance qu’on en a eue qui a fait ériger la Compagnie pour, en quelque façon, y remédier ; que, pour ce faire, il faut vivre en congrégation» (SV. I, 115).

Mais, sous le coup des événements douloureux que traversait la France : misère des malades, déchéance des galériens, le nombre et le sort des enfants trouvés, les conséquences de la guerre intestine…, le cri des pauvres était devenu si fort et si lancinant que les horizons de Saint Vincent se sont spontanément élargis et approfondis : il ne lui suffisait plus d’évangéliser par paroles, il fallait y ajouter les œuvres:

«S’il s’en trouve parmi nous, dit-il aux missionnaires, qui pensent qu’ils sont à la Mission pour évangéliser les pauvres et non pour les soulager, pour remédier à leurs besoins spirituels et non aux temporels, je réponds que nous les devons assister et faire assister en toutes les manières, par nous et par autrui… Faire cela c’est évangéliser par paroles et par oeuvres, et c’est le plus parfait, et c’est aussi ce que Notre Seigneur a pratiqué, et ce que doivent faire ceux qui le représentent sur la terre d’office et de caractère, comme les prêtres» (SV. XII, 87 – 88).

C’est ce que Saint Vincent appelle «rendre effectif l’Évangile» (SV. XII, 84), c’est-à-dire comme il l’explique lui-même : «Faire les choses prédites et figurées par les prophètes», comme le passage d’Isaïe 60, cité par Luc 4, 18.

3. Transformer l’homme

Le dernier objectif de l’évangélisation est la transformation radicale de l’homme, sa conversion, afin qu’il réalise dans tous les secteurs de sa vie (individuelle, sociale, culturelle…) sa divinisation et sa filiation divine.

Se convertir c’est déconstruire sa personnalité et sa vie afin de les reconstruire selon d’autres bases et d’autres valeurs.

«L’Église évangélise, (écrit Paul VI dans «Evangelii Nuntiandi»), lorsque, par la seule puissance divine du Message qu’elle proclame, elle cherche à convertir en même temps la conscience personnelle et collective des hommes, l’activité dans laquelle ils s’engagent, la vie et le milieu concrets qui sont les leurs. Pour l’Église, il ne s’agit pas seulement de prêcher l’Évangile dans des tranches géographiques toujours plus vastes ou à des populations toujours plus massives, mais aussi d’atteindre et comme de bouleverser par la force de l’Évangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêts, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité, qui sont en contraste avec la parole de Dieu et le dessein du salut» (n° 18-19).

Saint Vincent ne dit pas autre chose quand il rappelle à ses Filles :

«L’amour des Filles de la Charité n’est pas seulement tendre ; il est effectif parce qu’elles servent effectivement les pauvres, corporellement et spirituellement. Vous êtes obligées de leur apprendre à bien vivre, je dis, mes soeurs, à bien vivre; c’est ce qui vous distingue de bien des religieuses» (SV. IX, 593).

En effet, c’est au niveau du « coeur », de l’intériorité la plus profonde, que se noue la rencontre entre l’homme et l’Évangile (Matthieu 5 ; 6,19-23). Seule une réponse d’amour à l’amour de Dieu révélé en Jésus Christ instaurera une relation authentique entre le message et son destinataire. En ce sens, la charité sera la véritable ‘forme’ de l’existence chrétienne (1 Corinthiens 13) ; elle est le fruit de l’action permanente de l’Esprit qui renouvelle l’homme au plus intime de lui-même pour le rendre toujours plus participant au Mystère du Christ (Romains 5,5)».

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