Protestation contre les soulèvements révolutionnaires. Attachement à la royauté légitime.
Lyon, août 1830.
Mon cher ami,
Je souffre horriblement et je n’ai pas encore pu te le dire. Je suis allé chez toi ce matin, tu n’y étais pas; je suis retourné tout à l’heure jusqu’au pied de ton escalier et je n’ai pas osé monter de peur de te déranger toi ou tes parents. Cependant mon pauvre cœur est trop malade; il faut qu’il s’épanche dans le cœur d’un ami.
Je viens de recevoir de Paris une lettre de mon frère, qui nous apprend qu’il a été obligé de se déguiser et de quitter l’habit ecclésiastique, qu’il a passé deux jours dans des transes mortelles, qu’il ne sait pas encore s’il doit rester dans les environs de Paris ou s’approcher de Lyon; cependant, nous dit-il, le calme commence à se rétablir, mais momentanément. Ma pauvre mère s’inquiète, se désole et moi je dois la consoler; il faut renfermer dans mon cœur le chagrin qui me dévore! O mon ami!
J’ai vu au pied de chez toi une proclamation annonçant que Charles X ne peut plus régner, que le peuple met le duc d’Orléans sur le trône, en lui imposant une Constitution! Et quel est donc l’article de la charte qui permet au peuple de déposer, de nommer? Depuis quand la personne du roi n’est-elle plus inviolable et sacrée? Comment ose-t-on proclamer de telles monstruosités, au nom de la charte? Je frémis d’indignation.
Des ministres se rendent criminels; la charte les rend responsables, on devait se contenter de désobéir à leurs ordonnances illégitimes et à leur demander compte de leur conduite et, au lieu de cela, on prend les armes, on abat les fleurs de lys, les drapeaux tricolores sont arborés et l’on crie : «Nous ne voulons plus de Charles X. » Nous ne voulons plus! Et depuis quand la volonté de quelques forcenés a-t-elle une force morale? On m’objectera la majorité du peuple, mais la majorité est royaliste constitutionnelle et non républicaine, d’ailleurs la majorité d’une nation ne s’égare-t-elle jamais? Ne s’égarait-elle pas le jour qu’elle applaudissait au coup qui venait de trancher la tête au meilleur des rois?
De quel droit des banquiers, des membres de l’extrême gauche s’appellent-ils gouvernement? Elus par 40 députés au lieu de 400, peuvent-ils représenter la nation française? Et d’ailleurs, quand la Chambre serait rassemblée tout entière, de quel droit traiterait-elle sans le concours du roi et des pairs?
Au sein de notre ville, quatre médecins et quelques négocians prétendent organiser un gouvernement1 et donner des ordres et qui donc les a élus? Où sont leurs titres? Leur titre, c’est l’ambition et le mystère du comité directeur est révélé : j’y crois aujourd’hui. Cinq cens gardes nationaux vont demander au maire ses pouvoirs et le menacent d’un rendement de compte : quel est l’article de la charte qui les autorise? Et pourtant voilà qu’ils crient : «Vive la Charte! » Mon cher ami, je t’ai exprimé mes sentimens avec chaleur et avec toute la franchise de l’amitié; les voici en résumé :
Je veux le roi Charles X.
Je veux la Charte constitutionnelle.
Je veux la mise en accusation des ministres.
Je renie le gouvernement provisoire.
Je renie le duc d’Orléans pour roi.
Je déteste tous les actes illégaux qui se sont commis.
Je désapprouve la commission lyonnaise.
J’estime la garde nationale, mais je lui souhaite de meilleurs chefs.
Je suis et serai toujours le sujet fidèle du roi légitime Charles X.
Je suis et serai toujours ton ami.
Ton intime ami :
FRÉDÉRIC.
Si tu voulais venir me voir un petit moment après ton dîné, tu me procurerais un grand plaisir.
Original : Archives Laporte.