XIX. Bon succès des fonctions
Les infirmités continuelles de ce digne supérieur général qui n’était pas encore fort âgé, et la défaillance visible de ses forces faisaient craindre avec raison à toute la Compagnie de s’en voir bientôt privée, et il n’y a personne qui ne désira de tout son cœur que Dieu le conserve longtemps. Il donna avis du bon succès des emplois et des biens qui se faisaient dans des maisons de la Compagnie du 12 février 1671, à peu près en ces termes : Vous êtes sans doute bien aisé d’apprendre de temps en temps l’état de la Congrégation en général, et ce qu’il y a de nouveau en particulier. La paix et l’union est, Dieu merci, parmi nous. On y travaille à la vertu, qui plus, qui moins ; et nos fonctions se continuent partout avec la même bénédiction. Toutefois il ne parle que de trois maisons, savoir : de Rome, de Naples et de Lyon, n’ayant pas le loisir de dire rien en particulier des autres.
À Rome Dieu y bénit de plus en plus la maison qui a ce semble tous les emplois des autres et encore au-delà ; elle fait des missions presque continuelles, et de plus deux sortes d’exercices d’ordinands, savoir, pour les ordinations des quatre-temps, et pour les extraordinations ou extraordinaires deux fois chaque mois en faveur de ceux qui sont ordonnés par les extra tempora ; toujours au nombre de quatorze ou quinze, à qui on fait les exercices, partie de l’ordination, partie de la retraite spirituelle. Cette même maison reçoit quantité d’autres exercitants de toute condition dont le nombre augmente. Elle fait la conférence aux ecclésiastiques qui s’y assemblent une fois la semaine, comme à St.-Lazare, outre cela une chose que nous ne faisons pas ailleurs, savoir, de montrer les cérémonies à tous les prêtres, tant étrangers qu’italiens, qui veulent dire la messe à Rome, et n’en peuvent obtenir la permission qu’en ayant un certificat des nôtres qu’ils savent les cérémonies ; ce qui s’est pratiqué depuis le commencement de cet établissement, et se continue encore. Il ne manquait plus là que les fonctions d’un séminaire externe, et voilà que depuis trois mois la Providence en a commencé un, par les soins de M. Simon, et par les libéralités de Mad[am].e la duchesse d’Aiguillon qui fournit de quoi pour le louage d’une maison voisine de la nôtre ; sans quoi, elle n’aurait pas eu suffisamment de place. Ils ne sont encore que six séminaristes, mais gens bien choisis, et quatre autres se disposent à y entrer bientôt. C’est une œuvre de grande importance dans la ville capitale des Églises universelles ; qui avec toutes les autres choses qu’on vient de dire, peut faire quelques bons changements dans le clergé. Ceci a pourtant discontinué et il y a trop d’abord à Rome, et les ordinations trop fréquentes pour tenir des séminaires réglés comme dans les diocèses particuliers.
À Naples notre maison va un bon train jusqu’à présent, dit M. Alméras ; elle a fait des missions à la campagne et les exercices de l’ordination à la ville. Mgr le Cardinal et Archevêque en est fort content, il a bien logé les missionnaires et les protège. Au commencement il n’y avait que trois prêtres, présentement, il y en a cinq, avec un clerc, et S[on] É[minence] en voudrait encore d’autres si on pouvait lui en donner, ils sont tous Italiens, ils ne sont pas encore fondés, Mgr le Cardinal leur donne de quoi subsister ; il y a apparence qu’ils ne tarderont pas beaucoup à l’être, tant parce que cette ville est grande, et il y a beaucoup de piété et de dévotion pour les Congrégations, et parce qu’il se trouve un particulier gentilhomme qui promet de le faire. C’était le sr. Balsamo dont on a parle ci-dessus, et qui n’était pas encore décédé.
M. Martin1 est présentement supérieur à Gênes, c’était un excellent missionnaire, des premiers qui avaient été en Italie, et avait longtemps dirigé les missions à Gênes, et encore d’avantage à Turin, ayant pour cela un talent merveilleux, et s’étant très bien formé à la langue italienne qu’il parlait aussi bien que s’il fut né dans cette nation ; il avait outre cela beaucoup de vertu, et il a été le dernier supérieur français de la maison de Rome.
Dans la maison de Lyon, dit encore le général, les nôtres y sont fort occupés aux missions qui réussissent bien sous la conduite de Mr Berthe. On ne voulait pourtant pas le laisser là ; mais seulement pour mettre la maison en bon train. Ils assemblent dans les grands lieux les curés et les prêtres avec ceux du voisinage pour leur faire des conférences et dans les intervalles, ils ont fait faire la retraite aux curés et autres prêtres d’une partie du diocèse, les ayant assemblés dans leur quartier en deux bandes, l’une après l’autre, et chacune était de 70 ou 80, leur faisant deux entretiens par jour comme on fait aux ordinands. Ils n’étaient pas encore logés où ils sont, et ne pouvaient garder un si grand nombre de prêtres chez eux ; ils y venaient seulement aux exercices. Mgr l’Archevêque et Mrs. les Vicaires généraux sont très contents, ajoute M. Alméras, et leur témoignent beaucoup de bonté.