Histoire générale de la Congrégation de la Mission (55)

Francisco Javier Fernández ChentoHistoire de la Congrégation de la MissionLeave a Comment

CRÉDITS
Auteur: Claude-Joseph Lacour cm · Année de la première publication : 1897.
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LV. Nouveaux établissem[en]ts de la Compagnie

logocmQuelque court qu’ait été ce généralat, on ne laissa pas d’y voir de nouvelles maisons de la Congrégation, établies en France et dans les pays étrangers. En France, on envoya des Missionnaires à Fontenay-le-Comte dans le bas Poitou, et à Vannes, en Bretagne. Il y avait déjà assez longtemps que feu M. Jolly avait accepté un établissement pour Fontenay-le-Comte. On avait travaillé à unir un prieuré qui devait faire le fonds de cette maison, mais on fut obligé de plaiderMgr de Loménie de Brienne1, évêque de Coutances, et abbé de St.-Cyprien de Poitiers, avait quelque prétentions, et le procès ne put être vidé qu’après la mort de M. Jolly. M Pierron donna avis de ce nouvel établissement par sa lettre du 1er janvier 1700, en ces termes : Il y a environ 23 ans que M. Jolly avait passé le contrat de fondation pour une maison de mission à Fontenay-le-Comte ; mais y étant survenues diverses difficultés, cet établissement ne s’est pu faire que depuis peu ; nous y avons envoyé trois prêtres et deux frères, dans l’espérance qu’à l’avenir il y en aura un plus grand nombre ; ils furent très bien reçus de Mgr Charles-Magdeleine Frezeau de la Frezellière2, évêque de La Rochelle, qui les estime. M. Brier3, bon Missionnaire et doué d’une grande simplicité, fut là le premier supérieur. Ils achetèrent, quelques années après, la maison d’Haute-Roche, où ils sont passablement logés.

À Vannes, messire François d’Argouges4, qui en était évêque, avait déjà un séminaire bien bâti hors la ville et qui desservait une petite église voisine ; il était conduit par les prêtres du clergé. Sa Grandeur, qui remarquait que ses prêtres n’étaient pas bien stables et demandaient souvent des bénéfices peu après avoir commencé de travailler dans le séminaire, résolut de le remettre entre les mains d’une communauté, et choisit pour cela la Mission ; le général y envoya 4 prêtres avec des frères, en l’année 1702. Mgr l’évêque, en mourant, a laissé quelques sommes en faveur de ce séminaire, auquel était déjà uni un prieuré, au bout de l’île de Rhuys, sur la mer ; les Bénédictins en ont, depuis, contesté la jouissance, en produisant des titres estimés fabuleux, venant de certain roi Breton, plus ancien même que saint Benoît ; cela n’a pas laissé de fatiguer les Missionnaires qui, ayant leur cause produite au grand conseil, ont plaidé longtemps à Paris.

M. Pierron ajoute dans la susdite lettre : Je crois que M. Jolly écrivit aux maisons, quelque temps avant sa mort ; il avait augmenté la maison de Boulogne-sur-Mer pour faire des missions qu’ils font depuis ce temps avec des fruits extraordinaires, les peuples y étant très bien disposés ; nous leur avons joint un 4ème prêtre. Cetexemple a porté Mgr l’évêque d’Amiens5 et M. l’abbé de Riencourt, son Grand Vicaire, à fonder un 6ème prêtre pour aller en mission avec un des cinq déjà fondés pour le séminaire. Notre-Seigneur bénit les travaux de ces deux ouvriers qui sont actuellement en mission, aidés d’un externe que Monseigneur emploie pour cela, et nous avons lieu d’espérer que quelques personnes pieuses, voyant les fruits qui proviennent de ces fonctions, seront portées à en fonder un troisième.

Nous envoyâmes, il y a environ quinze mois, quatre prêtres à Toul, en Lorraine, pour travailler aux missions qui y sont fondées, et ils s’y appliquent avec grand fruit. Ainsi, tandis qu’on faisait de nouveaux établissements, les anciens s’augmentaient en nombres d’ouvriers pour faire de nouvelles fonctions.

De même en Italie et en Pologne. Celui de Rome reçut un notableaccroissement sous le Pontificat d’Innocent XII qui connut les Missionnaires mieux qu’il n’avait fait ci-devant, par la relation avantageuse que lui fit l’abbé Fabroni, pour lors Prélat, et depuis Cardinal. Il faut écouter M. Pierron qui en parle de la sorte dans la lettre déjà citée : N[otre] S[aint] P[ère] le Pape a donné à la maison de Rome, depuis quelques années, trente-quatre chapellenies de sept mille livres de rentes pour faire célébrer 24 messes chaque jour. M. Jolly était encore en vie ; c’était des fondations qu’on remit aux Missionnaires pour les faire acquitter, et dont ils profitent encore aujourd’hui.

De plus, Sa Sainteté a donné il y a environ trois ans un office vacant au parti casuel, lequel on a vendutrente-six mille livres, et non content de toutes ces grâces, il a donné son consentement pour un nouvel établissement dans cette grande ville, en l’abbaye de St.-Jean et St.-Paul, in Monte Cœlio. On dit que les nouvelles publiques en parlèrent et de sa destination, mais un peu autrement que la chose n’était ; ainsi il est à propos de vous dire que cette grâce de N[otre] S[aint] P[ère] le Pape est d’autant plus à estimer, qu’elle nous est venue uniquement de sa pure bonté et de son seul mouvement, sans qu’aucun de nous en eût fait la demande. Ce qui nous oblige à une plus grande reconnaissance. C’est que ce don nous a été fait sans nous obliger à aucune charge que celle de ce bénéfice, qui est de deux mille quatre cents livres de revenus, dont Mgr le Cardinal Ottoboni6, neveu d’Alexandre VIII, jouissait. Ayant appris le dessein qu’avaitle Pape de nous donner l’église, les bâtiments, les jardins et enclos de cette abbaye, il offrit de lui-même d’abandonner aussi le revenue. Le tout a été uni par une bulle du 8 7bre 1697, expédiée par les soins et à la poursuite même de N[otre] S[aint] P[ère] le Pape, qui avait cela si fort à cœur qu’il fit plomber la bulle, quoique la goutte l’eût empêché de signer ce nouveau don si considérable. Vous voyez quelle obligation nous avons de prier Dieu pour un si grand Pape et Mgr le Cardinal Ottoboni qui, en nous cédant les revenus de l’Abbaye, nous a donné moyen de faire ce nouvel établissement, où nous avons transporté les séminaristes internes et les étudiants de la maison de Rome avec leurs régents et directeurs, en sorte qu’il y a déjà 34 personnes denotre Congrégation ou environ, que Sa Sainteté, par une bonté toute paternelle, les a honorées d’une visite au commencement de leur établissement, les favorisant de sa bénédiction apostolique, ce qui nous doit faire espérer que cette maison fera de grands biens dans la suite. Nous n’y avons pas encore nommé de supérieur, parce que M. Giordanini, qui l’est de notre ancienne maison de Monte Citorio, prend soin par sa présence de bien commencer celle-là. De plus, le Pape nous a donné des marques de sa bienveillance, en ce qu’ayant établi une nouvelle congrégation pour s’appliquer à la réforme du clergé, il a voulu que le supérieur de notre maison fût un des consulteurs, comme il l’était déjà de la congrégation de l’hospice des Pauvres-Prêtres. Et Sa Sainteté fit faire, il y a un an, undécret, où il est ordonné aux Confesseurs de faire une retraite de huit jours tous les ans dans notre maison et pour les curés au moins tous les trois ans, et dit qu’en rapportant des certificats qu’ils ont fait les exercices de la retraite ponctuellement, ils seront préférablement favorisés des grâces de Sa Sainteté.

Tout ceci est rapporté dans la lettre de M. Pierron, qui ajoute dans une suivante que les deux Missionnaires français qu’il envoya à Rome, il parle de M. Divers avec son compagnon, qui y allait faire l’office de procureur des maisons de la Compagnie, furent fort bien venus et admis par le Pape à lui baiser les pieds, c’était déjà Clément XI, successeur d’Innocent XII. Il leur fit l’honneur de les faire relever et de les entretenir familièrement plus d’une demi-heure, leur témoignant beaucoup d’affectionpour la compagnie. Sa Sainteté a donné tout nouvellement permission à nos prêtres de Monte Citorio d’élever leur bâtiment selon le grand besoin qu’ils en ont, ce que quelques voisins ne l’agréèrent pas, disant que cette élévation leur ôterait la vue, et ils le leur avaient fait défendre par deux décrets obtenus d’Innocent XII. Clément XI ne les a pas cassés, mais il les a expliqués en notre faveur, attendu qu’on avait besoin de logement pour recevoir en retraite les confesseurs et curés de Rome, suivant un autre décret du même Innocent XII, auquel on ne peut commodément satisfaire qu’en élevant la maison. C’est un expédient que N[otre] S[aint] P[ère] le Pape a pris de lui-même, pour ne pas casser, ce qu’avait fait son prédécesseur.

On n’affectionnait pas moins la Compagnie dans d’autres villes d’Italie. Il se fit un nouvel établissement à Ferrare, pour les missions et les ordinations de ce diocèse, où des Missionnaires travaillaient depuis cinq ans, et où feu M. Jolly nomma, seulement trois semaines avant sa mort, un supérieur. Les emplois se faisaient de même avec bénédiction dans les maisons d’Italie. Les lettres que j’ai reçues de La Bâtie7, dit M. Pierron, m’apprennent que les missions font toujours grand fruit auprès des habitants de l’île de Corse, et que, de plus, ils ont commencé un séminaire externe, qui sera un grand moyen de remédier à bien des abus, en formant de bons prêtres.

Le général ajoute encore qu’on traitait pour établir la Congrégation dans une des principales villes du Milanais, mais que ce pays étantpour lors le théâtre de la guerre, il ne savait si cela réussirait, au moins sitôt ; cette ville était Crémone et, malgré la guerre, l’établissement se fit. Le même M. Pierron en donna avis par une lettre particulière datée du 8 9bre 1702, où il marque : M. Dominique Malossi, chanoine de la cathédrale de Crémone, nous ayant donné, par contrat passé dès le mois de 7bre de l’année dernière, sa maison, ses meubles et la plus grande partie de ses biens, pour procurer en cette ville un établissement à la Congrégation, afin de travailler aux missions, nous y avons envoyé, dès le commencement du mois passé, quatre prêtres et deux frères italiens. Celui qui les conduit, en attendant que nous y nommions un supérieur, est M. Ageno8, supérieur de notre maison de Pavie, qui a traité de cette fondation avec ce chanoine. Il nous mande qu’ils ont été reçus des grands et des petits avec tout le bon accueil qu’on pouvait désirer. Ils ont surtout admiré la générosité et le détachement de leur fondateur, qui les a mis en possession de sa maison, de ses meubles, et de tout ce qu’il leur avait promis par son contrat de fondation, s’étant retiré dans son autre maison, quoique moins commode que l’autre. Nous sommes bien obligés de prier Dieu pour cet insigne bienfaiteur. Tels sont les accroissements que Dieu donnait en Italie à la Congrégation.

En Pologne, elle était devers estimée des grands, et des petits, mais ce royaume eut beaucoup à souffrir après la mort du roi Jean III, y ayant eu plusieurs brigues pour l’élection future ; il y eut même deux princes d’élus, savoir : le prince de Conty, d’une part, et l’électeur de Saxe, de l’autre. Le premier d’abord paraissait mieux soutenu ; toutefois, l’électeur de Saxe l’emporta, et fut reconnu roi. Nos maisons de Pologne, dit M. Pierron, ont été jusqu’à présent dans l’affliction, à raison de la division de ce grand royaume ; elles n’ont pas laissé de faire leurs fonctions, quoique deux d’entre elles en aient souffert de grandes pertes dans leurs biens ; le séminaire interne n’a pas été pour cela interrompu. M. Tarlo, visiteur de la province, écrivait, de plus, qu’on voulait établir les Missionnaires dans un archevêché de Pologne, c’est-à-dire à Léopol, capitale de la petite Russie, et en une autre ville, mais qu’il y rencontrait encore des difficultés. Elles furent plus grandes encore qu’on ne s’y attendait. Le roi de Pologne s’étant ligué avec le czar de Moscovie, le roi de Suède, jeune monarque qui ne respirait que la guerre, après avoirremporté des victoires considérables sur le czar, ravagea tout ce grand royaume durant plusieurs années ; et ayant eu du dessus, il fit élire un nouveau roi nommé Stanislas ; puis, étant entré à main armée en Saxe, il obligea le roi Auguste à abdiquer la couronne et à reconnaître Stanislas. Il ne sut pourtant pas profiter de ce bonheur, et, bientôt après, ayant voulu poursuivre le czar jusqu’au fond de la Pologne, il perdit la fameuse bataille de Pultowsk, après laquelle le roi Auguste rentra dans Son royaume.

  1. Charles François de Loménie de Brienne, † 1720.
  2. † 1702.
  3. Michel Brier, né 1650.
  4. Évêque à partir de 1692 jusqu’à son transfert à Nantes, 1718.
  5. Peut-être Pierre Sabatier, † 1733.
  6. Pietro Ottoboni, grand-neveu d’Alexandre VIII, † 1740.
  7. Bastia.
  8. Lazaro Maria Ageno, 1658-1735.

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