1809. Au camp impérial de Schœnbrunn, non loin du château où devait mourir l’Aiglon, Napoléon signe le décret qui, en révoquant celui du 27 mai 1804, supprime la Congrégation de la Mission. L’Empereur se venge ainsi de la résistance que lui oppose M. Hanon, Vicaire général de la petite Compagnie, qui, intransigeant par tempérament et, par-dessus le marché, fort de son droit, ne veut pas que la direction des Filles de la Charité lui soit enlevée pour être donnée aux évêques, comme le voudraient les grands Vicaires du diocèse de Paris… A la fin de l’article 3 de ce décret de suppression, Napoléon qui en confie l’exécution aux Ministres des Cultes et de la Police, a ajouté, de sa main «… présent décret qui ne sera pas imprimé». L’Empereur avait-il si peu bonne conscience et redoutait-il la trop grande publicité que le texte imprimé eût donné à sa vengeance ? Mieux vaut se demander quel est, en France, l’état de la petite Compagnie en 1809. A Paris, quatre confrères vivent en communauté avec M. Hanon, rue du Vieux-Colombier. En province, la situation est la suivante : cinq confrères dirigent le séminaire d’Amiens ; trois, celui de Carcassonne ; deux, celui de Saint-Brieuc ; aux grands séminaires de Vannes, de Sarlat et d’Albi, la Congrégation est représentée par un lazariste. A Valfleury, ils sont trois qui desservent la cure. Des cinq cent huit prêtres qui formaient le personnel des provinces françaises en 1792, cent vingt sont morts ; parmi les trois cent quatre-vingt-huit survivants, quarante n’ont plus le goût de mener la vie simplement sacerdotale ; quarante autres sont trop affaiblis par l’âge ou les infirmités pour être utilisés dans un ministère actif ; soixante se déclarent prêts à reprendre la vie commune. Les deux autres centaines sont retenus ou par des engagements ou par des évêques ou par les petites habitudes qui, contractées depuis dix-sept ans, dans. un presbytère, leur font paraître redoutable la soumission à la Règle de Communauté… Quand on a sous les yeux et ce tableau et le trait de plume tracé rageusement par Napoléon en ce jour, on ne peut que trouver grands et admirer ceux qui vont être les artisans de la restauration vincentienne en France (1).
1852. À Madrid, après dix-sept ans d’exil, les confrères se réinstallent. La Révolution de 1833 a entraîné la fermeture et l’abandon des huit maisons qui constituaient alors la province d’Espagne. Aujourd’hui, grâce au Concordat passé entre Pie lx et le gouvernement, grâce aussi à la générosité de la reine Isabelle qui offre aux confrères un vaste immeuble et leur continuera ses secours financiers, la petite Compagnie est à nouveau présente sur le sol espagnol, en attendant d’y déployer une belle activité (2).
- 1) Coste, La Congrégation de la Mission, p. 143, Actes du Gouvernement, pp. 106-111.
- 2) Coste : op. cit., p. 175.