Le Havre, 18 mars 1835.
Mon très cher oncle,
Me voici au Havre depuis avant-hier au soir. Nous avions besoin d’être ici quelque temps avant l’embarquement pour faire nos petits préparatifs. Notre navire, l’Edmond, est déjà chargé et on n’attend plus pour se mettre en mer que le moment où le vent deviendra favorable. C’est pourquoi je m’empresse de vous adresser encore mes adieux avant de quitter cette patrie qui va cesser d’être la mienne. Comme je vous l’avais annoncé, nous partons huit missionnaires, tous pleins de joie et de courage. Je réclame de nouveau le secours de vos saintes prières. Vous sentez combien nous avons besoin de l’assistance de N. S. Le vaisseau qui nous conduit est le même qui conduisit, l’année dernière, M. Baldus à Batavia, en trois mois. Les chefs sont tout à fait braves gens, les matelots paraissent très disposés à nous respecter ; il n’y aura pas d’autres passagers que les missionnaires. Je vous donnerai de mes nouvelles à la première occasion que je rencontrerai, de Batavia, de Manille ou de Macao. Grâces aux soins de M. le Curé de Catus, mes parents après avoir beaucoup pleuré se sont parfaitement résignés. J’ai laissé aussi mon frère et ma sœur très bien disposés. Dieu veuille les bénir tous ! Mon cousin de Montdidier s’est donné la peine de venir jusqu’à Paris pour me voir, nous avons passé quelques jours ensemble. J’ai appris depuis la mort de son pauvre frère Louiset.
Avant de partir de Paris, j’ai reçu les 40 Fr. pour M. Etienne avec votre lettre.
M. Miquel est maintenant séminariste à Saint-Sulpice. Je lui ai parlé de la dette qu’il a contractée envers vous. Comme il ne paraît pas être bien à même de s’acquitter en ce moment, ou plutôt comme il avait quelque air de se croire quitte, je l’ai invité à vous écrire pour s’entendre avec vous.
D’après des lettres que nous avons reçues de Chine, les confrères, envoyés l’année dernière dans ces pays, y sont heureusement arrivés, et ont déjà reçu leur destination.
J’aurais bien désiré pouvoir écrire à M. Gratacap pour le remercier de tous ses soins envers vous, mais le temps qui vient de se changer en beau nous presse.
C’est vendredi matin, 20 mars1, que nous nous embarquons. Veuillez bien m’acquitter de nouveau auprès de lui et de toutes les personnes qui s’intéressent à moi. Je me recommande à leurs prières et aux vôtres, en l’union desquelles, je suis pour la vie, mon très cher oncle, votre très attaché, très reconnaissant et respectueux neveu,
J.G. Perboyre i. p. d. l. m.
Lettre 57. — Maison-Mère, original 46.