Mon très cher oncle
Je puis vous annoncer aujourd’hui une nouvelle que vous attendiez depuis quelque temps et qui vous fera plaisir : ma sœur Antoinette a pris hier le saint habit. Vous pouvez juger si elle est contente, et ses frères aussi. Nous espérons, mon très cher oncle, que vous voudrez bien vous unir à nous pour remercier le Seigneur de cette nouvelle faveur accordée à notre famille et pour le prier de bénir cette fille qui se consacre à lui sous les auspices de saint Vincent.
La voilà déjà sortie de la Communauté ; elle est venue tout à l’heure me faire ses adieux. Quoiqu’il soit onze heures du matin, elle pourra, même en allant à pied, arriver assez tôt à sa nouvelle destination pour dîner avant midi. Elle est placée au centre de Paris, dans l’île Saint-Louis. Sa supérieure s’est empressée de venir la chercher et de l’emmener avec ses futures compagnes. Elle sera très bien ; elle doit faire l’école. Outre la satisfaction que j’aurai de la voir de temps en temps, je suis bien aise de la savoir tout près du berceau.
M. le Général me charge de vous offrir ses amitiés et de vous demander quelques renseignements précis sur M. Bru qui s’était présenté à vous pour la Congrégation. Il paraît qu’il désire beaucoup entrer chez nous ; il se croit même déjà admis d’après une lettre que vous lui auriez écrite et dans laquelle vous lui auriez dit : « J’ai rempli votre commission… vous serez reçu à Saint-Lazare… lorsque vous aurez fait une partie de votre théologie, vous écrirez vous-même à M. le supérieur général ».
Il n’est pas possible que vous lui ayez donné ces assurances après m’avoir dit qu’il n’était pas recevable. Quoi qu’il en soit, pour que nous puissions motiver une réponse négative, ou, s’il y a lieu, lui laisser l’espoir d’être reçu à l’épreuve, veuillez bien me dire tout ce que vous en savez, ou pourriez en savoir par les Messieurs du Séminaire. Quelle est sa vertu, quels sont ses talents, quels ont été ses succès en philosophie, quel est son caractère, quel est son âge ? Pourquoi est-il venu au séminaire de Montauban, et pourquoi l’a-t-il quitté ? Si vos renseignements n’étaient pas décisifs, nous en demanderions au séminaire d’Alby. Dans tous les cas, vous ne serez pas compromis. Nous nous serions tenus à votre premier avis, si l’extrait vrai ou supposé de votre lettre dont j’ai parlé plus haut, ne semblait le contredire. Réponse aussitôt que vous pourrez.
La relation des miracles de la médaille n’est pas encore imprimée. Je vous en enverrai quelques exemplaires.
Nous allons à l’ordinaire. Un de nos jeunes confrères vient de partir pour la Chine. On a eu des nouvelles de MM. Laribe2 et Rameaux3. Ils sont fort contents.
Ils ont tout ce qu’un bon missionnaire peut désirer : beaucoup de travaux, de succès, de souffrances.
Mes respects à M. Gratacap, etc.
Votre très respectueux et très affectionné neveu,
J.G. Perboyre ind. p. d. l. C.M.
Paris, le 15 mars 1834
- Lettre 46. — Maison-Mère, original 37.
- Laribe (Bernard-Vincent), C.M., évêque, né à Souceyrac, arrondissement de Figeac, Lot, le 12 mai 1802 ; reçu au séminaire à Paris le 31 octobre 1823 ; il y fit les vœux le 1er novembre 1825. Arrivé à Macao le 3 mars 1832. Missionnaire au Kiang-si. Elu évêque de Sozopolis et coadjuteur du Tché-kiang — Kiang-si le 2 mars 1844 ; sacré par Mgr Rameaux le 13 mai 1845 ; lui succède le 14 juillet suivant ; vic. ap. du Kiang-si le 26 mars 1846. Décédé à Ou-tch’eng le 20 juillet 1850.
- Rameaux (François-Alexis), C.M., évêque, né à Desne-Bletzan, canton de Bletterans, Jura, le 24 mai 1802 ; reçu au séminaire à Paris le 20 juillet 1824 ; ordonné prêtre à Montauban en 1826 ; il fit les vœux le 22 juillet de la même année. Arrivé à Macao le 3 mars 1832. Missionnaire au Hou-pé et au Ho-nan. Elu évêque de Myre et vic. ap. du Tché-kiang- Kiang-si le 11 décembre 1838 ; sacré à Kesen, par Mgr Carpena Diaz, le 1er mars 1840. Décédé à Macao le 14 juillet 1845.