LVII. Dessein pris de la béatification de M. Vincent. Faveurs du St.-Siège
Tous ces différents emplois et Missions confiés aux prêtres de la Congrégation et auxquels M. Vincent avait donné lieu par l’érection de la Compagnie, firent naître dans l’esprit de quelques personnes la pensée de travailler à le faire béatifier par le St.-Siège, ayant mené une vie si édifiante et procuré de si grands biens à l’Église. Voyez de quelle façon cela arriva, ainsi que l’écrivit M. Pierron le 1er janvier 1702 : Un des prélats de la cour de Rome, nommé M. Bottini, promoteur pour les béatifications et canonisations des saints, nous fit faire de très grandes instances pour mettre les choses en état de travailler à la béatification de notre Vén[érable] Père, M. Vincent. Nous avons écrit où nous avons su quelques-uns de ceux qui avaient connu ce grand serviteur de Dieu. On pria entre autres les évêques qui avaient vécu de son temps, ou en avaient ouï parler, de rendre un témoignage juridique en faveur de la sainteté de ce vertueux prêtre ;qu’on fit ensuite imprimer ces témoignages à Rome, suivant la coutume, avec d’autres qu’on obtint dans la suite, des rois, des princes, des magistrats et autres personnes les plus respectables. Nous avons déjà, dit M. Pierron, les témoignages de quatre évêques de son temps et de quelques autres personnes de considération. Messeigneurs les évêques de Meaux, d’Autun, de Bayeux, St.-Malo, celui-ci mourut bientôt après la date de cette lettre, et d’Alet, l’ancien, nous ont aussi promis de nous en donner d’avantageux. Quand nous les aurons reçus, nous verrons quelle formalité il faudra ensuite observer. C’est là une des plus grandes affaires qu’ait jamais eues notre Congrégation ; elle sera d’une grande dépense et toutes nos maisons sont peu en état d’y satisfaire.
On ne laissa pas de l’entreprendre. M. Watel, successeur de M. Pierron, en écrivit dans la suite à toutes les maisons, et mêmes aux particuliers, qui auraient du bien pour les exhorter de contribuer à cette dépense, dont le succès pourrait faire honneur à toute la Compagnie. Et encore, après, on taxa encore chaque maison à fournir son contingent toutes les années, ce qu’on accepta volontiers, malgré lesguerres et les temps fâcheux. M. Pierron nomma un prêtre de la Mission pour procureur de cette affaire, qui fut d’abord M. [Pierre-Casimir] de Cès1, homme d’esprit et d’application. Il écrivit de tous côtés pour avoir des témoignages et des preuves de la sainteté et des miracles du serviteur de Dieu, afin de s’en servir utilement, mais depuis, on lui substitua M. Couty2, supérieur de Narbonne, qui se rendit pour cela à Rome, où le nouveau pontife, Clément XI, paraissait fort porté à faire réussir cette affaire, ayant dit, à ce qu’on assure, qu’il voulait béatifier M. Vincent. Il ne se lassait pas de faire de nouvelles grâces à là Congrégation ; ce qui parut par deux Brefs expédiés en faveur des Missionnaires. Le 1er est daté du 5 9bre 1701, où il marque que les indulgences étant un moyen pour redoubler la ferveur des Congrégations appliquées à procurer la gloire de Dieu et le salut du prochain dans l’exercice de leurs fonctions et voulant en accorder à la Congrégation de la Mission, qui travaille avec fruit au salut des âmes dans la vigne du Seigneur, il accorde à quiconque entreradorénavant dans ladite Congrégation, prêtre, clerc ou frère, indulgence plénière le jour de sa réception, après s’être confessé et avoir communié. De plus, semblable indulgence à ceux qui après deux ans de probation, recevront les mêmes sacrements et feront les quatre vœux ; et encore à l’heure de leur mort, si, ne pouvant se confesser et communier, ils invoquent le nom de Jésus au moins de cœur. De plus, semblable indulgence le jour de la Conversion de St.-Paul, en visitant dévotement depuis les premières vêpres jusqu’à soleil couchant de ladite fête, quelque église ou chapelle de ladite Congrégation, ou la paroisse, à son défaut, s’approchant de la confession et de la communion, et y priant avec dévotion pour la propagation de la Congrégation, l’union entre les princes chrétiens, l’extirpation des hérésies et l’exaltation de l’Église. Pareille indulgence, de même, chaque année, à ceux qui feront les huit jours de retraite ; et cent jours de pénitence chaque jour à ceux de la Congrégation qui feront fidèlement l’examen de conscience avec un ferme propos de se corriger et réciteront dévotement leslitanies de la sainte Vierge, priant pour les fins ci-dessus marquées.
Le second bref est daté du 14 janvier 1702, de même pour encourager à la ferveur dans les exercices spirituels, le St.-Père accorde non seulement à tous les Missionnaires, même frères, mais encore à tous les ecclésiastiques qui s’assemblent dans leur maison pour faire des réflexions spirituelles sur les fonctions de leur état, ou restent dans leur séminaire et qui vaqueront tous les jours, pendant un quart d’heure, à l’oraison mentale, 100 jours d’indulgence ; de plus, sept ans de pénitence, à ceux qui y emploieront une demi-heure, et indulgence plénière une fois chaque mois à ceux qui pendant un mois feront l’oraison mentale de suite une heure, ou du moins un quart d’heure chaque jour en se confessant et communiant et priant comme ci-dessus et Sa Sainteté permet d’appliquer cette indulgence par formede suffrage aux fidèles trépassés. Le premier bref est à perpétuité, le second seulement pour sept ans ; après lesquelles il faut le renouveler.
M. Pierron informa la Compagnie de ces grâces accordées par le St.-Père et y marqua qu’on n’avait pu les obtenir de son prédécesseur quoiqu’il ait été un des papes qui ait davantage favorisé la Congrégation. À Rome, on n’aime pas à expédier ces sortes de brefs à perpétuité en sorte qu’il ne soit pas nécessaire de les renouveler de temps en temps. Il y en a trois indulgences plénières dont notre Congrégation n’avait pas encore joui, savoir : celle en faveur des séminaristes internes ; l’autre pour le jour de la conversion de St.-Paul : le St.-Père oblige d’y prier pour l’heureux progrès et augmentation de la Compagnie, en ce jour que M. Vincent et toute la Congrégation à son exemple a toujours honoré avec une dévotion particulière comme celui du premier sermon des missions qui donna occasion à Madame la générale desgalères de fonder des missions, par où a commencé la Compagnie. La 3e indulgence, de cent jours, pour nous exciter à bien faire l’examen de conscience, et il faut réciter les litanies de la ste. Vierge ; comme on les omet les 4 derniers jours de la Semaine sainte et pendant tout le temps pascal, ceux qui voudront la gagner se souviendront de réciter ces jours-là les litanies en particulier. M. Pierron en joint ensuite aux supérieurs d’avoir soin de temps en temps d’exhorter la famille à profiter de ces grâces spirituelles, dont il a plu à Dieu de combler les Missionnaires, et pour cela de faire lire les susdits brefs pour le moins une fois l’année. Le second bref n’était pas encore obtenu dans le temps que M. Pierron écrivit cette lettre.