Macao, le 13 septembre 1835.
Mon très cher frère,
La grâce de N. S. soit toujours avec nous.
La lettre que j’écrivis à Papa de Java vous apprenait que j’étais déjà parvenu plus loin que notre bon frère Louis, Dieu ne m’ayant pas jugé digne du Ciel comme lui. Celle-ci vous apprendra que je suis maintenant arrivé sain et sauf jusqu’aux portes de la Chine. Nous sommes à Macao depuis le 29 du mois d’août. Dieu nous a protégés pendant toute notre traversée, et quelque longue qu’elle ait été, je me suis même mieux porté à la fin qu’au commencement. Ne croyez donc pas qu’aller en Chine, c’est aller à la mort. Mes confrères qui sont venus dans ce pays y vivent comme ailleurs, et quelques fatigues qu’ils aient à essuyer, ils sont très contents d’avoir fait le sacrifice de tout pour apporter la lumière de la foi parmi les Infidèles.
Vous reconnaissez que Notre Seigneur m’a fait une grande grâce en me donnant la même vocation ; j’espère que vous finirez par vous en réjouir.
Vous savez bien que notre vrai bonheur ne consiste pas à avoir toutes sortes de consolations en ce monde, mais à faire la volonté de Dieu, à le servir et à le faire servir autant que nous le pouvons. Vous m’avez dit qu’en partant, je vous priverais des bons avis que je pouvais vous donner en France. D’abord il faut vous rappeler que Dieu a spécialement chargé de votre salut votre pasteur et votre confesseur. C’est à eux que vous devez souvent recourir pour recevoir leurs instructions et leurs conseils. Si donc vos affaires spirituelles n’allaient pas, il faudrait l’attribuer à votre négligence et non au défaut de moyens salutaires et à mon éloignement. D’ailleurs, éloigné comme rapproché, je ne cesserai de vous exciter et de vous encourager à la vertu et à la pratique de tous vos devoirs.
Notre respectable cousin, M. le Curé de Catus, voudra bien aussi vous rendre ce même service. Présentez-lui mes hommages, ainsi qu’à M. le Curé de Mongesty ; à nos oncles, à nos autres parents.
J’embrasse Papa, Maman et toute la famille au Puech et à la Bastidette-Haute1.
Allons, vivez tous en paix et dans la crainte du Seigneur. Je ne vous oublie pas dans mes prières, et je serai toujours votre tout dévoué et affectionné frère,
J.G. Perboyre.
Suscription : Monsieur Monsieur Antoine Perboyre. Au Puech, Commune de Mongesty. Par Catus-Lot.
Lettre 65. — Maison-Mère, original 52.